B. Le monitoring des élections
présidentielles : une pratique encadrée par le droit national
Conformément à la loi camerounaise n°91-20
du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des
députés à l'Assemblée nationale énonce que
« chaque liste de candidats peut désigner un
délégué par arrondissement, lequel a libre accès
dans tous les bureaux de vote de la circonscription. Il ne peut être
expulsé qu'en cas de désordre provoqué par lui. Mention en
est faite au procès-verbal. Il peut présenter à la
commission locale de vote des observations sur le déroulement du
scrutin. Ces observations sont consignées au procès-verbal
»84 , et par ailleurs la loi camerounaise 92/10 du 17
septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance
à la Présidence de la République, modifiée et
complétée par la loi n° 97/20 du 9 septembre 1997 et la loi
n°2011/002 du 6 mai 2011 énoncé qu' « il est
créé pour chaque bureau de vote une commission locale de vote
composée ainsi qu'il suit :
« Un représentant de l'administration,
désigné par le Préfet ;
· Membres ;
· Un représentant de chaque parti. A cet
effet, chaque candidat peut, au plus tard le sixième jour avant le
scrutin, désigner pour chaque bureau de vote son représentant
parmi les électeurs inscrits sur la liste électorale
correspondant audit bureau »85.
La présence de ces représentants de candidats ou
de liste contribue à garantir l'impartialité du bureau de vote
dans la mesure où ils sont désignés par les candidats ou
listes en présence. Par exemple, en France, selon les termes de
l'article R. 42 du code électoral, chaque bureau de vote doit être
composé d'au moins quatre représentants. Dans le cas où le
nombre de représentants ainsi désignés est
inférieur à quatre, le bureau de vote est complété
à due concurrence par les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau
ou, à défaut, par les électeurs parmi ceux présents
qui savent lire et écrire. Une irrégularité dans la
composition du bureau de vote peut entraîner l'annulation de
l'élection : ainsi, le refus d'un maire de confier la présidence
d'un bureau de vote à un conseiller municipal plus ancien dans l'ordre
du tableau traduit une présomption de fraude que doit sanctionner
l'annulation de l'opération électorale du bureau de
vote86.
« Le comité national des droits de l'homme et des
libertés au Cameroun », in Cahier africain des droits de
l'homme, n°9, Mai 2003, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'UCAC,
2003, pp. 229-266.
84 Loi fixant les conditions d'élections des
députés à l'Assemblée Nationale , loi n° 91-20
du 16 décembre 1991, modifiée par la loi n° 97-13 du 19 mars
1997, in Code électoral édition revue et corrigée (1997),
Yaoundé, Imprimerie Nationale, 1997, p. 41.
85 Elections Cameroon, Présidentielle
2011, Recueil des textes législatifs et
réglementaires, Loi n°92/10 du 17 septembre 1992 fixant les
conditions d'élection et de suppléance à la
Présidence de la République, modifié et
complétée par la loi n° 97/20 du 9 septembre 1997 et la par
la loi n°2011/002 du 6 mai 2011, article 13 alinéa 1-9, pp. 8-9.
86 Kamga, (H), Op. cit., p.20.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
A la différence des représentants, les
délégués des candidats ou des listes ne font pas partie du
bureau de vote. Le code électoral français dans son article L. 67
et R. 4787, permet à chaque candidat de désigner un ou
des délégués, ainsi que leurs suppléants, parmi les
électeurs du département. Il peut être
désigné un seul délégué pour plusieurs
bureaux de vote. Leurs noms doivent être portés à la
connaissance du maire dans les mêmes conditions que ceux des
représentants. Ils sont autorisés à être
présents en permanence dans les locaux où a lieu le scrutin. Ils
assurent ainsi, au nom des candidats, le contrôle des bureaux de vote. La
possibilité de désigner des délégués
étant un droit garanti par le législateur, elle ne peut
être indûment restreinte. Ainsi le maire ne peut pas refuser de
délivrer un récépissé de la liste des
délégués adressé par un candidat, même si la
liste ne comporte pas, pour chaque délégué, le
numéro et le lieu d'inscription sur les listes électorales, alors
que les articles R 47 et R 46 exigent que les délégués
soient électeurs dans le département. Au Cameroun par contre pour
assurer la gestion et le contrôle des élections, on est parti de
la loi qui prévoit des commissions locales et l'administration
d'après, la loi de 1992 sur les élections présidentielles,
institue des Commissions électorales locales (CEL), le
déroulement des opérations électorales doit être
organisé de façon à assurer la régularité du
scrutin. Pour assurer ce rôle, il est créé une institution
impartiale ad hoc. Son rôle est non seulement de veiller, à la
régularité et l'impartialité des élections, et
à ce titre elle contrôle les opérations
d'établissement de conservation et de révision des listes
électorales, mais aussi d'être informée de toutes les
réclamations ou contestations concernant les listes et les cartes
électorales. Cependant, elle assure le contrôle et la distribution
des cartes électorales et ordonne toutes les rectifications rendues
nécessaires à la suite de l'examen.
Toutefois, aucune clause dans la loi électorale
camerounaise n'autorise la présence des observateurs non partisans dans
les bureaux de vote ; il n'y a non plus aucune loi qui exclut la
présence d'observateurs nationaux et internationaux88. En
réalité l'esprit de la loi vise plutôt à autoriser
de manière tacite leur présence. La responsabilité, au
niveau national, de la protection des droits de l'homme et des libertés
des populations, qui est clairement indiquée dans la
Constitution89, donne une latitude pour une présence
d'observateurs nationaux non-partisans pourvu qu'ils soient des
électeurs inscrits sur les listes du bureau de vote concerné. Au
pire des cas les observateurs nationaux non-partisans peuvent être
confinés au bureau de vote de leur localité où ils sont
automatiquement autorisés à travailler. Mais il serait juste, et
il appartient à l'Assemblée nationale de remanier la loi pour
permettre aux observateurs nationaux non-partisans de visiter par exemple cinq
bureaux de vote dans leur circonscription électorale et
d'élaborer des rapports sur le déroulement des opérations
dans ces bureaux de vote, pour permettre d'évaluer le processus
électoral dans le cadre d'un échantillonnage viable sur
l'ensemble du territoire national. En attendant, il n'y a aucun obstacle
réel à ce que les Sous-préfets et les commissions
électorales locales ne s'opposent pas à la présence
d'observateurs nationaux non-partisans90.
Il va sans dire, naturellement, que les observateurs doivent
se comporter avec le maximum de bon sens et de sérénité
pour ne pas remettre en question leurs missions. Il est recommandé, pour
éviter toute confusion au sujet du silence de la loi sur ce point
précis, et pour permettre la mise en oeuvre de l'esprit de la
Constitution,
87 Cité par Ndoumou, (F.D), Op cit.,
p. 371.
88 Kamga, (H), Op cit., p. 21.
89 Mouangue Kobila (J), « Le préambule
du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative
à l'étalage utilitaire », in Lex Lata, n°
23-24, février-mars 1996, pp. 33-38.
90 Kamga, (H), Op cit., p.22.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
qu'il soit délivré aux observateurs des
documents d'accréditation écrits les autorisant à observer
toutes les opérations électorales sans restriction, tant qu'ils
ne s'ingèrent pas dans le processus ; il peut leur être fourni des
documents d'accréditation en qualité d'invités du
Sous-préfet ou du Chef de District91.
La loi ne se prononce non plus sur les observateurs
internationaux, mais n'exclut pas non plus leur présence. C'est une
pratique internationale générale acceptée que des
observateurs internationaux soient invités et qu'il leur soit
délivré des laissez-passer pour l'ensemble du territoire
national, par le Ministre de l'Administration Territoriale après avis du
Ministre des Relations Extérieurs, sans aucun frais pour le gouvernement
du pays hôte. Cette situation est celle des premières
années des élections multipartites au Cameroun, notamment les
législatives du 1er mars 1992 et la présidentielle de la
même année. Les lois sur les élections et en occurrence sur
le monitoring des élections n'y étaient assez claires sur les
observateurs nationaux comme internationaux. Les principales limites de ces
commissions électorales résident dans la définition de
leurs pouvoirs et de leurs compositions. On leur reproche aussi une certaine
lourdeur administrative. Il importe que les commissions électorales ne
disposent pas de compétences réelles et d'indépendance
face au pouvoir, afin de favoriser l'émergence de cette confiance du
peuple, indispensable à tout gouvernement démocratique. Les
commissions doivent, par exemple, avoir l'autorité de proclamer les
résultats de l'élection présidentielle et, ce
indépendamment de toute ingérence de la classe politique de
l'Etat.
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