Paragraphe 2 : Le monitoring des élections : une
pratique encadrée par des règles pragmatiques
Face à la routinisation progressive des missions de
monitoring des élections par d'autres organisations internationales,
ainsi que d'autres acteurs, et, surtout avec le travail des Nations unies et de
l'Organisation internationale de la francophonie en matière
d'observation électorale internationale, il y a une avancée
significative dans ce sens. Ainsi, l'adoption de la déclaration de
Bamako en 2000 et la publication de la Déclaration de principes pour
l'observation internationale d'élections et le Code de conduite à
l'usage des observateurs électoraux internationaux (A), ainsi qu'un
autre ensemble de convention entre les acteurs au niveau interne (B) en 2005,
se sont érigés comme documents de référence pour
toutes les missions d'observations électorales initiées par la
pluralité d'acteurs du monitoring des élections.
A. Les règles pragmatiques internationales : la
Déclaration de Bamako et la déclaration de principes pour
l'observation internationale d'élection et le code de conduite des
observateurs électoraux internationaux : cas des élections
présidentielles de 2004 et 2011
Bien qu'aucun instrument international n'impose l'observation
des élections ou ne réglemente les droits, les
responsabilités et la conduite des observateurs92, les «
bonnes pratiques » de nombreux acteurs ont conduit peu ou prou
à sa normalisation. Tant d'efforts on aboutit à l'adoption de la
Déclaration de Bamako ainsi la déclaration de principes pour
l'observation internationale d'élection et le
91 Cf. MINATD, sur les prérogatives des
Sous-préfets en période électorale entre 1992 et 2004.
92 Comillon, (P), Secrétaire
général de l'Union Interparlementaire, « Droits et
responsabilités des observateurs électoraux », document
présenté à la conférence internationale de la
Laguna sur la liberté des élections et l'observation
internationale des élections (Tenerife, 27 février-2 mars
1994).
22
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
Code de conduite des observateurs électoraux
internationaux ouverts à la participation d'autres organisations
intergouvernementales et non gouvernementales. L'avantage de cette souscription
massive et ouverte à d'autres organisations réside dans le fait
que ces deux instruments couvrent toutes les régions du monde et les
principes contenus orientent et situent la place du monitoring des
élections93, et s'applique ainsi à toutes les
différentes élections. C'est en vertu de la Déclaration et
du Code de conduite précités que l'ensemble des acteurs
signataires du monitoring des élections agissent, bien entendu sur
invitation, pour les OIGs et sur accréditation pour les ONGs et de la
société civile internationale, de l'institution chargée
des opérations électorales dans un Etat. C'est sur la base de
cette Déclaration que de nombreux organismes de la communauté
internationale, tant institutionnels que non se sont déployés
lors de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004, et c'est
cette Déclaration qui a servi de base d'évaluation dudit
scrutin.
La Déclaration de Bamako, quant à elle, marque
un tournant décisif du travail effectué par l'Organisation
internationale de la francophonie en matière de démocratie et
notamment d'observation internationale des élections en dépit du
texte de Marrakech de 1996 consacré à la définition des
principes devant guider l'envoi d'une mission de monitoring des
élections. En effet, c'est elle qui donne un sens nouveau et une
portée novatrice au projet démocratique francophone, en ce
qu'elle ne nie pas la difficulté de la tâche, et ne minimise pas
les enjeux. Mais bien au contraire, elle assume cette difficulté tout en
affirmant les valeurs de la Francophonie.
Les missions de monitoring des élections des pays de la
Francophonie n'est dès lors pas aliénée par cette
Déclaration. Bien au contraire, celle-ci lui donne toute sa
valeur, parce qu'elle lui sert en définitive de cadre
juridique, mais aussi de repère
nécessaire en cas de « violation successive des
droits de l'homme »94. Ce texte présenté comme
exceptionnel démontre, en effet, que la problématique de la
séparation entre la
démocratie et la Francophonie n'est pas qu'un slogan
mais une véritable tension vers
un nouvel enracinement de l'organisation sur ses valeurs. Lors
de la mission exploratoire de septembre 2004 en prélude à la
préparation de l'élection présidentielle
du 11 octobre de la même année, cette mission
s'est appuyée sur cette déclaration pour évaluer le niveau
d'internationalisation de ladite déclaration95. Celle-ci a
servi de même base pour le scrutin présidentiel du 09 octobre
201196.
Ces règles pragmatiques universelles (soft law)
déterminent la définition de l'observation internationale dont la
substance demeure la même dans le cadre non universel. Ainsi, selon la
Déclaration de Bamako et la Déclaration des principes et
directives des Nations unies auxquelles adhèrent de nombreuses
organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales dont
l'Organisation des nations unies (ONU), l'Union africaine (UA), l'Union
européenne (UE), le NDI, le
93 Pour un approfondissement sur la portée
de l'observation internationale des élections lire la contribution de
Dodzi Kokoroko,(K), « La portée de l'observation internationale des
élections », in Démocratie et élections dans
l'espace francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp.755-765.
94 Bourgi, (A), L'OIF et les processus
électoraux dans l'espace francophone, 2005 (inédit).
95 Lire à ce sujet le rapport des missions
exploratoire et d'observation proprement dite du scrutin présidentielle
du 11 octobre 2004. Cette mission exploratoire avait pour mandat de rencontrer
tous les acteurs impliqués dans le processus électoral, à
savoir les autorités politiques et administratives, les responsables des
structures concernées, ceux des partis politiques, des organisations de
la société civile et des médias, afin d'établir un
état des lieux circonstancié des préparatifs de
l'élection, et d'identifier, sur la base des engagements et des
paramètres consignés dans la Déclaration de Bamako, les
domaines susceptibles de faire l'objet, en liaison avec les différents
partenaires au développement, d'un concours de la Francophonie,
notamment pour ce qui avait trait au renforcement des capacités des
structures impliquées dans le processus électoral.
96 Voir rapport joint OIF-UA, à l'occasion de
l'élection présidentielle du 09 octobre 2011.
23
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
Centre Jimmy Carter conçoit ainsi le concept de
l'observation électorale internationale :
« (...) l'observation internationale des
élections est un élément de la surveillance internationale
du respect des droits de l'homme et, à ce titre, doit répondre
aux plus hautes exigences d'impartialité concernant les forces
politiques nationales et ne tenir compte d'aucune considération
bilatérale ou multilatérale contraire à ces exigences.
Elle consiste à évaluer les processus électoraux
conformément aux principes internationaux qui gouvernent les
élections honnêtes et démocratiques et au système
juridique du pays où ils se déroulent, étant entendu que,
en dernière instance, ce sont les citoyens qui
déterminent
la crédibilité et la légitimité
d'un processus électoral »97.
A travers cette Déclaration, l'Organisation
internationale de la francophonie démontre avec une grande
acuité, comme l'indique à juste titre Albert Bourgi, que
« La démocratie ne conduit jamais à une
stabilité qui se révèlerait rapidement illusoire : elle
est avant tout un mouvement qui doit sans cesse permettre des
améliorations, elles-mêmes fonction des circonstances. C'est ainsi
qu'il n'existe pas de mode de scrutin idéal et que dans les plus vieux
régimes démocratiques les règles varient parfois
considérablement
d'une élection à une autre (...)
»98.
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