La régulation de l'industrie pétrolière du Sénégal face au défi du paradoxe de l'abondancepar Pape Amadou FALL Faculté de droit Paris Descartes - Master 2 Droit des Politiques Publiques du Développement 2018 |
A- Les allocations budgétaires dans la construction de l'oléoduc Tchad-CamerounLa transparence est un moyen visant à lutter contre le paradoxe de l'abondance grâce à une meilleure gestion des dépenses publiques. Le cas du Tchad, dans la construction de son oléoduc le reliant au Cameroun est pertinent dans le sens où il permet des tirer des enseignements intéressants portant sur l'importance de la loi pétrolière et l'application de cette dernière. Le projet de construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun qui a débuté en 2000 présente un fait inédit dans le domaine pétrolier. En effet, ce projet a été financé en partie par la Banque mondiale à hauteur de 4,2 milliards de dollars78. L'objectif de ce projet est de stimuler l'exportation et la production pétrolière au Tchad. Par conséquent, la finalité est de réduire la pauvreté au Tchad en investissant dans les secteurs prioritaires d'améliorer la transparence dans la gestion des revenus 77 CARBONNIER, Gilles. Comment conjurer la malédiction des ressources naturelles ?. Institut de hautes études internationales et du développement, 2007. p.83-90 78 Appui du Groupe de la Banque mondiale au Programme de développement pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du programme, p.9 40 pétroliers79. Le projet d'oléoduc consiste en l'exploitation de trois champs pétroliers dans le bassin de Doba, et dans la construction d'un oléoduc de 1070 kilomètres reliant les champs pétroliers à un terminal de stockage et de déchargement situé au Cameroun80. Toutefois, des réserves sont émises quant aux bénéfices que peut tirer la population locale, notamment à cause de la corruption dont l'État tchadien est souvent accusé. La Banque mondiale a posé comme condition à sa participation au financement du projet, une nouvelle loi pétrolière qui assure une meilleure gestion des revenus notamment dans les secteurs prioritaires afin de conjurer la maladie hollandaise et réduire la pauvreté81. De facto, elle fournit un prêt de 41 millions de dollars pour que l'État tchadien puisse être en capacité de « développer un système de gestion des revenus et de contrôle financier, sous la forme notamment d'un soutien financier aux institutions clefs »82. Sous la pression de la Banque mondiale, le Tchad adopte le 11 janvier 1999 une nouvelle loi pétrolière relative à la gestion des revenus pétroliers83, modifiée par une loi du 1er août 200084. Ladite loi stipule que 80 pour cent des revenus pétroliers sont destinés aux dépenses relatives aux secteurs prioritaires85. La loi définit les secteurs prioritaires comme les secteurs relatifs à la santé publique et des affaires publiques, l'enseignement, les infrastructures, le développement rural (agriculture et élevage), l'environnement et les ressources en eau86. Ensuite, 15 pour cent des revenus sont destinés à couvrir les dépenses de fonctionnement et d'investissement courants de l'État, pour une période de cinq ans à compter de la date de production87. Enfin, 5 pour cent des 79 Appui du Groupe de la Banque mondiale au Programme de développement pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du programme, p.8 80 PETRY, Martin et BAMBE, Naygotimti. Le pétrole tu Tchad : rêve ou cauchemar pour les populations ?. Karthala Éditions, 2005, p.23-24 81 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003, p.74 82 Ibidem 83 Loi n°0001/PR/99 du 11 janvier 1999,
consultable sur :
http://www.droit- 84 Loi n°016/PR/2000 du 1er août 2000 85 Article 8 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers 86 Article 7 alinéa 2 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers 87 Article 8 b) de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers 41 revenus sont destinés à dédommager les communautés affectées par la production pétrolière88. Une des innovations majeures de la loi porte sur la création d'un fonds destiné aux générations futures. En effet, la loi prévoit que 10% des ressources directes (ressources comprenant les dividendes et redevances)89 soient déposées et bloquées sur un Compte d'Épargne au profit des générations futures, conformément à la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC)90. On peut en déduire que la Banque Mondiale s'est inspirée du modèle norvégien pour créer un modèle tchadien. Plus précisément, la Norvège est considérée comme un modèle de gestion transparente de ses revenus pétroliers, à travers son puissant fonds souverain91. Pour garantir le bénéfice de sa richesse pétrolière aux générations futures, elle a instauré un fonds de stabilisation qui permet de protéger l'État contre les éventuelles baisses des revenus pétroliers liés à la baisse des exportations92. En théorie, cette nouvelle loi présente des dispositions juridiques pertinentes relatives à la gestion des revenus pétroliers. Cependant, des difficultés subsistent sur sa conception et sur son application malgré la mise en place du Collège de Surveillance des Ressources (CSR). |
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