A- Un régime juridique pétrolier hybride
L'industrie pétrolière dispose de plusieurs
régimes pétroliers différents. Dans un cadre
général, trois types de régimes pétroliers sont
à noter dans les pays producteurs de pétrole.
Tout d'abord, il existe un régime pétrolier
fixe202. Celui-ci dispose d'une législation
pétrolière, qui fixe à l'avance dans le cadre de
modèles de contrats pétroliers, les conditions relatives
à l'amont pétrolier, c'est-à-dire les activités
portant exclusivement sur l'exploration, le développement et
l'exploitation du pétrole et du gaz. En matière de
fiscalité, les impôts, taxes, redevances et les conditions portant
sur le partage de production de la rente sont aussi fixés par la
législation pétrolière.
Ensuite, un pays producteur de pétrole peut être
lié par un régime pétrolier ad hoc203.
La particularité de ce type de régime pétrolier repose sur
une législation pétrolière peu ou pas du tout
développée. Par conséquent, une grande marge de manoeuvre
est laissée au Gouvernement lorsque ce dernier signe des contrats
pétroliers en fixant le cadre des termes du contrat, les conditions et
obligations qui en découlent.
Enfin, un régime hybride peut
caractériser un pays producteur de pétrole204.
Contrairement au régime pétrolier ad hoc, il s'illustre par une
législation pétrolière développée qui fixe
les principes applicables aux contrats pétroliers. Cependant,
ce régime laisse certaines questions
202 Rapport final, Étude comparative du cadre
légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les
états membres de l'Association des Producteurs de Pétrole
Africains (APPA), p.30-40
203 Ibidem
204 Rapport final, Étude comparative du cadre
légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les
états membres de l'APPA, op. cit.
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relatives aux choix des opérateurs pétroliers,
au mode de détermination du partage de la production, à la libre
appréciation du gouvernement ou du ministère en charge des
hydrocarbures. La libre appréciation des autorités
compétentes est fixée dans le cadre de la loi
pétrolière.
Au regard des régimes pétroliers
énoncés, le législateur sénégalais semble
avoir opté pour le régime pétrolier hybride. L'État
a toute la faculté pour négocier les termes contractuels relatifs
à la répartition des parts en cas de découvertes
commerciales205. En effet, dans la section précédente,
il a été constaté que les répartitions des parts
dans le cadre d'un partage de production de la rente pétrolière
n'étaient pas prévues par le code pétrolier. Donc, c'est
le gouvernement qui négocie les parts en cas de découverte.
Ce régime hybride confère aussi au Gouvernement
une trop grande marge de manoeuvre dans le choix des compagnies
pétrolières. En d'autres termes, le régime
pétrolier sénégalais permettrait au Gouvernement de
contracter avec des compagnies pétrolières, en se reposant sur
des considérations subjectives.
B- Un régime hybride conférant des
prérogatives trop importantes aux autorités compétentes,
négligeant le rôle du Parlement
Le code pétrolier de 1998 confère une multitude
de prérogatives à l'État sénégalais. Par
exemple, ce dernier est habilité à choisir une compagnie de son
choix pour entreprendre des opérations pétrolières dans
son sous-sol206. Cependant, le fait que le Sénégal
puisse choisir librement son opérateur pétrolier est susceptible
de poser un problème au niveau de l'impartialité de son choix. En
outre, lorsque le législateur a édicté le code
pétrolier, il n'a pas prévu la mise en oeuvre d'une
procédure d'appel d'offres. Cette procédure pourrait constituer
un gage de transparence dans la signature des CRPP liant l'État et les
compagnies pétrolières.
Donc, le choix des compagnies pétrolières peut
paraître discrétionnaire et confidentiel ; ce qui pourrait poser
un problème de transparence au niveau de la négociation des
contrats.
Par ailleurs, les CRPP contractés entre l'État
et les compagnies pétrolières ne font l'objet d'aucun
205 SONKO, Ousmane. Pétrole et Gaz au
Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.60.
206 Article 5 du code pétrolier
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contrôle de la part d'un organe de régulation. Du
moins, la loi pétrolière ne prévoit aucun contrôle.
Par conséquent, tout contrat peut être conclu sans information
préalable aux citoyens.
De ce fait, le Parlement pourrait être un acteur de
régulation efficace qui devrait avoir la compétence d'effectuer
un contrôle à priori des CRPP. En d'autres termes, le Parlement
sénégalais devrait être en mesure de ratifier les CRPP
négociés et signés par le Gouvernement
sénégalais. Doter le Parlement d'un pouvoir de contrôle et
de ratification permettrait à tout parlementaire d'avoir accès
à l'intégralité des contrats pétroliers et de
dénoncer tout contrat qui est susceptible d'aller à l'encontre
des intérêts de l'État. Intégrer le Parlement
sénégalais dans l'amont pétrolier serait un gage efficace
de transparence dans la signature des contrats pétroliers.
Le régime juridique hybride en vigueur laisse une marge
d'appréciation non négligeable à l'État en
matière de négociations et de partage des parts de production.
Paragraphe second - Un régime juridique
lacunaire au niveau de l'interprétation de la loi
pétrolière
Le droit pétrolier sénégalais
présenterait des lacunes au niveau de l'interprétation de
certaines dispositions juridiques relatives aux conditions d'octroi des blocs
pétroliers (A), mais aussi au niveau de l'interprétation de la
fiscalité portant sur la cession des blocs pétroliers (B).
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