TITRE I : L'APPLICATION DELICATE DES DROITS D'AUTEUR SUR
INTERNET
13. La problématique de l'application des droits sur
internet est relativement récente. Le sommet d'Ottawa de 1998,
organisé par l'OCDE, a pour la première fois cherché
à réunir les différents Chefs d'Etats pour discuter des
difficultés juridiques soulevées par ce nouveau moyen de
communication. La question était déjà essentielle et les
décideurs ont vite compris les implications de l'internet sur la
société : Qu'il s'agisse du commerce, de la protection des
consommateurs et des données personnelles. Néanmoins, la question
de la culture ne sera pas encore abordée23.
14. La particularité de l'internet, sa
nouveauté, en font un outil difficilement appréhendable par le
droit d'auteur « classique ». En effet, de nouvelles pratiques
apparaissent : Parmi elles, l'on peut en dégager deux grandes : Le
téléchargement d'une part, notamment via le système
pair-à-pair, et le streaming d'autre part. De cette grande
classification découlent nombres de subdivisions sous forme de divers
modes de diffusions.
15. Si ces modes de diffusion ne font pas l'objet d'un vide
juridique, la législation en la matière semble imparfaite. La
première loi franco-française mentionnant l'internet
apparaît en 1976. Son objectif principal : La protection des
données personnelles. Le web effraie : Ses prétentions
tentaculaires, sa nature dématérialisée, sa
démocratisation voient se dévoiler le spectre de l'utilisation
abusive d'informations confidentielles. La première réaction
législative incluant des dispositions propres au droit d'auteur fut la
Loi Perben II du 09 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, réaction répressive
portant la sanction de la contrefaçon en matière de droits
d'auteurs à 3 ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende au lieu des
deux ans et 150.000 euros précédemment
prévus24. La loi de transposition du 01 août 2006
relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la
société de l'information (DADVSI) complète le dispositif
pénal par la répression du contournement des mesures techniques
de protection. La première rédaction prévoyait en outre la
contraventionnalisation des échanges illégaux pair-à-pair,
disposition néanmoins censurée pour violation du principe
d'égalité devant la loi pénale par le Conseil
Constitutionnel le 27 juillet 2006, en raison du traitement différent de
celui des autres services de communication au public en ligne sans
justification, puisque les mêmes actes de contrefaçon peuvent tout
à fait être effectués via ces autres moyens de
communication25. La Loi HADOPI 1 « Création et Internet
» du 12 juin 2009 repose sur une philosophie nouvelle, plus
éloignée de la répression pénale et du durcissement
des sanctions. La réponse pénale est modifiée : le
dispositif repose sur une obligation de surveillance de l'accès internet
par l'abonné qui
23 L'internet et le droit - Droit français,
européen et comparé de l'internet. Colloque des 25 et 26
septembre 2000 - Collection Légipresse p.183.
24 Alain Bensoussant, 2004 «
La loi Perben II renvorce la lutte contre la cybercriminalité»
[en ligne]
http://www.01net.com/editorial/240503/la-loi-perben-ii-renforce-la-lutte-contre-la-cybercriminalite/
(consulté le 02/06/2014)
25 « Considérant que les requérants
soutiennent que cette disposition méconnaît le principe
d'égalité devant la loi pénale en instituant une
différence de traitement injustifiée entre les personnes qui
reproduisent ou communiquent des objets protégés au titre du
droit d'auteur [...] selon qu'elles utilisent un logiciel de pair à pair
ou un autre moyen de communication électronique »
9
doit s'assurer que cet accès n'est pas utilisé
pour effectuer un acte de contrefaçon. Le cas échéant, le
célèbre système de sanction par « réponse
graduée » est enclenché : L'abonné reçoit dans
un premier temps un message d'avertissement par courriel, à pure
visée pédagogique, préventive et dissuasive. Si un acte de
contrefaçon est renouvelé sous six mois, l'abonné
reçoit une seconde recommandation par courriel et lettre
recommandé avec accusé de réception. Si dans les douze
mois un acte est de nouveau réalisé, l'abonné est soumis
à l'étape répressive : Il est coupable de l'infraction de
négligence caractérisée, sanctionnée par 1.500
euros d'amende ainsi que d'une coupure d'accès internet d'un mois
maximum. Si le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 10 juin
2009 a mis fin à cette disposition en jugeant que « la
suspension [de la connexion internet] peut porter atteinte à la
liberté d'accès à internet, droit fondamental
rattaché à la liberté d'expression et de communication
» 26et ne peut ainsi être prononcée que par
un juge et non par une simple autorité administrative, le reste du
dispositif n'a pas été remis en cause. Suite à cette
inconstitutionnalité de fond, le législateur a réagi par
la rédaction de la Loi HADOPI 2 relative à la protection
pénale de la propriété littéraire et artistique
promulguée le 28 octobre 2009. Cette dernière prévoit la
création d'un juge unique, statuant par voie d'ordonnance pénale,
afin de respecter les prescriptions du juge constitutionnel. La suspension de
la connexion est rétablie et peut courir jusqu'à un mois pour
l'abonné, un an pour le pirate. La loi prévoit en outre une
contravention annexe de 3.750€ si le contrevenant souscrit un nouveau
contrat d'abonnement dans le délai de sanction. Par ailleurs, les Lois
HADOPI établissent un nouvel objectif : la labellisation de l'offre
légale destinée à aider les internautes à
repérer les sites licites.
16. Malgré un véritable arsenal
législatif à l'encontre des utilisations frauduleuses d'oeuvres
protégées sur l'Internet, l'application des droits sur internet
est pourtant mise à rude épreuve. D'une part du fait des
phénomènes nouveaux, difficilement appréhendables par le
droit (Chapitre I), d'autre part en raison de solutions contemporaines, sinon
mal rédigées, tout du moins insuffisantes (Chapitre II).
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