B) L'intégration problématique de brevets
invalides
Au-delà du caractère essentiel des brevets, qui
s'avère difficile à déterminer, la potentielle
invalidité des brevets est également un élément
à prendre en compte dans l'analyse du caractère proconcurrentiel
ou anticoncurrentiel d'un pool.
1. Les inconvénients associés à la
présence de brevets invalides
Les accords entre les membres du pool peuvent leur
permettre d'abriter au sein du regroupement des brevets invalides ou dont la
validité est incertaine, ce qui est susceptible d'augmenter
indûment le montant des redevances et de limiter l'innovation dans le
domaine couvert par le brevet non valide. Par ailleurs, conditionner l'octroi
d'une licence sur certains brevets à l'acquisition de tout un
35 Commission Européenne, « Lignes directrices
relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux
accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal
Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §232
36 Joel Klein, Assistant Attorney General, United
Stated Department of Justice, Lettre à Garrard R. Beeney, 25 Juin
1997.
37 M.D. Janis, « Aggregation and Dissemination
Issues in Patent Pools », University of Iowa Legal Studies Research
Paper, n°05-14, Avril 2005.
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portefeuille de brevets, dont certains sont potentiellement
invalides, peut s'apparenter à de la vente liée, et cette
pratique a déjà été sanctionnée aux
Etats-Unis38.
Les arrangements visant à abriter des brevets dits
« faibles » peuvent prendre différentes formes. Les membres du
pool peuvent par exemple s'engager mutuellement à ne pas
poursuivre en contrefaçon les brevets des autres membres. Dans ce cas,
le pool peut être utilisé pour déguiser un cartel
en monopole légal. Une clause peut également stipuler la
résiliation de l'ensemble de la licence en cas de contestation de la
validité des droits d'un des membres du pool. De tels accords
peuvent également revêtir un caractère informel, en
particulier lorsque les membres du pool sont de fait dissuadés
de contester les brevets détenus par les autres membres du pool
: ils préfèrent ne pas courir eux-mêmes le risque de
voir leurs propres brevets remis en cause.
Or il est à noter que ce sont les membres du pool
qui sont les mieux placés pour déterminer la validité
d'un brevet, et étant donnée l'existence fréquente de
processus dissuasifs tels que ceux discutés plus haut, il est peu
probable qu'un brevet contenu dans un pool soit contesté.
Ainsi, il y a une véritable préoccupation en termes de droit de
la concurrence autour du fait qu'un patent pool est très
susceptible d'abriter des brevets qui échappent à la surveillance
des concurrents, résultant en des redevances plus chères que le
montant correspondant au niveau concurrentiel.
Par ailleurs, la formation d'un regroupement de brevets
implique nécessairement une augmentation des coûts et des risques
liés à la contestation des droits des donneurs de licences.
Ainsi, les Lignes directrices européennes précisent que le droit
de résilier la licence en cas de contestation par le cessionnaire doit
être limité aux technologies du donneur dont les droits sont
contestés, et ce afin que l'accord ne puisse pas permettre de
protéger des brevets invalides39.
Mais certains auteurs jugent exagéré le
problème lié à l'inclusion de brevets invalides ou
non-essentiels au coeur d'un pool40. Le regroupement n'en
augmenterait pas pour autant le niveau des redevances pour la concession de son
portefeuille de brevets, si au moins un des brevets valides du pool
est essentiel pour fabriquer le produit final. Il est très probable
selon eux que parmi le grand nombre de brevets contenu dans les pools,
plusieurs se révèlent invalides, mais la question qui se
38 Pour exemple, C.S., International Salt Co. v.
United States, 332 U.S. 392 (1947).
39 Commission Européenne, « Lignes
directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité
CE aux accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal
Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §229 : «
Afin de limiter ce risque, tout droit de résilier une licence en cas
de contestation doit être limité aux technologies détenues
par le donneur, qui fait l'objet de la contestation, et ne pas s'étendre
aux technologies détenues par d'autres donneurs dans le regroupement.
»
40 R. J. Gilbert, « Ties that Bind : Policies to
Promote (Good) Patent Pools », loc. cit., p. 10-11.
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pose alors est de savoir s'il est plus opportun d'inclure des
brevets incertains, ou de les exclure du portefeuille de brevets. Les deux
hypothèses semblent présenter des risques. En incluant des
brevets dits « faibles », on augmente nécessairement les
suspicions quant à la fixation de prix excessifs, étant
donné que les tiers vont devoir sans doute payer des redevances pour des
technologies qu'ils n'utilisent pas. Par ailleurs, un tel mécanisme peut
diluer la répartition des revenus du pool entre les
différents membres, rendant le regroupement difficile à mettre en
place ou instable. Les exclure du pool augmente la probabilité
de se retrouver dans une situation où le portefeuille de brevets
proposé en licence ne contient pas l'ensemble des brevets
nécessaires à l'utilisation d'une technologie donnée,
amplifiant le risque pour les preneurs de licences d'être
contrefacteurs.
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