PARAGRAPHE II : L'autorisation de la loi
Les hypothèses dans lesquelles la loi pénale
autorise la commission de certains actes sont nombreuses. Dans le cas par
exemple de la politique criminelle, il est permis aux agents de police de
fabriquer la fausse monnaie afin de mettre sur pied les techniques efficaces de
détection et de lutte contre l'émission de la fausse monnaie. Il
en est de même des méthodes policières d'infiltration
utilisées aux Etats-Unis sous le terme d'« undercover
», permettant aux agents d'intégrer des groupes maffieux, de
transmettre des trafics tombant normalement sous le coup de la loi
pénale32. Nous nous intéresserons aux cas
généraux d'autorisation de la loi que constituent la
légitime défense (A) et l'état de
nécessité (B). En principe, les deux causes
visent le même but : écarter le danger ou le péril. Mais
dans la légitime défense, l'agent est agressé tandis que
dans l'état de nécessité, l'agent est agresseur. De toute
façon, celui qui agit sur permission de la loi ne peut en aucun
être sanctionné.
31 DZEUKOU (G.B.) précité, p.120.
32 DESPORTES (F) et LE GUHENEC (F), Le Nouveau droit
pénal, 8ème édition, Economica, 2001, p.536
n°704.
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A- La légitime défense
La carence des autorités compétentes et
l'urgence de la situation justifient dans certaines conditions la
défense de soi-même envers l'agression d'autrui. Ainsi, la
légitime défense est permise à toute personne
réellement en danger, et, exonère l'auteur de sa
responsabilité pénale et civile des conséquences de sa
nécessaire protection.
Prévue par l'article 84 C.P., la légitime
défense est le droit de se défendre ou de défendre autrui
immédiatement contre une atteinte illégitime. N'est pas
pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte
injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le
même temps, un acte commandé par la nécessité de la
légitime défense d'elle-même ou d'autrui, pourvu qu'il n'y
ait pas disproportion entre les moyens de défense employés et la
gravité de l'atteinte33. En principe, tout fait
incriminé par la loi est punissable. Mais lorsqu'il a été
commandé par la nécessité de la légitime
défense de soi-même ou d'autrui, la loi en dispose autrement. Il
faut donner une portée générale à l'article 84 C.P.
C'est un droit au droit contre le droit, c'est-à-dire l'autorisation de
transgresser ou de s'opposer la loi34.
L'atteinte doit être illégitime
c'est-à-dire susceptible d'entraîner soit des sanctions
pénales, soit des dommages et intérêts.
La défense doit être commandée par la
nécessité immédiate : si l'on a le temps d'avoir recours
aux autorités pour s'opposer à l'atteinte illégitime, et
ce, sans souffrir de ce retard, on n'a pas le droit de se défendre par
ses propres moyens.
Il doit y avoir juste proportion entre la défense et
l'attaque. Hormis les cas d'homicide précisément
autorisés35, tous les autres cas doivent être
appréciés selon les circonstances.
Ainsi, le mercredi 16 du mois de mars 1979, SIGNE Jean
Rameaux, cultivateur de profession résidant à Baré dans le
Moungo, fait le tour de sa plantation aux environs de 16 heures et 30 minutes
avant son retour à la maison. A sa grande surprise, il se rend compte
que des régimes de noix de palme ont disparu. En suivant la direction
33 V. Art.84 al. 1 CP.
34 COOMANS (M.), Le droit de résistance, droit
au droit contre le droit, Mémoire de DEA, Université Catholique
de Louvain, juillet 2007 ; p.5.
35 V. Art.84 al. 2 CP.
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prise par le présumé voleur, direction
tracée par des noix de palme apparemment tombées pendant le
déplacement, il a rejoint la case de monsieur SEMBEYI Léonard.
Une grande dispute éclate. Ce dernier, emporté par la
colère, rentre dans la case et en ressort avec une machette. Pris de
panique, SIGNE prend la fuite mais est poursuivi par SEMBEYI. Plus loin, SIGNE
rencontre un groupe de femmes qui cultivaient, pendant qu'il leur explique ce
qui se passe, son adversaire surgit et lui applique un coup de machette sur le
dos. Les femmes apeurées crient fort. Renversé, SIGNE Jean saisit
une houe avec laquelle il frappe vigoureusement son agresseur à la nuque
: le sang jaillit. Conduit à l'hôpital, SEMBEYI rend l'âme.
Ses ayant-droits se constituent partie civile. Aux débats, le juge est
convaincu de l'imminence de la menace de mort drainée par la fureur et
l'arme du défunt, et décide que la réaction de SIGNE Jean
était la seule idoine qui pouvait le sauver de son agresseur. Ainsi, il
lui accorde le bénéfice de l'article 84 C.P., les conditions de
la légitime défense étant réunies36.
Contrairement à SIGNE Jean Rameaux, dame DJOUMTSA Sarah
n'était pas en situation de légitime défense. En effet,
les relations de voisinage ne sont pas toujours des plus tendres. Le matin du
02 octobre 1998, le porc de monsieur OUALAZE Firmin a détruit son enclos
fait de bambous, s'est dirigé dans les cultures de dame DJOUMTSA Sarah
et a dévasté entièrement les plants de manioc et une
parcelle de maïs. Ayant constaté le lendemain, cette
dernière s'arme d'une pioche et rentre dans la plantation du
propriétaire de l'animal. Elle arrache des bananiers, déterre des
cannes à sucre et bien d'autres plantes. OUALAZE porte plainte pour
destruction de biens et trouble de jouissance. Au tribunal, DJOUMTSA argue
qu'elle faisait de la légitime défense parce qu'elle lui rendait
ce que son porc lui a causé comme dégâts. Le juge souligne
d'abord qu'il n'y avait aucune menace imminente de mort ; qu'ensuite, elle
disposait du temps pour saisir les autorités compétentes. Et
qu'enfin, ses actes n'étaient que l'expression d'une vengeance
privée. Les conditions de l'article 84 dont elle se prévalait
n'étant pas réunies, elle a été condamnée
pour destruction de biens et troubles de jouissance des articles 316 et 239
C.P.37 De ce qui précède, nous
36 T.G.I. du Moungo, jugement n°1028/crim du
20 mars 1979. Affaire MP et ayant-droits de SEMBEYI Léonard c/ SIGNE
Jean Rameaux. Inédit.
37T.P.I. Dschang, jugement n°782/cor du 17
décembre 1988. Affaire MP et OUALAZE Firmin c/ DJOUMTSA NGOMENET Sarah.
Inédit
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constatons que l'obéissance à la loi, ou mieux
le respect des dispositions de la loi épargne le sujet qui a posé
un acte préjudiciable de poursuite judiciaire lorsque la situation
présente des risques de mort. Dans le contexte des biens
matériels, le concept change et devient l'état de
nécessité. Mais encore faut-il que les agissements soient en
parfaite harmonie avec le texte qui le prévoit.
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