B- Les hypothèses d'exonération
S'il se trouvait que le sujet exécute un ordre
illégal, on essaierait de voir s'il a réellement voulu en arriver
là. On parle ainsi de l'existence de la volonté et de l'intention
dans l'accomplissement de l'acte : sinon il y aurait été
contraint ; et il en sera exonéré. Exonérer signifie que
ne lui sera point imputée la faute (1). De même,
celui qui a refusé d'exécuter un ordre illégal ne peut
être poursuivi (2).
1) En cas de contrainte
Le code pénal camerounais en son article 77 dispose que
la responsabilité pénale ne peut résulter ni du cas
fortuit, ni de la contrainte matérielle
irrésistible198. La contrainte physique s'exerce sur le corps
même de l'auteur de l'infraction, qui devient en quelque sorte un jouet
entre les mains de « forces » d'où la terminologie
« irrésistible ».
La contrainte morale s'exerce non sur le corps mais sur la
volonté de l'auteur de l'infraction. Pour prendre un exemple explicite,
une personne que l'on oblige sous la menace d'une arme à feu, à
frapper un tiers. Si on lui tient de force le bras pour porter le coup, il y a
contrainte physique. La contrainte morale porte donc par nature une atteinte
moins profonde au libre arbitre de la personne qui pourrait tenter de
résister : il obéit malgré lui.
A la différence du trouble mental qui fait
disparaître le discernement de l'auteur des faits, la contrainte supprime
la volonté. C'est en cela qu'elle constitue une cause subjective
d'irresponsabilité. Toutefois, la contrainte provient le plus souvent de
circonstances objectives extérieures à l'auteur des faits. La
contrainte suppose que l'auteur se trouvait dans l'impossibilité absolue
d'y résister. Cette condition expressément prévue par la
loi est logique. Si l'auteur de l'infraction avait la possibilité de
suivre un autre comportement et qu'il ne l'a pas fait, ses actes sont
l'expression de sa propre volonté, et il n'y a aucune raison qu'il n'en
réponde pas
198 Le code pénal français en son article 122-2
renchérit « N'est pas pénalement responsable la personne qui
a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a
pu résister ».
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devant un tribunal répressif. Sa liberté de
choix a peut être été restreinte ce qui justifiera une
peine légère, mais il conservait son libre arbitre et donc
demeure responsable.
Si l'ordre d'accomplir un acte manifestement illégal ne
peut jamais constituer un fait justificatif, l'obéissant pourra
toutefois, dans certains cas, être déclaré irresponsable
s'il démontre qu'il a agi sous la contrainte.
Dans l'hypothèse de la contrainte surtout
matérielle, il y a suppression de la liberté physique qui donne
à l'homme contraint le rôle d'instrument et lui enlève
celui d'agent du délit. On ne saurait donc imputer à ce dernier
la paternité des faits incriminés : c'est pourquoi le juge a
acquitté pour défaut d'imputabilité un chauffeur de taxi
qui a été mêlé par contrainte à des crimes de
vol aggravé et d'assassinat perpétrés par un groupe de
malfrats qu'il avait pris abord de sa voiture, croyant qu'ils étaient
des clients honnêtes199. Dans le cadre de l'armée, s'il
y a abus d'autorité, telle que définie au code pénal,
l'obéissance hiérarchique est une excuse absolutoire qui
entraîne une exemption de la peine qui sera alors infligée au
supérieur. L'excuse joue donc au profit du préposé qui a
obéi à un ordre donné par son supérieur
hiérarchique, dans le champ de ses attributions et dans un domaine
où il lui était dû obéissance200.
2) L'irresponsabilité de celui qui a
refusé d'obéir à un ordre illégal
Le refus d'exécuter un ordre manifestement
illégal ne saurait nous semble-t-il être reproché ni sur le
plan pénal201, ni sur le plan disciplinaire202.
Mais le ministère français de la défense
a publié une instruction ministérielle relative aux devoirs du
soldat à qui un ordre illégal a été ordonné.
Désormais, le texte indique clairement que le militaire mis dans une
telle situation doit refuser les ordres illégaux, et le
révéler de ce fait par tous les moyens directement et dans les
plus brefs délais : soit au ministre de la défense, soit à
son chef d'Etat-major, soit à l'inspecteur
199 T.G.I. de Bafia, jugement n°78/crim du 8 mai 1996,
cité par ONANA ETOUNDI (F), op.cit p. 50.
200 Extrait du document de l'Etat Major français, 1998.
201 Code pénal du Nicaragua, art.379 : « Est
exempt de peine celui qui diffère d'exécuter un ordre
manifestement contraire aux dispositions de la constitution... ».
202 Projet de code pénal international, art.6.0 :
« Nul ne sera puni pour avoir refusé d'obéir à un
ordre de son gouvernement ou de ses supérieurs qui, si
exécuté, aurait constitué un crime ».
(Source : www.pénalorg/pdf/livr-annexe-11.pdf.)
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général de son armée. Cette instruction
ne fait que préciser les modalités pratiques par lesquelles un
militaire peut et doit rendre compte d'un ordre manifestement illégal
qu'il aurait reçu, et auquel il est tenu par la loi de ne pas y
obéir.
Refuser de se plier aux ordres du supérieur peut
s'avérer fatal pour le subordonné dans le cadre de l'armée
et de la fonction publique. En effet, un refus peut donner lieu à des
sanctions indirectes : le subordonné voit sa vie professionnelle
dirigée par son supérieur donc refuser d'accomplir serait prendre
des risques professionnels importants. Le supérieur prend des
décisions essentielles pour le déroulement de la carrière
du sujet placé sous ses ordres, par exemple la notation ou l'avancement.
A l'opposé, la notation peut être facilitée et l'avancement
rapide. Mais au quotidien, le supérieur peut charger le
subordonné des tâches ingrates, le pousser à l'erreur et le
sanctionner aussitôt : ce sont tout simplement des scènes de
vengeance ; mais au moins, ce dernier n'aurait pas vu sa responsabilité
pénale engagée.
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