PARAGRAPHE II : Les mesures de modération de la
peine
La sévérité originelle du code
pénal se manifeste par la multitude d'infractions de nature criminelle
et délictuelle qui y sont prévues. Mais il a été
donné aux juges le droit d'atténuer la rigueur de la loi, et ce,
selon sa conviction personnelle au-delà des prévisions
législatives. Les juges s'en servent régulièrement pour
amoindrir les effets souvent très percutants de certaines sanctions, y
compris ceux qui ont statué sur les affaires mettant en grief
l'obéissance. Ces mesures sont de deux ordres : les atténuations
(A) dont le régime peut être
considéré comme général c'est-à-dire tout
délinquant peut en bénéficier. Par contre, pour
exonérer de la sanction pénale certains délinquants, le
juge a déployé une motivation adéquate
(B).
178 CS, arrêt n°03/P du 27 mars 2008 : il faut surtout
faire remarquer que la décision de la CA a fait l'objet de pourvoi qui a
été rejeté donc les condamnations ont été
confirmées.
179T.P.I. Nkongsamba, jugement n°607/cor du 16
mai 2005.
180T.P.I. Bafang, jugement n°339/cor du 29
mars 1998 : affaire MP et NGUEDE Anselme c/ KAMENI Augustin,
Précité.
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A- Les atténuations
Une atténuation est perçue comme un apaisement
des effets originels d'une disposition légal. Disposant de l'imperium,
le juge est doté du pouvoir d'en faire bénéficier le
délinquant qu'il pense y habilité. Précisons dans le
même sillage que ces atténuations sont constituées des
circonstances atténuantes et de l'excuse atténuante
(1), et de l'excuse de minorité (2).
Dans le cadre de la répression de l'obéissance, le juge s'en est
valablement servi.
1) Les circonstances atténuantes et l'excuse
atténuante
Une excuse atténuante résulte d'une circonstance
qui aux yeux de la loi, rend, les faits délictueux moins graves
qu'à l'accoutumée ; c'est aussi une circonstance ou une
qualité strictement déterminées par la loi, qui obligent
le juge à atténuer ou à ne pas prononcer la peine.
Par contre, une circonstance atténuante est un
évènement entourant la commission d'une infraction, ou traits de
caractère relatifs à la personne de son auteur, librement
appréciés par le juge et entraînant une modulation de la
peine dans le sens de la clémence.
Nous convenons sans risque de nous tromper que ces deux
institutions ont un seul but : l'allègement de la peine. Mais les
conditions de bénéfice sont différentes pendant que les
bénéficiaires sont assez restreints. Selon l'article 90 CP, elles
peuvent être admises par décision motivée en faveur d'un
condamné. Pour ceci, nous comprenons que seul le juge et sa conscience
personnelle peuvent attribuer les circonstances en considération de
faits librement appréciés. C'est pourquoi il parle souvent de
délinquant primaire pour motiver sa décision.
Le délinquant primaire est celui qui commet
l'infraction pour la première fois. Le juge a le droit de penser que le
sujet a juste fait l'erreur et que cela ne se répètera plus :
c'est ce qui a été dit à l'encontre de DJOUGUELA qui
n'avait jamais autrefois
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fait objet de poursuite judiciaire181. Egalement,
M. NJOCK a bénéficié des mêmes circonstances : le
juge argue que l'ordre de vendre les biens confiés, bien qu'il soit
illégitime, provenait de son supérieur
hiérarchique182.
Une autre motivation a généralement
été la bonne tenue devant la barre. Expression très vague,
la bonne tenue à la barre est un principe, si bien que le comportement
contraire est constitutif de délit : le délit d'audience. Le juge
de l'affaire ZETI Pierre et MP c/ MOULONG Xavier a dit que malgré
l'agressivité du prévenu, il s'est bien comporté devant la
justice183. L'excuse atténuante quant à elle est tout
autre chose.
Au demeurant, l'excuse atténuante est un fait
défini par la loi qui tout en laissant subsister l'infraction et la
responsabilité pénale, entraîne une diminution du quantum
de la peine en dessous du minimum prévu ou l'absorption même
totale. Le système pénal camerounais y a souscrit : l'article 82
C.P. fixe les différentes personnes qui peuvent en
bénéficier : c'est le cas du mineur qui a agi sous la contrainte
de ses parents ou autres. Le juge de l'affaire MP et ANDJENE Protais a vu juste
en donnant le bénéfice de l'excuse atténuante à
NGOULEU Gwentry qui extorquait son soit disant fiancé sur ferme conseil
de sa mère184.
Ne perdons pas de vue cet employé
d'établissement de micro finance qui a décaissé des fonds
sur l'ordre de son supérieur hiérarchique. Ce dernier a vu sa
peine relativement diminuée185.
Mais aussi et surtout le cas de cette jeune fille qui a
été violemment enjointe par son père de se faire avorter
sous peine de se faire expulser de la maison familiale. Rattrapée et
trahie par BALENG Jeanne Germaine la mère de NKAPA Jules, auteur de la
grossesse et assistant ladite fille, les deux tourtereaux ont été
exonérés au tribunal186.
L'un des buts principaux de la peine est d'empêcher le
coupable de causer de nouveaux dommages à ses concitoyens, et de
dissuader les autres d'en commettre de semblables. Il faut donc choisir des
peines et une manière de les infliger, qui, toute
181 CA Centre, Arrêt n°40/crim du 10 juin 2008.
182 CS, Arrêt n°03/P du 27 mars2008 : affaire NJOCK
Hermann c/ MP et SOCOPAO, précité.
183 T.P.I. Bafia, jugement n°36/cor du 04 août 2005,
précité.
184 T.P.I. Ndokoti, jugement n°49/cor du 15 mars 2007,
précité.
185 TPI N'Gaoundéré, jugement n°23/cor du 17
octobre 2001.
186 TPI Ndokoti, jugement 37/cor du 04/07/2006.
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étude de lajutL6ptude.nce. Page 82
proportion gardée, fassent l'impression la plus
efficace et la plus durable possible sur l'esprit du délinquant et la
moins dégradante sur le corps du coupable. Ainsi, « la
sévérité inexorable qui pour être une vertu
efficace, doit aller de pair avec une législation clémente
»187. Et la clémence de la législation
pénale n'est effective que par la réduction des peines :
c'est-à-dire que le quantum prévu par le texte est revu à
la baisse : Nous remarquons que cette clémence est le leitmotiv des
circonstances atténuantes et de l'excuse atténuante.
L'article 92 du code pénal dit à ce propos que
lorsque les circonstances atténuantes sont accordées en cas de
délit ou de contravention, la juridiction peut réduire la peine
privative de liberté à cinq jours et l'amende à un franc
ou prononcer une des peines seulement : malheureusement, le juge n'a pas
totalement souscrit à cet al.1 ; mais, a quand même
considérablement réduit les peines de prison.
Aussi, dans l'al.2, le même texte dispose que quand la
loi n'édicte qu'une peine privative de liberté, la juridiction
peut y substituer une amende dont le maximum est de 1 million de F CFA en cas
de délit.
Dans ce sillage, plusieurs infractions par obéissance,
qui auraient pu faire l'objet d'emprisonnement, ont simplement
été frappées d'amendes : NGUEWOU Evariste
délinquant primaire poursuivi pour menace sous conditions est juste
condamné à payer 25.000 F d'amendes188. Il en est de
même pour KAMENI Augustin qui a été condamné
seulement aux amendes pour avoir donné un ordre à son fils, et
lequel a conduit à la destruction totale de la maison d'un
particulier189. L'excuse de minorité est tout autre.
2) Les considérations judiciaires de
l'obéissance du mineur
Si le sexe et la vieillesse ne suppriment pas la
responsabilité pénale, il en est tout autrement du jeune
âge qui constitue en plus une cause de mitigation de la peine. En
considération de l'âge de l'auteur de l'infraction, la loi
pénale a établi pour les délinquants de moins de 18ans un
régime particulier en ce qui concerne les juridictions
compétentes. Au Cameroun, l'article 15 alinéa 2 de la loi
N°2006-015 du 29 décembre
187 BECCARIA, Des délits et des peines , p.86.
188 T.P.I. Dschang, jugement n°453/cor du 20 août
2010.
189 T.P.I. Bafang, jugement n°339/cor du 29 mars 1998.
Précité.
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étude de lajutL6ptude.nce. Page 83
2006 portant organisation judiciaire au Cameroun, dispose que
le mineur délinquant sans coauteur majeur est justiciable uniquement
devant le Tribunal de Première Instance. En France, appelé
Tribunal des Enfants, le T.P.I. est compris comme la juridiction
compétente pour les faits dans lesquels sont impliqués les
mineurs. En France, le système judiciaire va plus loin et forme
même des magistrats uniquement dans le cadre de la justice des enfants ;
et ceci en fonction de leur tempérament même s'il est de principe
que la justice n'est pas le siège des émotions. Mais
malgré cette clarté législative, le T.G.I. de la MIFI a
fait fausse route. En effet, au cours de leur patrouille habituelle, le
comité de vigilance du quartier Tougang-ville a surpris TCHEFENDJI KAMGA
Michel, mineur de son état, entrain de cambrioler. Après
enquête et à l'instruction préparatoire, le T.G.I. a
été saisi par ordonnance de renvoi en date du 25 septembre 2001.
Le juge a tenu compte de sa minorité pour lui accorder le
bénéfice de l'excuse sans en préciser le motif
après sa condamnation190.
En ce qui concerne particulièrement sa qualité
de mineur, il avait 17 ans au moment des faits. Et comme il n'y a eu ni
coauteur ni complice majeur, normalement c'est le T.P.I. qui était
compétent. Le juge du T.G.I. devait se déclarer
incompétent. Mais il a retenu sa compétence propre en faisant
valoir que l'accusé a souhaité être jugé par le
T.G.I. Pour les dispositions de l'article 13 al.1 de l'ordonnance
N°1972/04 du 26 août 1972 modifiée par la loi n°2006
portant organisation judiciaire en son article 15 qui attribue la
compétence exclusive en cette matière au T.P.I. ont le
caractère d'ordre public. Cette décision nécessitait
d'être réformée.
Si l'on considère que le mineur n'ayant pas le
même discernement qu'un majeur ne se rend pas toujours compte de la
gravité de ses actes et que, par ailleurs, il est plus facilement
amendable et rééducable qu'un majeur, il convient de lui
appliquer des mesures spéciales. Au lieu de le condamner à de
véritables peines, il vaut mieux le soumettre à des mesures
d'assistance et d'éducation judicieusement choisies, en fonction de sa
personnalité réelle et du milieu familial et social dans lequel
il vit.
Le mineur qui a commis une infraction par obéissance
n'est pas en principe condamné à une peine comme un majeur. Il
est simplement soumis à des mesures de
190 T.G.I. de la MIFI, jugement n°93/crim du 03 janvier
2003 : affaire MP et NANKAM François Léopold contre TCHEFENDJI
KAMGA Michel, SIMO Pascal et FOTSO Francis.
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protection, d'assistance et d'éducation191.
S'il échappe ainsi à la condamnation pénale, c'est parce
qu'il est considéré juridiquement comme pénalement
irresponsable. Son irresponsabilité pénale n'empêche pas
toutefois qu'on lui applique des mesures éducatives192.
C'est pourquoi les jeunes délinquants AWAH et MOA qui
étaient les hommes de main d'ESSO MOUSSOMBO ont été soumis
au régime de la liberté surveillée sous la diligence du
Délégué départemental des Affaires Sociales du
Littoral193.
Il en est de même pour le prévenu NGAPNA Alain
Fabrice ; mais cette fois sous le Délégué
départemental du Noun, délégué
bénévole chargé du contrôle de cette
mesure194.
TALLA Hervé, âgé de 17ans, convaincu de
complicité par fournitures de duplicata de clés a
été placé dans un centre d'apprentissage de menuiserie sis
à Douala Bonamoussadi : Lux Mobilier195.
En plus de tout ce qui précède, il existe en
France l'admonestation. Cette mesure consiste à recevoir le mineur et
lui faire prendre conscience de la gravité de ses actes.
Très particulière, l'excuse de minorité,
elle aussi est une source d'allègement des peines en droit d'être
infligées au délinquant. Il s'agit de celui qui n'a pas encore
atteint 18 ans, et il est à noter que ses effets sont très
constructifs.
Parler du mineur réclame beaucoup d'attention et de
précision. En effet, il existe trois catégories de mineur dont
l'irresponsable, le mineur responsable ne pouvant faire l'objet que des mesures
prévues par la loi. Et le mineur responsable mais
bénéficiant de l'excuse atténuante. Le législateur
a pensé que le mineur n'a point la maîtrise de son comportement,
ni la compréhension des effets de ses actes : c'est pourquoi il souhaite
que le mineur n'aille jamais en prison mais plutôt qu'il soit
rééduqué et réinséré d'une
manière socio-positive. La considération de ces
paramètres
191 V. Art.5 décret précité.
192 Celles-ci ne peuvent intervenir que si le mineur est capable
de discernement.
193 T.P.I. Ndokoti, jugement n°11/cor du 10 janvier 2002
: affaire MP et NGAKE Guy c/ ESSO MOUSSOMBO, AWAH Randy ZOU, MOA Erick.
Précité.
194 T.P.I. Foumban, jugement N°306/cor du 05 août
2010 : affaire MP et AYIAGNIGNI Célestin c/ NGAPNA Alain Fabrice.
195 T.P.I. Ndokoti, jugement N°241/cor du 6
février 1992 : affaire MP et NGUEMOGNE Apollinaire contre TALLA
Hervé.
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étude de lajutL6ptude.nce. Page 85
a fait que même si les peines d'emprisonnement sont de
plus en plus prononcées, les juges s'attèlent farouchement
à ce que ceux-ci soient « soignés ».
Il faut croire que le fait que le mineur ne soit pas
disposé à aller en prison fait de lui un sujet sensible. Il est
traité avec beaucoup de délicatesse dans une juridiction
spéciale. En France, on parle du Tribunal des Enfants.
Les différents tribunaux devant lesquels des
délinquants du genre ont été conduits, en ce qui concerne
notre étude, ont priorisé l'éducation du délinquant
même comme l'emprisonnement n'a pas été vraiment
écarté :
- 5 jours d'emprisonnement ferme et soumission du
prévenu au régime de la liberté surveillée et
désigne à cet effet le délégué
départemental des affaires sociales du Noun,
délégué bénévole chargé du
contrôle de cette mesure. Le délinquant était
âgé de 17 ans196.
- 6 jours d'emprisonnement ferme et plus tard inscription dans
un atelier de formation en menuiserie à l'Etablissement Degrando Meubles
sis à Bonamoussadi, afin d'être réinséré dans
la société. Cette sanction prononcée contre Les mineurs
MOA Erick et AWAH Randy ZOU âgés respectivement de 16 et 18 ans
vise beaucoup plus l'amendement plénier plutôt que quelque
souffrance dans les geôles197.
De plus, l'excuse de minorité amène le juge
à ne point prononcer des amendes à l'endroit du
délinquant. Mais toujours est-il que la réparation des
dégâts incombera inéluctablement aux parents du
délinquant mineur.
Il est possible de penser que le séjour en prison
exprimé en quelques jours a été ordonné juste le
temps de trouver l'établissement d'accueil des enfants sous la diligence
des délégués des affaires sociales compétents.
En définitive, l'excuse de minorité est l'une
des rares excuses dont les effets sont assez forts et exonératoires.
196 T.P.I. Foumban, jugement n°306/cor du 5 août
2010 : affaire AYIANGNIGNI Célestin c/ NGAPNA Alain Fabrice.
Précité.
197 T.P.I. Ndokoti, jugement n°11/cor du 10 janvier 2002
: affaire MP et NGAKE Guy c/ ESSO MOUSSOMBO, AWAH Randy ZOU, MOA Erick.
Précité.
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