B- Les peines patrimoniales
Le prononcé de la peine patrimoniale ne suppose pas que
le condamné donnera des biens comme exécution de la peine, en
conséquence à la définition civiliste du concept du
patrimoine. Mais plutôt, c'est pour signaler qu'il versera de l'argent au
Trésor Public à titre de sanction (1), et ou une
autre somme à la victime à titre de réparation des torts
qu'il lui a fait subir (2). Ici, le juge s'y est bien
employé.
1- Les amendes pénales
C'est une sanction pécuniaire obligeant le
condamné à verser une certaine somme d'argent au Trésor
Public. Elle se distingue de l'amende fiscale laquelle est à la fois une
peine et une mesure de réparation destinée à
récupérer les sommes dont le fisc a pu être
privé.
Sanction atypique, l'amende pénale diminue non pas la
liberté du condamné mais son patrimoine. Dans le cadre de notre
étude, nous voyons que les juges n'ont pas hésité à
en prononcer assez suffisamment :
- 12.000 F contre MOULONG Xavier pour avoir
déplacé une borne sur la limite de l'enceinte de l'école
sur ordre illégal de son patron, président de
l'A.P.E.170
- 20.000 F contre M. EYOUM Christian qui a instruit ses
enfants majeurs d'enlever la moto de son ex-employé171.
- 30.000 F à payer par INDJIKE Didier, père de
la jeune NDOME Ruth qui lui avait ordonné furieusement de se faire
avorter172.
- 50.000 F à payer solidairement par TEKAM Daniel et
NGOUANA Jean respectivement donneur d'ordre et exécutant dans un
délit de destruction des biens173.
- 150.000 F à l'endroit du Dr TCHOUANA Eric qui avait
donné l'ordre à une jeune stagiaire inexpérimentée
d'administrer l'anesthésie à un malade dans un cas
170 T.P.I. Bafia, jugement n°36/cor du 04 août
2005.
171 T.P.I. Bafia, jugement n°44/cor du 16 septembre 1990.
172 T.P.I. Ndokoti, jugement n°37/cor du 04 juillet 2006.
173 T.P.I. Dschang, jugement n°284/cor du 10 janvier 1986,
précité.
/'ohéLta!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 78
urgent qui s'est terminé par la mort de ce dernier
à cause de la dose mortelle d'anesthésie administrée par
cette dernière.174
Tout comme l'emprisonnement, l'amende pénale a un
rôle intimidateur car savoir qu'on sera tout le temps appelé
à verser de l'argent est inquiétant. Surtout que les
condamnés peuvent se voir amener à payer par mesure de force via
la contrainte par corps. Une autre peine de la même nature est
généralement prononcée, mais cette fois-ci, les sommes
sont versées à la victime à titre de réparation du
préjudice causé.
2- Les dommages et intérêts
En effet, c'est une somme compensatoire du dommage subi par
une personne. Les dommages et intérêts sont fixés sur la
base du degré du tort réalisé et permettent à la
victime de repartir sur un nouveau départ. Même si les victimes
exagèrent souvent au prétoire ou dans leur conclusion, le juge
essaie d'octroyer ce qu'il estime suffisamment proportionnel au tort subi.
Pour ainsi dire, le juge de la Cour d'appel du Centre,
constatant la monstruosité des tortures infligées par 2 agents de
police sur des prévenus à auditionner dont l'un en est mort, il
n'a pas hésité à sommer ceux-ci de verser 5.500.000 F aux
ayants droits175.
Aussi, TAPOKO Josué et YOUALEU Moïse se sont vus
condamner à verser 6.000.000 F à titre de réparation
à l'usine TENAWA pour avoir respectivement donné l'ordre et
exécuté cet ordre d'acheter le café avec un
véhicule 4x4 qui était sous saisie, et qui a malheureusement
conduit à la destruction dudit engin dans un tonneau
accidentel176.
- 100.000 F, somme importante a été
prononcée à l'endroit de NJI Patricia, femme mariée et
ayant reçu l'ordre de son époux NENTSIA Rudolf de déposer
une plainte contre leur voisin pour vol de poulets. Simple effet de haine
dénuée de toutes preuves, le voisin LESSOMO Lot s'est
retourné contre eux par voie de citation directe pour
dénonciation calomnieuse : la sanction a été
vigoureuse177.
174 T.G.I. Nkongsamba, jugement n°114/crim du 26 octobre
1998.
175 C.A. du Centre, arrêt n°09/crim du 11 mars 2008.
176T.P.I. Bafang, jugement n°09/cor du 25 mars 1997.
177T.P.I. Ndokoti, jugement n°702/cor du 13 mai 1992 : affaire
MP et LESSOMO Lot c/ NJI Patricia et NENTSIA Rudolf.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 79
- 3.000.000 F à payer par M. NJOCK à la SOCOPAO
pour avoir vendu sur ordre illégitime de son supérieur
hiérarchique les stocks de café contenus dans le
magasin178.
- 150.000 F ont été exigés de M. ASSOUA
Jean-Paul qui a été reconnu instigateur du petit groupe
d'élèves ayant dévasté les cultures de NKANGUE
Jules179.
Ces sommes d'une certaine importance demeurent
néanmoins insignifiantes. Pourtant dans leur demande, les
requérants ont tendance à chiffrer le préjudice souffert
à plusieurs millions. Le juge pour sa part estime que ces demandes sont
exagérées quant à leur quantum, de là, les
révise à la baisse, à la grosse déception des
plaignants180.
Sur ce, nous nous apercevons que les
dommages-intérêts rétablissent la victime d'une certaine
manière dans son droit même si le montant reste
l'appréciation discrétionnaire du juge. Certaines mesures
d'assouplissement des peines relèvent également de la
discrétion du juge.
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