SECTION II : La répression de
l'obéissance
La sanction pénale constitue d'un certain point de vue,
l'élément fondamental parce que déterminant de
l'infraction au sens premier du terme. C'est en effet la nature pénale
de la sanction qui permet de reconnaître parmi les différents
actes juridiquement interdits ceux qui réalisent une infraction : un
comportement illicite au regard d'une branche du droit ne peut être dit
incriminé que dans la mesure où il expose son auteur à une
sanction répressive.
La sanction pénale est donc après
l'incrimination, la seconde composante de toute infraction. En son absence,
l'infraction est inconcevable. Dans l'hypothèse dite de la loi
pénale imparfaite où un texte prétend décrire une
incrimination en ne
159 TPI Bafang, jugement n°339/cor du 29 mars 1998.
Affaire MP et NGUEDE Anselme contre KAMENI Augustin. Inédit.
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permettant pas de déterminer la sanction
correspondante, il n'existe pas d'infraction. Si nous devons parler ainsi
lorsque nous l'envisageons comme composante de toute infraction, il est
préférable d'évoquer au contraire les sanctions
pénales quand nous entendons mener leur étude
détaillée : cet examen portera sur les décisions rendues
par les juges. Sur ce, un faisceau de sanctions est ouvert au juge ; mais le
législateur, semble-t-il, a priorisé une variété de
peine qui fait l'unanimité des juges. Considérant que les
infractions commises par obéissance sont ordinaires et connaissent la
même incrimination, le juge revient sans cesse sur l'idée du
législateur (Paragraphe I). Et on s'aperçoit que
cette idée est parsemée d'apaisements considérables
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : Les sanctions prévues par les
textes
Il est constant que le juge rend justice au nom de la loi et
selon sa conscience. C'est exactement pourquoi lorsqu'il est convaincu de la
culpabilité d'un individu, il prononce sa décision. Bien
conforté dans cette liberté, des peines privatives de
liberté (A), et aussi des peines
patrimoniales ont régulièrement été
prononcées par le juge pour réprimer l'obéissance
(B).
A- Les peines privatives de liberté
En notre 21ème siècle, la
réponse à la question posée et qui nous vient
immédiatement à l'esprit est très simple : la prison pour
punir, pour sanctionner le délinquant. La peine privative de
liberté est la peine par excellence. Alors, considérant que le
bien le plus précieux de l'Homme après la vie est la
liberté, si l'on veut punir celui-ci, c'est dans sa liberté qu'il
faut l'atteindre. Car ôter la liberté est une peine puisqu'elle
engendre une souffrance160.
L'étymologie du mot « peine »
indique que la peine est la rançon de l'acte antisocial commis. Mais
cette rançon est imposée dans un but à la fois moral et
utilitaire. C'est à raison de cette fonction moralisatrice et de ce but
de rétribution que
160 Delmas St Hilaire (J.P.), Problèmes actuels de
science criminelle, vol 7 Presses Universitaires d'Aix Marseille, pp 33-36.
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l'emprisonnement est comme une peine essentielle
(1). Mais il reste de déceler la justification de la
diversité de la jurisprudence sur la question (2).
1) L'emprisonnement
Peine très sévère, l'emprisonnement
consiste dans l'incarcération du condamné, pendant un temps
fixé par le juge dans les limites prévues par la loi. Technique
par excellence pour recycler le délinquant, l'emprisonnement
apparaît comme la règle d'or. Ainsi, dans de nombreux cas
où des individus se sont lâchement ou faiblement pliés aux
ordres d'une personne non par la loi, ils ont dû écoper d'un cas
à l'autre de privation de leur liberté. Remarquons à ce
titre :
- 9 ans d'emprisonnement ferme161.
- 5 ans d'emprisonnement ferme162. - 4 ans
d'emprisonnement ferme163.
- 3 ans d'emprisonnement ferme pour l'instigateur ESSO
MOUSSOMBO164.
- 3 mois d'emprisonnement ferme165.
- 6 jours d'emprisonnement ferme pour les lieutenants ou
hommes de main d'ESSO MOUSSOMBO les nommés AWAH Randy et MOA
Erick166.
Nous n'irons pas au-delà. Mais ce que nous remarquons
après lecture des cas que nous avons répertoriés est que
la jurisprudence est assez diversifiée sur la peine d'emprisonnement, et
ceci éveille notre curiosité. En plus, nous nous rendons compte
également que le juge a, à plusieurs endroits fait
bénéficier les condamnés des effets du sursis.
161 T.P.I. Bafang, jugement n°49/cor du 15 mars 2007 :
affaire MP et ANDJENE Protais c/ AMBANDJA Léa et NGOULEU Gwentry.
Précité.
162 T.G.I. du Nfoundi, jugement n°381/crim du 26
août 2003 : affaire MP et WANDJI Rober, DJIMAFO Joseph c/ ETOUNDI Marc et
autres. Précité.
163 CA du Centre, arrêt N°40/crim du 10 juin 2008 :
affaire MP et Standard Chartered Bank Cameroon et DJOKO SIMO David c/ DJOUGUELA
BIENGAIN Paul et Société Intek. Inédit.
164 T.P.I. Ndokoti, jugement n°11/cor du 10 janvier 2002
: affaire MP et NGAKE Guy c/ ESSO MOUSSOMBO, AWAH Randy ZOU, MOA Erick.
Précité.
165 TPI Bafang, jugement n°23/cor du 17 octobre 2001.
166 T.P.I. Ndokoti, jugement n°11/cor du 10 janvier 2002,
précité.
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2) L'individualisation de la peine
Si la sanction a un rôle punitif et
rééducateur, nous nous demandons pourquoi les juges ont des
points de vue disparates.
Les infractions commises par obéissance, nous l'avons
déjà dit, sont ordinaires. Ce qui fait qu'elles peuvent
être des délits ou crimes. Pour la plupart des cas, elles ont
été des délits, du moins en ce qui concerne nos
sélections.
Dans notre système pénal, chaque classe
d'infraction a un canevas de peine : un minimum et un maximum ; le juge est
libre de prononcer une peine qui oscille dans l'intervalle circonscrit par le
législateur, et surtout en s'appuyant sur les faits en présence.
Pour la même infraction, deux prévenus peuvent ne pas
écoper de la même peine. Pour ainsi dire, le prévenu
NGOUANA Jean, pour trouble de jouissance perpétré sur ordre de
TEKAM Daniel, a été condamné seulement aux
amendes167. Par contre, MAKAM Jean alias Bosco, instigateur des
délinquants qui ont dévasté le champ de MAZEUWA a
été condamné à 2 ans de prison avec sursis pendant
5 ans168.
La peine a un caractère légal,
égalitaire, sanctionnateur et personnel. Sur la base de ce dernier
caractère, le juge individualise les peines169. En effet,
l'individualisation des peines veut dire que le juge a un tel pouvoir
d'appréciation qu'il n'est pas obligé d'infliger les mêmes
peines aux mêmes individus ayant commis une infraction. Bien que
critiquée, l'individualisation des peines est un pouvoir qui lui permet
d'ailleurs d'être équitable dans la justice. C'est ainsi que l'on
peut comprendre ce contraste de peine pour des infractions de même
nature.
A côté de ceci, le juge n'a pas manqué de
grever le patrimoine de l'obéissant délinquant d'une obligation
relative mais souvent difficile à exécuter selon qu'elle est
grave c'est-à-dire importante ou le plus souvent moins importante.
167 T.P.I. Dschang, jugement n°284/cor du 10 janvier
1986.Affaire MP et YEMELON Jules c/ NGOUANA Jean et TEKAM Daniel.
Inédit.
168 T.P.I. Dschang, jugement n°405/cor du 10 juillet
2009.Affaire MP et MAZEUWA c/MAKAM Jean alias Bosco. Inédit.
169 V. art. 54 et 55 C.P.
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