B- Les difficultés d'application
L'obéissance raisonnée est très difficile
à mettre en oeuvre pour la simple raison que le subordonné ne
dispose pas généralement de temps matériel pour passer au
tri les ordres afin d'en déceler ceux qui sont légitimes ou pas.
Vouloir s'interroger de la sorte peut être synonyme de
désobéissance dans l'armée par exemple où la
soumission est de principe : on obéit promptement ou
immédiatement aux ordres du supérieur hiérarchique. Si le
soldat est par exemple au champ de tir et qu'un ordre illégal lui est
donné, pourra-t-il, entre la présence de l'ennemi et la pression
de la hiérarchie, examiner un tant soit peu la nature de cette
injonction ? Non. Il manquera justement du temps matériel pour ce
faire.
En outre, on se trouve en face d'une Fonction Publique bien
hiérarchisée si bien que les subordonnés sont soumis au
devoir d'obéissance. Par exemple, les subordonnés sont
notés par les supérieurs. Ces derniers peuvent infliger des notes
mauvaises au fonctionnaire qui leur a fait affront en refusant
d'exécuter une recommandation qu'il a jugée inopportune. La
réalité est encore plus grave dans le service militaire. En
effet, un refus peut donner lieu à des sanctions indirectes : le
militaire voit sa vie professionnelle dirigée par son supérieur,
donc refuser d'accomplir serait prendre des risques professionnels
importants.
Le supérieur prend des décisions essentielles
pour le déroulement de la carrière du militaire placé sous
ses ordres : la notation, l'avancement. A l'opposé, la notation peut
être facilitée et l'avancement rapide. Mais au quotidien, le
supérieur peut charger le militaire de tâches ingrates, le pousser
à l'erreur et le sanctionner aussitôt.
115 Document de l'État-major français
précité.
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 51
En somme, la théorie de l'obéissance passive et
la théorie de l'obéissance raisonnée sont en
réalité aussi impraticables l'une que l'autre : la
première parce qu'elle autorise les pires abus, la deuxième parce
qu'elle empêche notamment dans l'armée tout commandement
véritable. Sous un autre angle, se soumettre simplement à un
ordre dont la légalité n'est pas effective constitue une faute
parce que la soumission viole soit un principe préétabli soit
cause une atteinte à la société.
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