SECTION II : L'obéissance à un ordre
illégal
L'illégalité d'un ordre vient de ce qu'il est
contraire à la loi au sens formel du terme. Dans un sens large, c'est la
qualité d'un ordre qui méconnait totalement l'existence du droit
en général116. Il peut également l'être
parce que celui qui le donne n'a pas qualité pour être
obéi. En se soumettant à un ordre pareil, l'obéissant
risque de voir sa responsabilité retenue. Mais il nous revient, avant de
voir les critères d'un ordre illégal (Paragraphe
II), de définir ce qu'on entend clairement par un ordre
illégal, d'autant plus qu'il existe deux catégories d'ordre
illégal (Paragraphe I).
PARAGRAPHE I : Les différents types d'ordre
illégal
La question de l'ordre illégal est
particulièrement complexe, tant d'un point de vue théorique que
pratique. Et le code pénal a clairement pris position sur ce
problème. Mais l'insuffisance réside au niveau de la
définition. Ainsi, sans donner le moindre sens, l'article 83 C.P. parle
de l'ordre manifestement illégal (A). La doctrine et la
jurisprudence à leur tour évoquent l'ordre apparemment
légal (B).
A- L'ordre manifestement illégal
Il résulte des considérations
générales que l'ordre manifestement illégal est celui dont
l'illégalité est très évidente117.
C'est-à-dire, au premier abord, toute personne saurait qu'il est en
déphasage avec le droit. L'article 83 se borne à l'évoquer
sans
116 GUILLIEN (R) et VINCENT (J), précité p.292.
117 DOUCET (J.P.), Le jugement pénal,
3ème édition, Sirey 1996 p.225
~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL :
étude de lajutL6ptude.nce. Page 52
toutefois le définir. Mais la jurisprudence, elle, a
donné une définition et ce, dans l'affaire ESSAME Roger c/ O.C.B.
Les faits sont simples. Dans la nuit du 30 décembre 1995 aux environs de
19 heures, une cargaison de produits chimiques pour traitement par
pulvérisation des bananiers-plantains arrive au port de Douala. M.
ESSAME Roger, chauffeur de l'entreprise est immédiatement appelé
pour le transport desdits produits. Ce faisant, son supérieur
hiérarchique lui ordonne de soustraire quatre cartons de l'ensemble et
de les laisser dans le véhicule lors du déchargement ; pourtant
tous les cartons devraient être déposés au magasin à
Njombé. Le vigile qui faisait la ronde le même soir
découvre lesdits cartons et signale à la direction le lendemain.
Interpellé pour vol, M. ESSAME prétend avoir reçu l'ordre
de son supérieur hiérarchique. Pour retenir sa
responsabilité pénale, le juge déclare que c'est un ordre
illégal parce qu' « il est en opposition avec l'objectif du
service auquel il est assigné ». « Aussi,
continue-t-il, c'est un ordre que même l'intelligence la plus
faible reconnaitrait sa contradiction avec les objectifs visés à
l'avance »118. Donc, l'article 83 du code pénal,
dans la simplicité de sa rédaction est cependant d'une
clarté excellente car le juge n'a pas eu la moindre hésitation
pour qualifier les faits qui lui ont été soumis. Ce qui est tout
à fait différent du cas de l'ordre apparemment légal. Pour
déceler un ordre illégal, cela nécessite des analyses
auxquelles le législateur ne s'est pas prêté. D'ailleurs,
il n'y a même pas fait allusion. En revanche le juge français,
astucieux, y voit plutôt une ruse.
|