L'obéissance en droit pénal camerounais. à‰tude de la jurisprudence.( Télécharger le fichier original )par ARMEL CHALAIR DJIEDJEU TCHOUAKE Université de Dschang - Master II 2010 |
PARAGRAPHE II : Les réserves au devoir d'obéissanceLa limitation de l'obéissance par le droit constitue une exigence de l'Etat de droit et en même temps un impératif essentiel de la justice. Donc la reconnaissance comme logique exécutoire d'un ordre qui est illégal s'oppose radicalement tant à la logique du système de la primauté du droit qu'aux principes fondamentaux du droit110. Selon GREF ZU Dohna111, l'exécution d'un ordre exécutoire ne peut jamais, en tant qu'accomplissement d'un devoir légal, être illégitime. Un ordre dont l'exécution serait illégale ne peut, en aucun cas, être obligatoire puisque le législateur ne peut jamais imposer comme devoir l'accomplissement d'une injustice112. Le droit camerounais abonde dans le même sens en traçant les limites par l'expression « obéissance raisonnée ». L'épithète « raisonnée » veut dire que la faculté de connaître et de juger, que la faculté intellectuelle opposée à l'intuition ou à l'automatisme, doit guider de bout en bout le subordonné à qui l'ordre a été donné. Cette option est accordée et même imposée au fonctionnaire soumis au devoir du respect hiérarchique (A) ; même si en réalité dans certaines situations, la raison a du mal à être prise en compte ou à être mise en application (B). A- L'obéissance raisonnéeCette théorie de l'obéissance raisonnée veut que le sujet passe l'ordre reçu au soin de la pensée critique ; qu'il puisse apprécier la légalité et la légitimité de l'ordre avant de l'exécuter. La désobéissance peut donc devenir un devoir. Il est des cas où l'obéissance justifiera une poursuite pénale ou une sanction disciplinaire et sera considérée comme un manquement à l'honneur ou à la probité et sanctionnée comme une infraction ordinaire113. L'agent public, lorsqu'il ne peut avoir de doute sur la 110ARON STEIN G « Un soldat peut-il refuser un ordre ? », Journal des tribunaux, 1959, p.648. ( www.rue89.com/erudit.org/baionnettes-intelligentes). 111 GREF ZU Dohna, juriste de droit pénal allemand, cité par PAPADATOS, op.cit. p.215 112 DERECHTOWIDRIGE, Befehl p.137 cité par PAPADATOS, op.cit. p.50 113 C.E. 10 novembre 1924, arrêt Langneur. Sources :Internet juridique français/jurisprudence-pénale ~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL : étude de lajutL6ptude.nce. Page 49 violation sérieuse des lois qu'il risque de compromettre en obéissant, ne commettra aucune faute disciplinaire en refusant d'exécuter. Du coup sont posées les limites du devoir d'obéissance au-delà desquelles la désobéissance de l'agent public aux ordres de son supérieur constitue non seulement un droit mais un devoir. Deux conditions doivent cependant être réunies : la première est relative à la nature de l'ordre qui doit être entaché d'une illégalité manifeste. La seconde condition prend en considération les effets juridiques de l'ordre illégal : il faut que cet ordre soit de nature à compromettre gravement le fonctionnement du service public ou un intérêt public. En somme, l'obéissance raisonnée veut que le subordonné apprécie le caractère légal de l'ordre avant de l'exécuter. En France, la théorie des baïonnettes intelligentes a vu le jour au lendemain des conflits armés114. Selon cette théorie, le subordonné, réputé intelligent, doit refuser d'exécuter un ordre illégal. Il ne sera pas justifié s'il commet une infraction. Cette théorie conduit à rejeter systématiquement ce fait justificatif. L'article 8 du Statut Général des Militaires français précise encore que : « le subordonné exécute loyalement les ordres qu'il reçoit. Il est responsable de leur exécution ». Seule l'illégalité de l'ordre reçu peut autoriser le subordonné à ne pas l'exécuter. Cependant, si le motif d'illégalité est invoqué à tort pour ne pas exécuter l'ordre, le subordonné est passible de sanctions pénales et disciplinaires pour refus d'obéissance. Cependant, le deuxième alinéa de l'article 15 du Statut Général des Militaires limite la portée de cette affirmation : « Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales ou qui constituent des crimes ou délits notamment contre la sûreté et l'intégrité de l'État ». Selon les jurisprudences de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 20 septembre 1994, et du Conseil d'État : Sinay 2 décembre 1959, 114DOUCET (J. P.), Dictionnaire de droit criminel, en ligne sur « http:// ledroitcriminel.free.fr/dictionnaire lettre i/lettre i i.htm»: Au lendemain de la guerre de 1939-1945, notamment, on a discuté le point de savoir si une personne pouvait se voir reprocher un crime commis sur l'ordre exprès de ses supérieurs. Certains soutenaient qu'un subalterne doit obéir sans discuter aux ordres d'un supérieur hiérarchique. D'autres estimaient qu'un militaire doit refuser d'exécuter un ordre manifestement illégal. L'opinion dominante considère que seul l'ordre d'accomplir un acte manifestement illégal appelle désobéissance. Il s'agit le plus souvent d'une question d'espèce : le juge doit apprécier, en fonction des circonstances, si l'accusé peut ou non invoquer un fait justificatif ou l'état de contrainte morale. ~~ohéita!aance en dtolt pénal cametowaaL : étude de lajutL6ptude.nce. Page 50 l'exécution d'un ordre qui constitue une infraction pénale n'est, pour l'agent public, ni un fait justificatif, ni une excuse115. Même si la théorie des baïonnettes n'a pas une formulation similaire dans l'armée camerounaise, il reste que l'obéissance raisonnée est valable dans ce contexte. L'expression est beaucoup plus employée dans la fonction civile. Malgré tout, cette théorie demeure très difficile à mettre en oeuvre. |
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