Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains( Télécharger le fichier original )par Stephanie Laure Anguezomo Ella Université de Limoges - Master 2 2015 |
Section II/- Le Protocole de Malabo portant création d'une Cour pénalerégionale Pour la création de cette cour, les chefs d'États membres de l'UA décideront de faire fusionner l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) et la Cour de justice de l'UA. 119JEUNE AFRIQUE, Desmond TUTU exhorte les États africains à ne pas quitter la CPI, 10 Octobre 2013, http://www.jeuneafrique.com/167942/politique/desmond-tutu-exhorte-les-tats-africains-ne-pas-quitter-la-cpi/(consulté le 8/12/2015) 120Ibid 121J-W AHOLIDJI GBAGUIDI, Union Africaine vs CPI: Casser le thermomètre pour faire baisser la température?, http://jameswillys.over-blog.com/article-union-africaine-vs-cpi-casser-le-thermometre-pour-faire-baisser-la-temperature-120542529.html (consulté le 28/11/2015) Page 55 | 97 La fusion de celles-ci donnera lieu à la création de la Cour africaine de justice des droits de l'homme et des peuples (CAJDH). Lors de la 13ème session en juillet 2008, les États membres de l'UA adopteront le protocole relatif au Statut de la CAJDH (Protocole de 2008 ou « Protocole relatif à la fusion122 »), qui n'est pas encore une cour opérationnelle car le protocole n'ayant pas obtenu le nombre minimum de ratifications par les États membres pour entrer en vigueur. Le protocole sur le statut de la CAJDH fera l'objet d'amendements lors du sommet de l'UA tenu à Malabo par le protocole de Malabo. Ce dernier mettra en place la future CAJDH et lui attribuera trois compétences principales notamment les compétences de la CADH en matière de droits de l'homme et des peuples, une compétence dans les affaires générales et une compétence en droit pénal international en matière de crimes internationaux. Les États africains par le biais de l'Union ont voulu en attribuant une compétence en matière de crimes internationaux à ce nouveau mécanisme africain de lutte contre l'impunité, exprimé leur indéfectible volonté commune de prévenir la perpétration de tels crimes et leur répression selon des valeurs africaines123. L'objectif de création de cette Cour régionale est donc de rendre « une justice plus proche des peuples concernés »124. Cette création par l'UA puise son fondement aux termes de l'article 4 (h) de l'Acte constitutif qui précise que l'Union a le droit d'intervenir dans un État membre en cas de crimes internationaux. Cette disposition permet de justifier l'ingérence de l'organisation sans que cela ne soit perçu comme une atteinte à la souveraineté des États125. De plus, malgré le fait que le droit pénal international reconnaît aux États le droit d'agir en priorité pour juger les auteurs de crimes internationaux, l'on a pu s'apercevoir que certains États sont passifs à agir dans ce sens d'où le rôle de dernier ressort attribué à la CPI. Cependant, au regard de l'ampleur de la tâche même la CPI se retrouve aujourd'hui submergée, il est judicieux d'examiner d'autres alternatives qui contribueraient à la lutte contre l'impunité. Ainsi, dans le contexte africain, l'idée de créer une cour pénale africaine est une alternative significative en raison de nombreux constats de crimes commis sur ce continent. 122Hajer GUELDICH, Ordine internazionale e diritti umani, Observatoire sur l'Union Africaine,Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l'homme ( Protocole de Malabo) , n°4-2015 p.712-715, http://www.rivistaoidu.net/sites/default/files/numero%20completo%20OIDU%204%202015.pdf, (consulté le 16/12/2015) 123Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015) 124COALITION FRANÇAISE POUR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE, L'éventuelle extension de la compétence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples inquiète la société civile africaine, 15 mai 2012, http://www.cfcpi.fr/spip.php?article683 (consulté le 25/12/2015) 125Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015) Page 56 | 97 Enfin, la création de cette Cour répond à un impératif africain de concilier les préoccupations africaines avec les exigences de la justice pénale internationale quant à la lutte contre l'impunité des crimes internationaux126 au niveau régional. Joseph KOKOU KOFFIGOH, Chef de la mission d'observation électorale de l'UA à la Présidentielle de 2010 en Côte d'ivoire déclare que : « si la justice pénale internationale est un besoin, l'Afrique peut-elle même satisfaire ce besoin en créant une justice à l'échelle africaine »127. L'Afrique a déjà su prouver qu'elle en était capable de par la création des chambres extraordinaires africaines au sein des juridictions sénégalaises pour le jugement de l'ancien président tchadien, Hissène HABRE, ce qui représente un bel exemple de régionalisation de la justice internationale. Mais la création d'une cour ayant une compétence en matière de crimes internationaux est jugée préoccupante par certains analystes qui s'interrogent sur le rôle à l'avenir de la CPI en Afrique (Paragraphe I) mais aussi sur la conformité de la CAJDH au principe de la complémentarité (Paragraphe II). Nous aborderons ainsi d'une part les avantages et les inconvénients d'attribution d'une compétence pénale en matière de crimes internationaux à la CAJDH, de la complémentarité naissante entre la CPI et la CAJDH et enfin de l'avenir des relations entre l'institution judiciaire internationale et régionale. |
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