Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains( Télécharger le fichier original )par Stephanie Laure Anguezomo Ella Université de Limoges - Master 2 2015 |
Paragraphe II) Le retrait collectif des États du Statut de RomeLa première fois que les États africains avaient envisagé la possibilité de se retirer du Statut, remonte à juin 2009, lorsqu'ils se sont réunis pour adopter une proposition de se retirer du Statut, dans le but de contester l'inculpation d'EL BECHIR même si cela n'a pas finalement abouti118. A ce jour, les États africains envisagent encore cette même idée, avec beaucoup plus de force et est considérée par certains commentateurs comme un moyen de pression envers la Cour pour qu'elle suspende ses poursuites contre KENYATTA et EL BECHIR. Les poursuites à l'origine menées contre KENYATTA (poursuites à ce jour abandonnées), ont remis cette question à jour sur la table de discussion de l'Union. Après que le parlement kényan ait voté le retrait du Kenya du Statut, l'UA a fini par adopter lors du 26ème sommet de l'Union clôturé à Addis-Abeba, une proposition en faveur du retrait des Etats africains. Certains chefs d'Etat africains comme Idriss DEBY ITNO, nouveau président de l'UA explique en février 2016 que : « cette décision est motivée par l'acharnement de la CPI contre les dirigeants du continent ». Les Etats devront désormais à la suite de cette proposition, développer une feuille de route aboutissant à la fin de l'engagement des Etats africains à la CPI. Cette dernière a d'ailleurs été déposée par le Kenya et adoptée à huis clos par l'UA, en vue du retrait des États africains du Statut. 117Ibid 118J-B.JEANGENEVILMER, Union Africaine versus Cour pénale internationale: répondre aux objections et sortir de la crise, Études internationales, 45:1, avril 2014, p. 5-26, http://www.jbjv.com/L-Afrique-face-a-la-justice-penale,712.html, (consulté le 17/12/2015) Page 54 | 97 Plusieurs personnalités ont exprimé leur préoccupation à ce sujet, notamment Desmond TUTU qui a exhorté les États africains à ne pas quitter la CPI en disant que cela ferait du monde « un endroit plus dangereux119 ». Il ajoute en s'adressant particulièrement à KENYATTA et EL BECHIR que : « les dirigeants du Soudan et du Kenya, qui ont infligé la terreur et la peur dans leur pays, tentent de faire sortir l'Afrique de la CPI, ce qui leur donnerait la liberté de tuer, de violer, et d'inspirer la haine sans être inquiétés.120». Pour l'ancien secrétaire général de l'ONU, Koffi ANNAN, un retrait de la CPI serait une honte pour les pays africains. Ce combat que mènent les États africains envers la CPI n'est pas forcément légitime pour tous les États. En effet, certains dirigeants africains sont favorables à cette idée pour la simple et bonne raison que d'une part, ils voient la CPI comme une menace et d'autre part qu'ils ont conscience qu'ils risquent d'être eux aussi appeler à la barre des accusés pour répondre de nombreuses exactions commis dans leurs pays respectifs. Dès lors que les poursuites contre KENYATTA et William RUTO ont été abandonnés, cette menace de retrait s'apparente davantage à un chantage : soit les charges contre le dernier cas africain d'actualité EL BECHIR sont retirées soit les Etats mettent à exécution cette menace. Ainsi, si ce retrait bien qu'en route devenait définitif, cela traduirait « une volonté obstinée de laisser se perpétrer les indicibles violations des droits de l'homme sur le continent, au mépris de leurs peuples et des objectifs mêmes poursuivis par l'Union Africaine à travers son Acte constitutif.121» Bien que selon l'article 127 du Statut, le retrait ne prendra effet qu'un an après la réception, celui-ci affectera lourdement la Cour et paralysera son action. Suite à cette vague de contestation d'une justice internationale dite biaisée, les États africains ont exprimé par le biais de l'UA leur volonté de créer une cour pénale régionale (la Cour africaine de justice des droits de l'homme et des peuples) dans le but de faire en sorte que l'Afrique assure le jugement de ses propres dirigeants pour les crimes commis sur son sol. Dans cette optique, les États adopteront, au niveau régional, le protocole portant amendements au Protocole portant Statut de la CAJDH (Protocole de Malabo). |
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