Partie I
Cadrage théorique
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Chapitre I
Conditions d'implantation d'un changement au niveau de
réforme curriculaire
Avant d'aborder les conditions nécessaires à
l'implantation d'un changement curriculaire, nous allons essayer de
déterminer de quel type de changement il s'agit dans le cadre de la
réforme du système marocain.
I/ Type de changement
Le changement planifié et imposé par la
réforme du système éducatif marocain est un changement de
pédagogie et de pratiques d'enseignement. Il fait partie des changements
complexes parce qu'il concerne, entre autres, les objectifs, les
méthodes d'enseignement et celles de l'évaluation. Ils
correspondent de plus à un changement dans les valeurs des personnes et
dans leur façon de voir les choses et de vivre des rapports avec les
autres et avec le savoir. C'est un des changements de
troisième type selon Perrenoud (1999). Un tel changement,
contrairement à celui de structure de premier type ou de contenus du
deuxième type, ne peut seulement se décréter mais il doit
passer par une évolution des représentations, des
identités, des compétences, des gestes professionnels et de
l'organisation du travail. Sinon ces réformes ne provoquent aucun
changement et perdent alors leur sens.
L'implantation d'une telle réforme nécessite un
recours aux modèles de changement à perspective
constructiviste.
II/ Conditions nécessaires au changement
Selon Fullan (2001)8, certains facteurs peuvent
influencer le degré de l'implantation d'une réforme curriculaire
(in L. Paquay 2002, p. 14). Ces facteurs correspondent aux : -
Caractéristiques perçues du changement : la pertinence, la
clarté des buts et des moyens de ce changement, la complexité, la
qualité et la praticabilité du programme du changement. Le
degré d'implantation du changement est accru par ces
caractéristiques.
8 Le tableau résumant les différents
facteurs influençant l'implantation d'une réforme curriculaire
d'après Fullan est présenté en annexe.
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- Caractéristiques « locales » : les
commissions scolaires, les conseils de gestion des établissements, les
chefs des établissements et les enseignants. Jusqu'à quel
degré ces acteurs éducatifs soutiennent et s'impliquent dans le
changement.
- Facteurs externes : l'accompagnement des
autorités publiques du changement.
Dans le système scolaire marocain, certaines conditions
sont entrain de se mettre en place que ce soit au niveau des facteurs externes
ou des caractéristiques locales. Des structures et liens viennent de se
créer dans le cadre de cette réforme scolaire, tel que le conseil
de gestion des établissements, l'intervention des autorités
publics dans la gestion et le suivi de l'école...L'action de ces
structures est encore à l'état embryonnaire.
Toutefois les facteurs en relation avec la perception du
changement par les acteurs éducatifs sont encore à
développer.
Parmi ces différents facteurs, l'enseignant, objet de
notre recherche, est considéré comme le facteur le plus important
dans l'application d'un changement surtout pédagogique. Dans ce cas, le
degré d'implantation du changement est accru, d'après Fullan,
dans la mesure où :
- Les enseignants sont engagés vers le changement ;
- Il existe des relations de collaboration, de soutien, de
communication ouverte ;
- Un accompagnement des équipes et une formation sont
assurés.
Pour ce dernier facteur, aucun accompagnement programmé ni
formation continue
n'ont été assurés pour les enseignants du
secondaire. Les visites de classes et les réunions pédagogiques
réalisées par les inspecteurs ne peuvent répondre à
ces objectifs, surtout que ces acteurs sont eux aussi en état de
réforme et leur fonction de contrôle est encore dominante.
Également, l'organisation au niveau des
établissements n'a pas connu de modification permettant la
création des conditions d'une collaboration ou d'un travail en groupe
entre les professeurs.
De ce fait, la question qui s'impose, c'est jusqu'à
quel degré ces enseignants sont-ils engagés vers le changement ?
D'autant plus qu'ils travaillent actuellement, depuis quelques années
avec des instructions d'une approche par compétence.
Parler d'un engagement revient à parler d'une
compréhension en profondeur des fondements de la réforme. Ainsi
et selon Gather-Thurler (2000), un changement en
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éducation dépend de ce que les
acteurs de l'école en pensent et en font, individuellement et
collectivement. Il dépend de ce que ces acteurs ont
compris de cette réforme. Ils s'impliqueraient davantage s'ils
percevaient que les besoins visés par la réforme sont
significatifs et que les conditions mises pour leur réalisation vont
dans le sens de ces besoins (Huberman et Milles (1984). Le changement
induit selon Fullan (2001) , n'a d'impact réel que s'il est
signifiant pour les enseignants, s'ils en comprennent les finalités,
adhèrent à ses orientations et s'approprient ses fondements,
s'inscrivent dans une démarche d'apprentissage (Portelanc, 2004).
Qu'en est-il donc de la compréhension des fondements de la
réforme par l'acteur pédagogique marocain ?
La compréhension n'est pas suffisante à elle
seule, d'autres changements doivent s'opérer chez l'acteur
pédagogique. Comme nous l'avons déjà mentionné, les
changements dans les pratiques d'après Perrenoud (1999), passent par
une évolution des représentations, des identités, des
compétences, des gestes professionnels et de l'organisation du
travail.
Par conséquent, les perceptions qu'ont les acteurs
pédagogiques en général et les enseignants en particuliers
des changements et les représentations qu'ils ont construites sur les
éléments de ce changement influenceraient l'implantation de la
réforme. Cette influence peut être positive ou négative
selon les représentations construites par les acteurs. Celles-ci
constituent, d'après Donnay et Charlier (1991), un des noyaux à
partir desquels se structurent les comportements d'enseignement et
d'apprentissage. Elles peuvent constituer dans certains cas, des obstacles
à la compréhension et à l'adoption de la pédagogie
prescrite par la réforme.
Il apparaît ainsi primordial et important de
déterminer comment les acteurs pédagogiques se
représentent les éléments du changement comme une
étape importante dans l'implantation de la réforme.
Quelles représentations ont nos acteurs pédagogiques,
plus précisément les enseignants vis-à-vis de l'approche
adoptée par le système scolaire marocain ?
Aborder ce problème, nous permettrait d'approcher un
des facteurs les plus importants influençant l'implantation d'une
réforme scolaire curriculaire selon Fullan. De plus, la
détermination et l'analyse des représentations des enseignants
sur certains éléments de la réforme nous permettraient de
mieux cibler la formation continue et l'accompagnement des enseignants.
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