CONCLUSION
Pour qu'un mouvement se produise, il faut qu'il soit proche
de mouvements sismiques parfois imperceptibles, mais dont la conjugaison
produit à terme une onde de choc. Encore faut-il provoquer le changement
avec suffisamment d'énergie pour qu'il commence, et suffisamment de
respect pour qu'il se poursuive en continu ! Jean-Michel
Steinmann22
92
22 ROUILLER (2005)
93
CONCLUSION
La prise en compte des représentations des principaux
acteurs dans un changement s'avère une action importante sinon
indispensable dans l'implantation d'une réforme. Ces
représentations peuvent être des obstacles aux changements
prescrits et induire ainsi des résistances à l'implantation de la
réforme.
Dans notre étude, le changement auquel nous nous
intéressons consiste en un changement de pédagogique et
l'adoption de l'approche par compétences. Celle-ci nécessite un
changement de paradigme, et le passage du paradigme d'enseignement à
celui d'apprentissage. Pour cela, la conception de l'apprentissage, de
l'enseignement, du rôle de l'enseignant et de l'apprenant sont
appelées à changer et à être construits selon le
paradigme d'apprentissage.
En outre, un changement dans la conception de l'exercice du
métier de l'enseignant, s'avère aussi nécessaire.
L'enseignant est appelé à évoluer vers un professionnel,
plutôt que d'être un exécutant de tâches
précises d'autant plus que l'approche par compétences
nécessite des innovations et des créations dans les
démarches d'enseignement et d'apprentissage.
Il semble que les représentations que peuvent avoir les
enseignants sur ces éléments influenceraient leur engagement et
leur implication dans ces changements.
C'est dans ce sens, que notre étude s'est
proposée de mettre en évidence les représentations des
enseignants, en adoptant une méthodologie qualitative que ce soit pour
recueillir certains éléments des représentations
recherchées ou pour mettre en évidence des liens et des relations
entre ces éléments.
Il ressort ainsi, de l'analyse des résultats de notre
enquête - entretiens collectifs, individuels semi-directifs, analyse des
séances enregistrées - que les enseignants de notre
échantillon se considèrent comme des exécutants des
tâches précises de leur métier, appliquant des routines ou
recherchant des démarches et des modèles invariables,
plutôt que comme des acteurs intervenants sur les conditions de leur
travail et dans l'apprentissage de leurs élèves ou comme des
professionnels cherchant et développant des procédures d'analyse
et de résolutions de problèmes.
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Ces représentations sur l'exercice de leur
métier semblent être en relation avec celles qu'ils ont sur
l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et de
l'apprenant dans l'acte de l'apprentissage. Les enseignants de notre
échantillon se considèrent comme les transmetteurs d'un savoir
programmé (dans les manuels scolaires) qui doit être appris par
les élèves. Ils se considèrent aussi comme des
contrôleurs des apprentissages et parfois comme des éducateurs
dans le secondaire collégial. Les élèves tout en
étant passifs en classe et actifs chez eux, sont appelés à
apprendre et à construire leurs connaissances, individuellement. Ils
sont, d'après la majorité, les responsables principaux de leur
échec. Pour quelques-uns, la démarche d'enseignement peut
être considérée aussi comme cause de cet échec.
Les informations ainsi recueillis et déduits vont dans
le sens de nos hypothèses de réflexion. Les enseignants se
considèrent comme des exécutants de leur métier et pensent
l'apprentissage, l'enseignement dans le cadre du paradigme d'enseignement.
Dans ce sens, les représentations de ces enseignants
peuvent avoir une influence sur leur compréhension et leur engagement
dans le changement d'approche pédagogique. Nous pouvons les
considérer comme des obstacles qui relèvent de la facilité
et des évidences qui s'imposent à eux bien plus que des
difficultés ou des blocages. Elles correspondent plus au
résultat d'un mode de fonctionnement intellectuel commode, bien
installé chez le sujet et satisfaisant pour lui (Astolfi 1999). Une
recherche future dans ce sens serait souhaitable. Elle permettrait de
vérifier l'existence ou l'absence d'une relation entre ces
représentations et la compréhension des changements prescrits par
la réforme.
Compte tenu des limites de cette étude, nous sommes
conscients que ces conclusions ne peuvent être
généralisables à cause de :
- notre échantillon dont l'effectif était
réduit et ne comportait que les enseignants d'une seule discipline. Nous
pensons qu'un nombre élevé d'enseignants, de différentes
disciplines permettrait sans doute d'étayer nos hypothèses.
Aussi, la prise en compte du discours d'autres acteurs pédagogiques tels
que les inspecteurs, les administrateurs, les élèves, pourrait
compléter nos résultats et engager une réflexion sur
comment former ces acteurs et comment les accompagner dans la mise en place de
la réforme. Cependant, notre échantillon présente un large
spectre quant au degré d'ancienneté et au profil de la formation
initiale des enseignants.
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- Notre démarche méthodologique dont les actions
étaient limitées. Un entretien avec les responsables des
séances filmées et une confrontation entre ce qu'ils disent et
leurs pratiques auraient enrichi nos résultats. Egalement une
présentation des résultats aux enseignants interviewés
nous aurait permis de les discuter et de les travailler afin d'accroître
leur validité, mais surtout afin de vérifier la centralité
des modèles déduits.
Tenons compte de nos résultats qui sont loin de
refléter ce que devraient être les éléments de la
réforme, nous soulevons les questions suivantes :
Comment peut-on espérer développer des
compétences chez l'apprenant avec des acteurs pédagogiques se
considérant davantage comme des exécutants que comme des
professionnels ?
Comment intervenir pour permettre à ces enseignants de
faire évoluer leurs représentations dans le cadre de cette
réforme ? D'autant plus que ces représentations peuvent
être les causes des résistances au changement et à
l'implication et l'engagement des enseignants dans leur apprentissage et dans
leur formation.
Quelle formation continue et quel accompagnement peut-on
programmer ?
Enfin, que devrait-on mettre en oeuvre pour s'assurer du
succès de cette réforme ?
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