Conclusion : Éléments de
Représentations recueillis :
Les différents éléments recueillis
à partir de notre enquête peuvent être résumés
dans le tableau ci-dessous. Ainsi, la majorité des enseignants de notre
échantillon, sans noter une grande différence entre ceux du
lycée qualifiant et ceux du lycée collégien, pensent que
:
|
Éléments de
représentations
|
|
* ils comprennent « le cours » après explication
de
|
|
l'enseignant ;
|
|
* ils arrivent à répondre aux questions
posées par
|
Les élèves apprennent quand :
|
l'enseignant que ce soit dans le cours ou au contrôle
continu ;
|
|
* ils arrivent à faire les tâches scolaires
demandées.
|
|
* l'enseignant simplifie et explique bien son cours ;
|
|
* les élèves mémorisent et révisent
leur cours chez eux
|
|
*ils terminent le programme ;
|
|
*ils expliquent de différentes façons leurs cours
;
|
|
* ils simplifient et réduisent la complexité du
contenu
|
Les enseignants enseignent
|
étudié
|
correctement quand :
|
*ils font souvent des contrôles pour « pousser
» l'élève à réviser son cours ;
|
|
*ils aident l'élève à construire sa
connaissance par le biais de plusieurs questions ;
|
87
|
*ils leur laissent le temps pour réfléchir sur
les activités, pour utiliser le brouillon ou pour écrire le
résumé du cours ;
*ils donnent des astuces et des conseils à
l'élève.
|
Le rôle de l'enseignant est :
|
* de faire le programme ;
* d'être à l'écoute des élèves
et d'être proche d'eux ;
* de corriger les erreurs des élèves
* de les contrôler
* de les éduquer
|
Le rôle de l'élève est
:
|
* d'être assidu ;
* de faire les tâches demandées, en cours ou hors
cours ;
*de réviser, de comprendre et d'apprendre ses cours ;
* de faire de la recherche chez lui ;
* d'arriver à synthétiser ses cours ;
*de s'enrichir par le travail individuel.
|
L'exercice du métier d'enseignant consiste en
:
|
* une application des instructions officielles * une
exécution des tâches programmées * une dépendance et
une absence d'autonomie * une passivité dans l'exécution du
métier
|
88
III/ Vers la recherche de modèles de
références
Les représentations sont à rechercher dans ce
qui existe derrière ce qui est dit, dans les interstices du
déclaré. Car ce que déclare un enseignant ne correspond
pas à un fait mais à sa conviction en références
à certaines situations (Rouiller, 2005).
Dans cette partie, nous cherchons à supposer
l'organisation des éléments de représentations
déduits des différentes discussions avec les enseignants de notre
échantillon, plus précisément, à partir des
discussions résultant de l'analyse des séances
enregistrées. Cela, dans le but de déterminer le ou les
modèles auxquels se réfèrent les enseignants et ainsi
déterminer le noyau central de leurs représentations. Même
si nous sommes consciente que les outils utilisés dans cette recherche
restent incomplets pour repérer et faire émerger les
éléments de représentations, pour étudier les
relations entre eux et déterminer ainsi la signification centrale (le
noyau).
L'entretien collectif, l'entretien individuel et l'analyse des
séances, nous ont permis de déduire les propositions ci-dessous
:
- L'apprentissage est la conséquence d'une
compréhension d'un savoir simplifié et bien expliqué et
présenté.
- Apprendre c'est connaître. Il est le résultat
d'une compréhension et d'un enregistrement d'une connaissance non connu
auparavant.
- L'apprentissage nécessite la réalisation de
plusieurs exercices, ainsi que la maîtrise de certaines astuces,
- Le savoir exposé par l'enseignant n'est pas attendu
par la majorité des élèves. Ces derniers ne veulent pas
travailler. Ils ne sont ni motivés, ni bien éduqués.
- Les erreurs commises par les élèves sont des
fautes causées par un manque de travail, d'attention, de
révision, de pré-requis. L'élève est responsable en
grande partie de ses erreurs. Une reprise du cours et une ré-explication
de ce qui n'a pas été compris permettent de les corriger.
- L'élève est responsable de son apprentissage,
dans le sens de l'accumulation des connaissances et non dans le sens d'une
construction de la connaissance. Les représentations, les
intérêts ainsi que les besoins des élèves ne sont
pas pris en considération dans la préparation et la
réalisation du cours.
89
- L'enseignant ne s'occupe pas à faire apprendre
à l'élève comment apprendre, ni comment construire ses
connaissances, ni comment les mobiliser dans différentes situations.
- Il ne travaille pas à partir des pré-acquis
des élèves. Il ne prépare pas son cours dans l'intention
de créer les conditions pour permettre à l'élève de
construire ses connaissances.
- L'autorité, la maîtrise des
élèves et leur contrôle sont des critères indicatifs
d'un bon enseignant, surtout en secondaire collégial. Sans cela,
l'enseignant ne pourrait transmettre le savoir programmé et le faire
apprendre à l'élève.
Des différents éléments soulevés
ci-dessus, nous pouvons avancer que l'apprentissage, selon ces enseignants, est
subordonné à l'enseignement. Sans l'enseignement d'un savoir, il
ne peut y avoir l'apprentissage. Une telle conception de l'apprentissage est
reflétée par les modèles du paradigme d'enseignement
(Tardif, 2001), le modèle transmissif et le modèle
béhavioriste.
L'importance donnée à l'explication et à
la simplification du savoir enseigné par une majorité des
enseignants de notre échantillon laisse penser que l'acquisition du
savoir se fait par une transmission de la connaissance de celui qui
connaît vers celui qui ne connaît pas. Toutefois, dans le discours
de ces enseignants, c'est le savoir programmé dans le manuel qui
constitue la principale référence. L'enseignant dans ce cas, est
le seul apte à comprendre son contenu, à le simplifier et
à l'expliquer à l'élève pour pouvoir
l'acquérir. Ces propos s'accordent plus avec l'idée de
l'apprentissage présente dans le modèle transmissif (Giordan in
Asensio, Astolfi, Develay, 2002) ainsi, qu'avec l'idée d'un
métier et d'une exécution des tâches par l'enseignant
(Astolfi, 2003).
En outre, les erreurs sont considérées comme des
fautes et comme des déficiences que ce soit chez l'élève
ou dans la démarche de certains enseignants. Elles ne sont pas
considérées comme des symptômes des modes de pensées
des élèves ou comme des éléments permettant de
caractériser des états des lieux cognitifs. Le modèle
constructiviste qui prend en compte les erreurs des élèves en les
utilisant comme révélateurs des obstacles semble
éloigné du modèle utilisé par ces enseignants. Il
ne nous est pas apparu de possibilité de construction d'apprentissage
par résolution de problèmes soulevés par les
élèves. Les enseignants proposent des activités qui sont
prédéterminées et qui n'offrent pas des
90
possibilités aux élèves pour s'impliquer
dans l'action ou pour s'inscrire dans un projet. Il leur reste seulement de les
exécuter dans un temps précis, sans qu'ils puissent s'approprier
les enjeux de l'apprentissage.
Dans tous les cas, le rôle de l'enseignant reste celui
du maître enseignant transmetteur du savoir (Paquay, 1994, 2006), qui
enseigne tout en se basant sur des activités qui correspondent à
des tâches à accomplir par l'élève en tant qu'un
exécutant. Ceci nous pousse à supposer que l'activité de
l'enseignant est loin de permettre un apprentissage par l'action et une
réflexion sur l'action.
Cette subordination de l'apprentissage à l'enseignement
est enregistrée aussi, dans le discours des enseignants sur leur propre
apprentissage. Certains enseignants attendent que des formateurs les forment et
leur apprennent des modèles théoriques afin qu'ils arrivent
à changer leurs pratiques selon les prescrits de la réforme.
L'initiative, la création, l'innovation, sont des termes absents dans le
discours de ces enseignants. Aussi la réflexion sur les
stratégies adoptées ou sur les jugements avancés, semble
ne pas être le point fort du discours de la majorité des
enseignants de notre échantillon. Cette réflexion sur l'action
qui permet généralement, une distanciation, une mise en
conscience des processus cognitifs sous jacents et une construction
justifiée des connaissances sur les pratiques, semble être
influencée par le modèle didactique transmissif d'un
côté et par celui du maître « instruit », «
artisan » d'un autre côté.
Certains enseignants, même s'ils sont conscients de
l'importance du développement de la personne dans l'apprentissage et
l'importance de donner du sens à l'apprentissage, ils n'arrivent pas
à innover et à travailler dans ce sens. Les
représentations qu'ils ont sur comment apprendre et sur le rôle de
l'enseignant constitueraient des obstacles aux changements de leurs pratiques.
Aussi, l'absence d'une formation permettant une réflexion sur l'action
et une conceptualisation résultant de la confrontation à des
grilles de lectures théoriques (Paquay, in Pastré, 2006) ne leur
permet pas de faire évoluer et de développer des
compétences professionnelles.
Les enseignants de notre échantillon, ne peuvent
être considérés comme des professionnels, si on ne se base
que sur leur discours. Un professionnel, d'après Perrenoud (2001) «
est censé réunir les compétences du concepteur et
celles de l'exécutant : il identifie
91
le problème, le pose, imagine et met en oeuvre une
solution, assure le suivi ». Nos enseignants identifient le
problème et mettent en oeuvre des solutions selon leur cadre de
référence et selon leurs répertoires cognitifs mais dans
le cadre d'un paradigme d'enseignement et non celui de l'apprentissage. Les
représentations qu'ils ont sur leur rôle en tant
qu'exécutant semblent être des obstacles à un
investissement personnel et réfléchie dans des situations
complexes.
Nos hypothèses de recherche semblent être
confirmées pour les enseignants de notre échantillon. Ces
derniers se réfèrent dans leurs pratiques aux modèles
appartenant au paradigme d'enseignement. Aussi se considèrent-ils comme
des exécutants des tâches de leur métier. De tels
modèles pourraient avoir des conséquences sur leur
compréhension des prescrits de la réforme. Aussi pourraient-ils
être des obstacles à leur engagement dans le changement et
même dans leur propre apprentissage.
|