Le modèle figuratif de Moscovisci,
développé ci-dessus, constitue pour Abric, l'embryon du noyau
central de la représentation (Moliner, Mastor, 2005). Pour celui-ci,
toute représentation sociale stabilisée s'organise autour d'un
noyau central. Ce noyau remplit deux fonctions :
· une fonction génératrice
correspondant à sa capacité de déterminer la
signification des autres éléments de la représentation,
les éléments périphériques ;
· une fonction organisatrice
correspondant à sa capacité de déterminer la
nature des liens qui unissent les éléments de la
représentation.
57
Il a pour fonction donc de générer le
sens17 et l'organisation de la représentation.
Le noyau central est entouré par des
éléments périphériques qui sont marqués par
l'expérience et par l'historique de l'individu. Ils fonctionnent comme
des grilles de décryptage de la réalité. Ils ont pour
fonction de protéger le noyau central, d'indiquer ce qui convient de
faire ou de dire selon les situations (fonction prescriptive), de
réguler et d'adapter la représentation aux évolutions du
contexte. Ils évoluent, se transforment et s'adaptent. Ils constituent
ainsi l'interface entre le noyau et la situation concrète dans laquelle
s'élabore ou fonctionne la représentation.
Dans un groupe, ces éléments sont
généralement hétérogènes, plus sensibles aux
effets du contexte. Ils permettent l'intégration dans la
représentation des variations individuelles liées à
l'histoire de l'individu. Par contre, le noyau correspond aux
éléments cognitifs (opinions, croyances, informations...) qui
font l'objet d'un consensus dans le groupe porteur de la représentation.
Il est marqué par la mémoire collective du groupe mais aussi
marqué par le système de normes auquel il se réfère
(Catanas, 2003). Son contenu est constitué des éléments
qui donnent sens à la représentation. Ces éléments
sont :
- la nature de l'objet représenté.
- La relation de cet objet avec le sujet ou le groupe
- Le système de valeurs ou de normes
Généralement il est stable et résiste au
changement. Son repérage et son dépassement deviennent
primordiaux dans le cadre d'une implantation d'un changement imposé.
Etant donné que le changement est récent et
qu'il n'y a pas eu de formation continue dans ce sens, nous supposons que les
éléments de la réforme seront plus
interprétés ou critiqués sur la base des normes auxquelles
se référent les acteurs éducatifs.
17 Contrairement à Abric, pour Bataille
(2002), les éléments centraux sont polysémiques et leur
signification est précisée par les éléments
périphériques. Ces derniers sont concrets et
contextualisés. Ils sont modulateurs de sens aux éléments
centraux (Moliner, mastor, 2005)
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Questions de recherche et Hypothèses de
réflexion
Dans une perspective constructiviste, l'interprétation
attribuée aux éléments du changement par les acteurs
pédagogiques tels les enseignants, est à prendre en
considération dans l'implantation d'une réforme curriculaire.
Cette interprétation est influencée par les
représentations que peuvent avoir les enseignants sur les
éléments du changement. Ces représentations sont parfois
à considérer comme des obstacles à la compréhension
des finalités de la réforme, comme des causes des
résistances au changement au sein d'un système
éducatif.
Dans le cadre de ce travail, le changement
préconisé par la réforme (celui de l'adoption de
l'approche par compétences) consiste en un changement dans la conception
d'apprentissage et d'enseignement d'un côté et dans celle de
l'exercice du métier d'un autre côté. Un tel changement a
pour conséquence un changement dans le rôle de l'enseignant et de
l'apprenant dans l'acte d'apprentissage.
Des changements de tel ordre ne peuvent être seulement
décrétés, mais ils doivent passer par une évolution
des représentations, des identités, des compétences, des
gestes professionnelles et de l'organisation du travail (Perrenoud, 1999).
Dans cette recherche, nous allons nous contenter d'une mise
en évidence des représentations des enseignants concernant :
Les éléments constituant les fondements d'un
changement de pédagogie : l'apprentissage, l'enseignement, le
rôle de l'enseignant et celui de l'apprenant dans l'apprentissage. Tout
en supposant que les conceptions des enseignants sur l'enseignement, sur le
rôle de l'enseignant et sur celui de l'apprenant sont dépendant de
leur conception sur l'apprentissage ;
L'exercice de leur métier d'enseignant. Nous
supposons qu'il y a une relation entre la compréhension et l'adoption de
l'APC et les représentations qu'ont les enseignants sur l'exercice de
leur métier.
De ce fait, dans le cadre de ce travail, nous allons approcher
les questions suivantes :
* Quelles sont les représentations des
enseignants face à l'exercice de leur métier ?
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* Quelles sont les représentations des
enseignants face à leurs pratiques pédagogiques, en rapport avec
leurs représentations sur l'apprentissage et l'enseignement, ainsi que
celles de leur rôle et de celui des élèves dans leur
apprentissage ?
Pour cela, nous tenterons de mettre en évidence les
représentations des enseignants afin de les analyser en
différenciant les éléments périphériques de
ceux du noyau. Nous essayerons de déterminer le ou les modèles
figuratifs qui sont mobilisés comme modèles de
références pour expliquer l'apprentissage et l'enseignement et
pour comprendre la réalité actuelle du changement.
Nos hypothèses de réflexion :
À partir de notre cadre de référence,
nous pensons que, du fait que les enseignants n'ont pas eu de formation
continue, ni un accompagnement au cours de l'implantation de la réforme
curriculaire :
· les enseignants se considèreraient comme des
exécutants de programmes officiels et non comme des professionnels
d'enseignement (hypothèse 1).
· les modèles de références,
auxquels ils se référent dans leurs pratiques, appartiendraient
au paradigme d'enseignement (hypothèse 2) et non
à celui d'apprentissage.
Nous pensons aussi que ces représentations pourraient
avoir des conséquences sur la compréhension du changement et sur
l'engagement des enseignants dans leur apprentissage. Hypothèse que nous
n'allons pas vérifier dans ce travail, toutefois, nous utiliserons la
façon avec laquelle les enseignants pensent le changement comme une
situation permettant la mise en évidence des représentations
mobilisées pour expliquer ou argumenter leurs idées et leurs
pratiques.