Conclusion :
L'approche par compétences nécessite plus qu'une
application de stratégies, elle nécessite un changement dans les
représentations des enseignants concernant l'apprendre et le comment
apprendre. Le rôle du savoir, de l'apprenant et de l'enseignant sont
à changer et à faire évoluer chez tous les acteurs
éducatifs. Elle nécessite aussi un changement dans la conception
qu'ont les acteurs éducatifs de l'exercice de leur métier.
Ceux-ci doivent se considérer comme des professionnels pour arriver
à changer et innover leurs pratiques pédagogiques selon les
situations rencontrées.
Qu'en est-il des enseignants pratiquants marocains? Quelles
représentations ont-ils sur les rôles de ces différents
éléments ? Avec quels modèles travaillent-ils et
comprennent-ils l'approche par compétences adoptée par la
réforme curriculaire ? ...
Avant de n'approcher ces questions, il serait plus judicieux
de s'arrêter sur le concept de représentation, définir ce
qu'on entend par représentations et chercher comment peut-on les mettre
en évidence et les cerner.
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Chapitre IV
Représentations
Etudier les représentations, selon Donnay et Charlier
(1991), c'est s'interroger sur un mode de connaissances, c'est poser des
problèmes relatifs aux apports de l'individu à la connaissance et
au réel. C'est aussi considérer la connaissance comme une
construction d'un individu ou d'un groupe inséré dans un contexte
social et culturel. C'est bien dans ce sens que nous nous interrogeons,
dans le cadre de notre travail, sur les modèles construits par les
enseignants concernant leur fonction, plus précisément concernant
l'acte de l'apprentissage et de l'enseignement d'un savoir dans le cadre de la
nouvelle approche pédagogique adoptée par la réforme
curriculaire de notre système éducatif. Les
représentations des enseignants sur leur rôle, leur fonction et
même sur leur pratiques pédagogiques, peuvent être
considérées comme des représentations sociales du fait
qu'elles dépendent en plus de la formation initiale et de l'histoire
biographique de la personne, du milieu social auquel appartient l'enseignant et
l'apprenant.
Dans ce qui suit, nous allons essayer de chercher comment
peut-on cerner et analyser les représentations des enseignants. Mais
avant, nous allons préciser ce qu'on entend par représentation
tout en présentant un aperçu sur la perception et la
conception.
I/ Perception - Conception - Représentation(s)
* La perception correspond, dans le
dictionnaire Foulqué, à une opération mentale de celui
qui perçoit, c'est-à-dire, celui qui reçoit dans son
esprit ou atteint par son esprit l'objet de connaissance ; de celui qui prend
connaissance principalement des faits extérieurs, par les sens
(p.252).
La perception varie d'un individu à un autre. Elle
dépend du cadre de référence de la personne qui
perçoit, et des représentations préconstruites sur l'objet
de la perception. Selon Bergson, il est incontestable que le fond
d'intuition réelle, et pour ainsi dire instantanée, sur lequel
s'épanouit notre perception du monde extérieur, est peu de chose
en comparaison de tout ce que notre mémoire y ajoute (...). Il faut
tenir compte de ce que percevoir finit par n'être qu'une occasion de se
souvenir. (dic. Foulqué, p. 526)
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* La conception est définie comme un
acte de pensée qui s'applique à un objet existant. Pour Abric
(1994), la conception compose un modèle mental composé
d'entités insécables -- des îlots de connaissances
mobilisables pour l'action --, alors que la représentation constitue le
processus et le produit d'une activité de construction, existant dans le
rapport à une culture (Rouiller 2005). La conception correspond
à une manière de se représenter quelque chose, de
concevoir et d'en juger. Alors que la représentation est c'est ce par
quoi un objet est présent dans notre esprit.
* La représentation,
étymologiquement, correspond à l'action de présenter ou de
rendre présent de nouveau, au sens ou à l'esprit, les objets de
pensée (dictionnaire Foulqué). Elle correspond aussi à
l'idée qu'un individu se fait d'une réalité complexe,
à partir d'éléments relevant de l'expérience, de la
transaction sociale, de ses propres souvenirs... (dictionnaire de
pédagogie, 2000, P.244).
Selon Jodelet (1989), elle constitue une forme de
connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une
visée pratique et concourant à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social. Egalement
désignée comme « savoir de sens commun » ou encore
« savoir naïf », « naturel », cette forme de
connaissance est distinguée, entre autres, de la connaissance
scientifique.
Dans le domaine de l'éducation, la
représentation peut être considérée comme un des
moyens à partir desquels se structurent les comportements d'enseignement
et d'apprentissage. Elle constitue selon Donnay et Charlier (1991), un
instrument de perceptions de la réalité, orienteur des conduites.
Cette réalité, d'après Abric (1997), est
appropriée par l'individu ou le groupe, reconstruite dans son
système cognitif, intégrée dans son système de
valeurs dépendant de son histoire et du contexte social et
idéologique qui l'environne. La représentation constitue
donc le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle
un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est
confronté et lui attribue une signification spécifique (Abric,
1994). Elle présente de ce fait, un aspect dynamique relatif au
processus d'élaboration et un autre statique correspondant au
résultat de cette élaboration. Celle-ci fait intervenir un cadre
de référence, des modèles
pré-élaborés pour comprendre la réalité.
C'est d'ailleurs ce qui permet à l'individu ou au groupe de
donner
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un sens à ses conduites et de comprendre la
réalité, à travers son propre système de
références, donc de s'y adapter, de s'y définir une place
(Abric, 1997).
Les individus constituent, d'après Donnay et Charlier
(1991), des théories personnelles à partir de différentes
relations (cause, but, conséquence...) qu'ils établissent entre
leurs représentations. Pour un même objet, l'individu peut
présenter des représentations complémentaires permettant
l'explication de ses conduites et de ses réflexions. Ce réseau de
représentations constitue alors des théories personnelles qui
peuvent devenir collectives si elles sont partagées par un groupe social
(p. 99).
Ces représentations et ces théories sont
influencées par différents facteurs. Elles varient en fonction
:
- de l'objet de la personne ou du groupe qui en est porteur ;
- du cadre de référence des individus ;
- de la situation de référence ;
- du projet dans lequel elles s'inscrivent ;
- du moment auquel elles sont formulées.
Ainsi selon Donnay et Charlier, nous n'appréhendons
jamais qu'une partie de la représentation, le sujet ne livre jamais
qu'un aspect fragmentaire de ses représentations, il exprime ce qui lui
parait pouvoir ou devoir être dit dans la situation qu'il perçoit
(...) différentes facettes de ces représentations peuvent
apparaître en fonction du projet de l'individu et de la situation du
recueil du moment (p. 100).
L'existence de ces différents facteurs nous conduit
à chercher comment nous pouvons cerner ces représentations, mais
avant nous allons présenter leurs fonctions puis développer
comment elles se construisent.
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