II/ Changement de l'exercice du métier d'enseignant
A/ Métier vs profession :
L'adoption de l'approche par compétences ne
nécessite pas seulement un changement de paradigme concernant le
processus d'apprentissage et d'enseignement, elle nécessite aussi un
changement dans la conception de l'exercice du métier d'enseignant.
Actuellement, on parle plus d'une professionnalité que d'un
métier. Astolfi (2003), définit « le métier »,
par le fait qu'il se caractérise par :
- la maîtrise d'un savoir faire
stabilisé,
- l'application d'une gamme de routines disponibles, de
gestes reproductibles.
- la recherche de réponses invariantes, dont les
acteurs attendent qu'elles marchent,
- l'absence d'une analyse singulière de chaque
situation,
- un investissement personnel limité.
Alors que la profession selon toujours le même auteur,
suppose que dans certaines circonstances, l'exercice des tâches
requises corresponde à une situation de résolution de
problème. Même si le professionnel dispose de
références théoriques et pratiques, il est appelé,
sans cesse, à en reconstruire l'usage, du moment que les
situations rencontrées
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changent et sont souvent inédites. C'est dans cette
articulation singulière du connu et de l'inconnu, avec ce que cela
suppose d'investissement personnel et d'originalité dans la
réponse apportée que se manifeste leur professionnalité.
(p.39). Le professionnel possède, selon Rouiller (2005) une
connaissance approfondie des savoirs théoriques et pratiques liés
à son métier. Aussi est-il capable d'agir en situation complexe
dans l'exercice professionnel. Il peut rendre compte de son action, la
décrivant et l'explicitant grâce à une démarche
d'analyse compréhensive. Il construit son savoir professionnel par
l'action et la réflexion dans et sur l'action.
Selon Chatel (2002) in Astolfi (p.39), l'enseignement est
à penser comme une action située. Ce qui donne un sens
positif à l'incertitude. Même si l'enseignant est clair sur
ses objectifs et sur le dispositif qu'il va installer, la façon dont les
élèves s'en empareront pour travailler reste incertaine.
Selon cette auteure, la situation pédagogique n'est pas
extérieure à l'enseignant, elle n'est pas le résultat d'un
calcul froid. Elle reste inséparable de son être agissant
car elle articule connaissance et expérience.
L'adoption de l'approche par compétence,
nécessite de l'enseignant des créations dans ses pratiques
pédagogiques. Créer des conditions et des situations afin de
permettre à l'élève d'apprendre et de construire ses
connaissances demande à l'enseignant un engagement dans un processus
incertain selon une pédagogie d'incertitude. Cet engagement ne serait
possible que si l'enseignant pense son métier en tant que profession,
que si l'enseignant se considère comme un professionnel
cherchant et développant des procédures d'analyse et de
résolutions de problèmes et non comme un exécutant
d'un métier, appliquant des routines et des démarches
invariables.
Des obstacles à la professionnalité des
enseignants peuvent s'expliquer par un manque d'autonomie laissé aux
enseignants. Ils peuvent être expliqués aussi par l'usage de sens
commun que fait l'enseignant de certaines idées pédagogiques et
du vocabulaire qui leur est associé (Astolfi, 2003). La pensée
commune s'analyse depuis Bachelard comme le jeu d'obstacles
épistémologique qui fonctionnent d'abord en termes de
facilité et d'économie mentale (Fabre, 1995 in Astolfi ; 2003
p.40). Dans ce sens, il deviendrait plus facile pour certains, et
mentalement plus pratique :
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- D'envisager l'acte d'apprendre en termes
réceptifs, plutôt que sur le mode d'un processus actif ;
- De pratiquer l'acte d'enseigner comme une explication
transmissive, plutôt qu'en termes de médiation ;
- D'analyser les erreurs comme des
défectuosités de l'élève, plutôt qu'en
cherchant à en comprendre la logique sous jacente ;
- De se représenter la motivation comme une
attitude exigible à l'entrée plutôt que résultant de
reprises et d'éclairages multiples ;
- De penser des leçons qui se referment sur les
notions à mémoriser, plutôt qu'ouvrant à la
nouveauté intellectuelle ...
Cette commodité et cette facilité de
raisonnement constitueraient des obstacles à l'acceptation et à
l'engagement dans un changement et dans une innovation dans les pratiques des
enseignants.
Cette conception sur l'exercice de métier semblerait
donc avoir une relation avec la conception de l'apprentissage. Si cette
dernière appartient au paradigme d'apprentissage, l'enseignant concevra
son métier autrement et se considérera beaucoup plus comme un
professionnel qu'un exécutant des programmes scolaires.
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