3.1.2. Elle semblait plus avantagée
que la Fed concernant les instruments à sa disposition
La passivité de la BCE est d'autant plus surprenante
que la BCE paraissait sur certains points mieux armée que la Fed. Ainsi,
comme le rappelle Rafael Repullo (2010), la BCE disposait au départ de
plus d'instruments appropriés à une situation de crise :
· Le nombre de contreparties était plus important
pour la BCE que pour la Fed. Lorsque le marché monétaire et
interbancaire est tombé en panne, il était ainsi beaucoup plus
facile pour la BCE de fournir les banques en liquidités. Les banques
pouvaient directement s'adresser à la BCE, ce qui n'était pas le
cas avec la Fed.
· La liste des collatéraux exigibles était
beaucoup plus large à la BCE qu'à la Fed. La liste des
collatéraux acceptés par la BCE avait été
construite sur une base extrêmement large pour satisfaire aux exigences
de tous les pays membres contrairement à la liste des collatéraux
exigibles de la Fed qui était beaucoup plus restreinte (essentiellement
des bons du trésor américain). La Fed s'est rapidement
heurtée à une situation de
« sécheresse » des collatéraux exigibles chez
ses contreparties, ce qui l'empêchait d'injecter les liquidités
nécessaires dans le système. Elle a du progressivement
élargir sa liste de collatéraux exigibles ce qui a demandé
du temps.
· La BCE offrait une rémunération sur les
dépôts des banques auprès de la banque centrale avant la
crise contrairement à la Fed.
Sur chacun de ces points, la Fed a dû innover en imitant
la BCE. Au début de la crise, la BCE semblait donc mieux armée
que sa consoeur américaine. Malgré cela, la BCE a, pour beaucoup,
menée une politique monétaire trop timorée et pas assez
accommodante au regard de la gravité de la crise.
3.2. Le maintien du principe de séparation prouve que
la BCE s'est focalisée sur l'objectif de stabilité des prix au
détriment de la croissance
La BCE a fait l'erreur de se conformer au principe de
séparation, séparation entre politique des taux et politique de
liquidité. Jean-Claude Trichet au moment de son départ de la BCE
en Octobre 2011 avait rappelé l'importance accordée à ce
principe tout au long de sa présidence : « Pour sa part,
depuis l'apparition des turbulences financières le 9 août 2007, le
Conseil des gouverneurs de la BCE a agi en appliquant un « principe de
séparation ». Il a distingué les mesures «
conventionnelles » - à savoir le pilotage des taux
d'intérêt en vue d'assurer la stabilité des prix à
moyen terme - des mesures « non conventionnelles », destinées
à restaurer une meilleure transmission à l'économie de
notre politique de taux d'intérêt dans une période
marquée par des perturbations sur les marchés. (Extrait de
l'intervention de Jean-Claude Trichet, 19 Octobre 2011) ».
Or, l'atteinte du taux directeur plancher ou
« quasi » plancher aurait du très vite mettre un
terme au principe de séparation entre politique monétaire
conventionnelle et politique monétaire non conventionnelle. La BCE ne
pouvant plus jouer sur le prix de la monnaie (le taux d'intérêt)
aurait dû jouer sur sa quantité ; ce qu'elle a fait mais trop
tardivement ...
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