3. La BCE a sa part de
responsabilité dans cet échec
La gestion de la crise financière puis de la crise de
la dette souveraine par la BCE est critiquable en de nombreux points. L'analyse
des actions de la BCE prouve qu'elle s'est trop focalisée sur l'objectif
de stabilité des prix au détriment des autres objectifs
(croissance et stabilité financière). Plus
précisément, la BCE ne semble pas avoir pris pleine mesure de la
crise ce qui l'a conduite à afficher un manque de volontarisme certain
dans ses actions jusqu'à mettre en doute l'intégrité de la
zone euro. Elle avait pourtant les cartes en main pour réussir.
3.1. La BCE avait les cartes en main
Les leçons tirées des précédentes
crises (Grande Dépression des années 1930 et Japon à la
fin des années 1990) rendaient la BCE non ignorante sur ce qu'elle avait
à faire une fois la crise produite. En effet, toutes ces crises
passées pouvaient aider, d'autant plus qu'elle disposait de plus
d'instruments à sa disposition que la Fed.
3.1.1. Elle pouvait s'appuyer sur les
expériences du passé
Dès 1930, soit quelques mois après le krach
boursier de 1929, Keynes alertait les banques centrales concernant les
mentalités et les idées de leurs décideurs qui pouvaient
empêcher la mise en place des mesures appropriées et ainsi
empêcher la reprise économique à la suite d'un krach.
Keynes affirmait alors que le quantitative easing
représentait, une fois atteint la frontière du taux zéro,
l'unique solution à une politique monétaire expansive :
« The Bank of England and the Federal Reserve Board (...) should
pursue bank-rate policy and open-market operations `a outrance' (...) that is
to say, they should combine to maintain a very low level of the short-term
interest rate of interest, and buy long-dates securities (...) until the
short-term market is saturated . » (Keynes, 1930, p.386). Selon
Keynes, en achetant des obligations d'état et donc en augmentant leur
bilan, les banques centrales sont capables de relancer l'économie, et ce
sans limite. Ses préoccupations ne concernaient donc pas
l'efficacité d'une telle mesure mais la potentielle réticence des
décideurs à la mettre en oeuvre : « I repeat that
the greatest evil of the moment and the greatest danger to economic progress in
the near future are to be found in the willingness of the Central Banks of the
world to allow the market-rate of interest to fall fast enough »
(Keynes, 1930, p.207). Au début des années 1930, les banques
centrales n'ont pas suivi la démarche de Keynes ce qui a donné
lieu à la « Grande Depression ».
De plus, Ben Bernanke, avant de devenir gouverneur de la Fed
avait montré que la passivité de la Fed lors de la crise de 1929
avait grandement contribué à la gravité et à la
durée de la dépression qui avait suivi.
Le Japon a fait la même erreur durant les années
1990. La banque du Japon a, à plusieurs reprises, assoupli sa politique
monétaire jusqu'à obtenir des taux d'intérêt
à court terme à zéro, sans jamais obtenir de signes de
reprise ou d'inflation. La Banque du Japon a préféré se
concentrer sur les taux d'intérêt de court terme plutôt que
de continuer sa politique monétaire expansionniste ce que lui ont
reprocher des économistes comme Milton Friedman et Allan Meltzer en lui
suggérant de s'engager dans un assouplissement quantitatif afin
d'éviter la poursuite de la stagnation : « There is no
limit to the extent to which the Bank of Japan can increase the money supply if
it wished to do so. Higher monetary growth will have the same effect as always.
After a year or so, the economy will expand more rapidly ; output will
grow ; and after another delay, inflation will increase
moderately » (Friedman, 1997). La Banque du Japon a adopté des
politiques d'assouplissement quantitatif, mais trop tardivement, ce qui a
donné lieu à ce que l'on appelle « the Japanese lost
decade ».
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