3.2.1. La politique
monétaire conventionnelle de la BCE prouve qu'elle n'avait pas pris la
pleine mesure de la crise
Concernant la politique des taux directeurs, l'action de la
BCE s'est faite plus tardivement et de façon plus progressive que celle
de la banque centrale américaine (Fed) ou de la banque d'Angleterre
(Bank Of England).
Dès la fin de l'été 2007, la Fed a
engagé un desserrement à intervalle régulier de sa
politique monétaire jusqu'à atteindre rapidement la limite de 0%
en décembre 2008. La BOE a fait de même à l'automne 2007
pour atteindre 0,5% en mars 2009. La BCE a, quant à elle, attendu
jusqu'en septembre 2008, et d'être confrontée aux pires tensions
sur le marché interbancaire, suite à la faillite de Lehman
Brothers, pour amorcer le mouvement de baisse. Le principal taux directeur est
passé de 4,25% en Octobre 2008 à 1% Mai 2009.
Après la survenue de la crise, le choix de la BCE
était de protéger la zone euro de toute pression inflationniste.
La BCE a choisi de garder son taux directeur a 1% pendant très
longtemps, taux qu'elle considérait alors comme un taux plancher, pour
deux raisons : un risque de déflation peu élevé dans
la zone euro et un risque de paralysie du marché monétaire. En
maintenant un taux relativement élevé, par rapport aux autres
taux directeurs des autres banques centrales, la BCE entendait alors assurer sa
crédibilité et protéger la zone euro des pressions
inflationnistes.
Jusqu'en septembre 2008, la BCE a donc fourni des
liquidités aux banques sans abaisser ses taux ce qui prouve qu'elle
n'avait pas pris conscience de la gravité de la crise.
Figure 7 : Taux directeurs BCE vs Fed - Sources : BCE,
Fed
Le taux de 1% n'est franchi qu'à partir de juillet 2012
avec des baisses successives de 25 points de base en juillet 2012, en mai et en
novembre 2013 ; de 10 points de base en juin et en septembre 2014.
Plus surprenant, la BCE a même augmenté ses taux
directeurs à trois reprises en juillet 2008, en avril 2011 et en juillet
2011. A chaque fois, l'objectif quantifié d'inflation de 2% était
dépassé. En signalant une politique moins accommodante, il
s'agissait pour la BCE de garantir la stabilité des prix dans un
contexte de hausse des prix des matières premières. La BCE
considérait alors ces chocs, dus à une augmentation de la demande
des pays émergents, comme non transitoires et s'inscrivant dans un
mouvement d'augmentation durable des prix des matières premières.
Pour Christian Bordes (2013), il ne fait guère de doute que
« ces relèvements de taux se sont avérés peu
judicieux, et que dans chaque cas, la BCE a dû très vite faire
machine arrière ». En effet, les périodes
succédant à ces hausses de taux ont été
marquées par des périodes de baisses prolongées de
l'inflation ; l'inflation tombant même en territoire négatif
en mai 2009 et en décembre 2014.
Figure 8 : Principaux taux directeurs de la BCE et taux
d'inflation - Sources : BCE, Eurostat
Cette politique privilégiant la stabilité
monétaire s'est faite au dépens de la croissance. La politique de
soutien à l'économie prise rapidement par la Fed a permis elle,
une reprise importante de l'activité, bien que les situations ne soient
pas directement comparables (importance des marchés financiers dans le
financement de l'économie américaine, plus grande
flexibilité du marché du travail, etc...).
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