4.2.3. Le
quantitative easing pourrait devenir un outil inefficace, voir
risqué
Le chemin semble encore long pour la BCE dans la poursuite de
son objectif premier de stabilité des prix. Pourtant, à travers
la réalisation de cet objectif, c'est toute sa crédibilité
qui est en jeu. Comme nous allons le voir, les raisons qui peuvent nous amener
à douter de sa réussite dans le futur sont multiples, tout comme
les risques que le quantitative easing soulève.
Tout d'abord, les expériences des autres banques
centrales menées à l'étranger ne sont pas
rassurantes : aucune des principales banques centrales (Fed, BoE, BoJ) n'a
réussi à relancer les prix grâce à une politique
monétaire ultra expansionniste. Les seuls résultats positifs ont
été pour la croissance, comme cela a été le cas aux
Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Au Japon, c'est encore pire puisqu'en
dépit des milliards de yens déversés sur les
marchés financiers par la BoJ, la bataille sur la croissance et sur les
prix a échoué.
Ensuite, nous pouvons nous demander si un objectif de taux
d'inflation à 2% par an en zone euro est encore réalisable.
Cette question me semble plus que légitime dans une
zone euro « mature » où les perspectives de
croissance sont de plus en plus faiblesà cause, notamment, du
vieillissement de la population et de notre perte de
compétitivité à l'échelle mondiale. Cependant,
baisser la cible d'inflation ne semble pas être une bonne idée
puisque cela agirait très certainement de façon négative
sur les anticipations d'inflation des agents. La solution pour la BCE est alors
d'accorder plus d'importance aux objectifs de croissance et d'emploi et moins
à celui de stabilité des prix sous peine de continuer à
décevoir. Cela permettrait d'éviter les biais que
représentent les chocs sur les prix des matières premières
à ses actions.
Aussi, à la question de savoir si la BCE doit
décider d'injecter plus de liquidités chaque mois dans le
système : la réponse est difficile.
En effet, si la BCE n'annonce pas de mesures
supplémentaires, alors que l'inflation reste nulle, les marchés
financiers peuvent alors douter de sa volonté à remplir son
objectif de stabilité des prix ce qui entacherait sa
crédibilité. Cette raison pourrait alors justifier l'annonce d'un
QE2, la BCE cherchant à éviter le pire.
Mais, le problème en zone euro n'est pas le manque de
liquidité, ni d'épargne. C'est le manque de
débouchés et d'opportunités d'investissement pour cette
épargne. Les faibles perspectives de croissances et de
développement, ainsi que le manque de visibilité et la crainte
d'une détérioration des conditions économiques
internationales, favorisent l'épargne de précaution au
détriment de la consommation. Rajouter de la liquidité dans le
système, alors que les taux sont déjà au plus bas,
n'aurait aucun effet bénéfique pour la croissance et l'inflation
et ne ferait qu'accroitre l'épargne de précaution.
Par ailleurs, un autre problème inhérent au QE,
souvent souligné par la littérature, est qu'il ne cherche pas
à résoudre les problèmes plus profonds mais seulement
à « acheter du temps ». En effet, la mise en place
d'un QE retire la pression sur les autres acteurs de la politique
économique (gouvernements nationaux, commission européenne)
à mener des réformes structurelles, jugées pourtant
urgentes, et à veiller sur leur dépense publique. Sans ce travail
complémentaire le quantitative easing est un outil inefficace.
Enfin, en plus de douter de son efficacité future, le
QE comporte des risques pour la stabilité financière.
Il y a tout d'abord un risque de pénurie des titres
d'Etat. Cela concerne principalement l'Allemagne, la France, l'Italie et
l'Espagne qui concentrent à eux quatre 75% des rachats de dettes chaque
mois. Le quantitative easing entraine un asséchement des titres publics,
d'autant plus aggravé par les politiques de réduction des
déficits publics, rationnant les nouvelles émissions. De plus,
certains pays, notamment l'Allemagne, n'ont plus besoin de se refinancer autant
qu'avant. Les investisseurs obligataires ont donc de moins en moins de papier
à se mettre sous la dent, d'où un risque de
« grève des vendeurs » amenant à des
distorsions sur les mécanismes de primes et à une certaine
nervosité sur les marchés obligataires.
Aussi, l'abondance de liquidité peut amener les
investisseurs, à la recherche de rendements, vers des actifs de plus en
plus risqués et donc à la formation de bulles d'actifs, dont la
croissance pourrait poser de sérieux problèmes de
stabilité financière, même si ce risque semble
limité à l'heure actuelle.
De plus, il existe un risque pour la BCE et pour les banques
centrales nationales de se retrouver avec des pertes en capital au moment de la
revente des titres risqués. En effet, il y a un risque de taux bien
réel (si les taux montent, la cession peut entrainer des pertes
financières), surtout avec la normalisation de la politique
monétaire aux Etats-Unis. Les pertes en capital nécessiteraient
alors une recapitalisation de la part des Etats (règles de la
comptabilité privée) ce qui remettraient en cause son principe
même d'indépendance.
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