5. CONCLUSION
Comme nous avons pu le voir, nombreuses ont été
les critiques faites à l'égard de la BCE concernant sa gestion
des crises. Même si elle ne peut pas être considérée
comme seule responsable, l'étude de sa politique monétaire
conventionnelle et de ses actions non conventionnelles nous prouve qu'elle a sa
part de responsabilité dans cet échec. Cela est d'autant plus
vrai aujourd'hui que la zone euro peine encore à retrouver son
économie d'avant crise. Aussi, nous avions noté que la BCE
semblait, au départ, plus avantagée que la Fed sur les
instruments à sa disposition et qu'elle pouvait s'appuyer sur les
expériences du passé, bien qu'elle ait une structure complexe et
un fonctionnement unique.
Globalement, il est reproché à la BCE d'avoir
été trop attentiste, de ne pas avoir assez innové, et
d'avoir privilégié l'objectif de stabilité des prix, au
détriment des autres objectifs. En synthèse, il faut retenir que
la BCE a trop tardé avant d'entamer la baisse de ses taux directeurs et
que cette baisse s'est faite de manière trop progressive. Le taux
zéro aurait dû être atteint plus rapidement, comme le
suggéraient les expériences du passé et celles des autres
banques centrales. Plus grave, elle a commis l'erreur historique de relever ses
taux au début de la crise financière. L'inondation de
liquidités vers les banques a permis de débloquer le
marché interbancaire mais sans réel effet sur l'économie
du fait d'opérations stérilisées qui n'incitaient pas les
banques à prêter. A cause de leurs faibles montants, les
programmes d'achats d'actifs n'ont pas eu plus d'effets positifs sur
l'économie. Il est reproché aussi à la BCE d'avoir mis en
doute l'intégrité de la zone euro en refusant de jouer son
rôle de prêteur en dernier ressort pour la Grèce,
créant ainsi des tensions sur le marché de la dette.
Ajouté à cela un manque probant de transparence et de
communication, la crédibilité de la BCE de Jean-Claude Trichet
s'en était retrouvée fortement entachée.
Le remplacement, en novembre 2011, de Jean-Claude Trichet par
Mario Draghi a amené un vent de renouveau à la tête de la
BCE. Grace à son interventionnisme et les efforts de communication et de
transparence, la BCE de Mario Draghi aura au moins réussi à
rassurer les marchés à défaut d'atteindre l'objectif de
stabilité des prix, condition nécessaire pour que la BCE retrouve
toute sa crédibilité.
Les mesures supplémentaires annoncées en mars
2016, à savoir un abaissement du taux directeur à 0%, une
augmentation des rachats mensuels d'actifs de 60 à 80 millions d'euros
et un élargissement des achats aux obligations des entreprises, prouvent
bien que la BCE est prête à tout pour atteindre cet objectif. Sa
tâche pour le futur s'annonce ardue, d'autant plus que depuis la fin de
l'année 2015, la Fed a pris le contrepied en commençant à
relever ses taux directeurs. Un numéro d'équilibriste attend
donc la BCE qui devra aussi éviter de tomber, si ce n'est pas
déjà fait, dans une trappe à la liquidité et faire
face à de possibles risques d'instabilité financière.
Plus que la question de la crédibilité de la
BCE, c'est l'avenir même de la zone euro et de la construction
européenne qui semble aujourd'hui au coeur du débat. En effet, la
fracture idéologique entre les europhiles et les eurosceptiques n'a
jamais semblé aussi grande. Ces derniers profitant des
difficultés que rencontrent actuellement l'Europe : des
perspectives de croissance faibles, une gestion difficile et délicate de
la crise des migrants et des attentats sur le sol européen ont
renforcé leur poids face aux premiers. Le Grexit et maintenant le Brexit
viennent nous rappeler que la construction européenne est une
construction fragile qui ne tient maintenant plus qu'à un fil...
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