La méditation de la pleine conscience : outil pédagogique et soutien aux apprentissage ?( Télécharger le fichier original )par Ronan LE JONCOUR Université De Provence UFR de Psychologie - Master Recherche 2 2011 |
Neurosciences et émotionsEn dépit des lacunes de la recherche neuropsychologique en matière de régulation émotionnelle, les scientifiques ont dégagé les composants biologiques de l'expression émotionnelle. Dans le cerveau humain, il existe un ensemble connu sous le nom de système limbique, dont les principales structures sont l'amygdale et l'hippocampe. Cette région du cerveau, que l'on a pu baptiser « cerveau émotionnel », a des connexions avec le cortex frontal. Lorsque ces connexions sont dégradées, suite au stress ou à la peur7(*), le jugement social en souffre, ainsi que la performance cognitive, car les aspects émotionnels de l'apprentissage, parmi lesquels figurent les réactions au risque et à la récompense, se trouvent compromis. Un exemple de dysfonctionnement de l'interaction entre les parties émotionnelle et cognitive du cerveau : Antonio DAMASIO a étudié un comptable de l'Iowa, fort intelligent selon les critères traditionnels (QI de 130) et ayant réussi dans sa partie, sur qui on a dû procéder à l'ablation d'une partie du cerveau suite à une lésion. Toute communication a été coupée entre les parties émotionnelle et cognitive de son cerveau. Après l'opération, il a conservé un QI supérieur à la moyenne pendant plusieurs années, durant lesquelles il est resté sous observation médicale. Cependant, son jugement social s'en est trouvé si affecté qu'il a perdu son emploi, a échoué à en conserver un autre, s'est retrouvé impliqué dans des entreprises à la limite de la légalité, et a fini par divorcer après dix-sept ans de mariage pour épouser en secondes noces une femme riche mais considérablement plus âgée que lui, qu'il décrivait comme une « mondaine vieillissante ». Cet exemple décrit un cas extrême de perte du juge- ment social. Plus important pour l'aspect éducatif, rappelons que cet individu avait toujours un QI supérieur à la moyenne après son opération8(*) voir schéma du système limbique ci-après. Schéma 1 : Structure interne du cerveau et Système Limbique Phénoménologie« Ce qui est important n'est pas ce que vous regardez, ce n'est pas vous qui regardez, c'est la hauteur en vous d'où vous regardez » Gustave MEYRINK Comme source d'étude des phénomènes nous avons pour l'instant choisi de suivre le concept de l'Autopoïèse ou de l'Énaction. Le concept de l'énaction, proposé par Francisco VARELA(1946-2001), biologiste, neurologue et philosophe, s'oppose à de nombreuses théories et remet l'humain au sein de son environnement. Il fût aidé par son professeur et mentor Humberto MATURANA. Francisco VARELA a développé cette théorie et ce concept scientifique, en le démontrant scientifiquement. Pour cela il s'est appuyé sur la biologie et les sciences cognitives dont il est spécialiste. Il a réussi à démontrer que l'individu est à l'origine de la construction des phénomènes, c'est à dire que dans une relation sujet / objet, à la fois le Sujet et l'Objet Co-construisent leur réalité intrinsèque immédiate. Cette théorie est très bien expliquée dans l'ouvrage L'inscription corporelle de l'esprit (VARELA, 1999) Ce nouveau paradigme défend l'idée que la cognition est d'abord incarnée, c'est-à-dire qu'elle prend en compte le fait que chaque espèce a son propre « Umwelt » (ou milieu), évolue dans son propre monde, avec ses propres règles. Toute activité cognitive sensori-motrice s'inscrit dans une interaction physique avec l'environnement. Nos différentes capacités s'avèrent ainsi inséparables de notre corps, de notre langage et de notre histoire culturelle. Elles nous permettent de donner un sens à notre monde. Avec l'énaction, Francisco VARELAs'attaque au cognitivisme, qui défend une approche de l'esprit basée sur le calcul symbolique (et l'intelligence artificielle), et au connexionnisme, qui prône l'émergence de l'esprit basée sur la connectivité d'un réseau de neurones. Il s'en prend aussi au néodarwinisme neuronal (EDELMAN et CHANGEUX) et à la notion d'adaptation, à la psychanalyse de FREUD et à la phénoménologie de HUSSERL et MERLEAU-PONTY, il met au coeur de l'énaction l'expérience humaine. Pour se faire VARELA(1999) s'appuie également sur l'école philosophique indienne du Vaibhasika et s'inspire plus particulièrement des textes de l'Abhidharmakosha, qui expliquent la relation Sujet / Objet en terme de phénoménologie et d'interrelation entre eux. Figure 2 : Principe d'Autopoïèse et d'Énaction. a) La qualité d'observateur : qu'observons-nous réellement ??- Autocritique du chercheur...Les systèmes vivants, dont l'organisation neurologique est compatible, peuvent se poster en tant qu'observateur d'autres systèmes vivants, sachant que ce qu'ils observent, ce n'est pas l'autre : ce qu'ils observent c'est une interaction entre eux et cet autre.?Cette remarque conduit à un constat plus radical encore : un système vivant qui observe un objet, vivant ou non, construit en fait cet objet à partir de ce que ses propres caractéristiques neuro-cognitivo-psycho-socio-culturelles peuvent construire, en termes de formes et de couleurs par exemple.?Mais dans tous les cas, observer c'est interagir, et ce que nous appelons « observation » n'est pas autre chose que l'effet des changements structuraux auto-produits sous la pression des perturbations générées par cette interaction avec l'objet. ?Quand nous disons que nous observons une couleur, nous évoquons sans le savoir le processus interne qui nous fait produire telle ou telle couleur à partir d'une perturbation de type ondulatoire (et nous ne pouvons qu'ignorer les éventuelles couleurs qui peuvent être produites par d'autres organismes à partir de l'infrarouge et de l'ultraviolet car ces longueurs d'onde n'existent pas pour notre système neurologique, alors qu'elles existent pour celui de l'abeille). Gardons ceci à l'esprit car cette définition redéfinit et conditionne très puissamment l'action du chercheur. En effet, elle réduit à néant toute prétention à l'objectivité : nous n'observons que les mondes que notre organisme (organisation et structure) peut construire, à partir des perturbations significatives pour lui, et ce que nous observons en fait, ce n'est jamais autre chose qu'une interaction entre nous et un autre.?Ces remarques, parmi beaucoup d'autres, ont permis de produire un modèle qui est aujourd'hui admis par la plupart des chercheurs de haut niveau dans les sciences les plus diverses: le modèle constructiviste. La caractéristique auto-informationnelle du vivant implique une critique radicale de la prétention à l'objectivité, c'est-à-dire du pouvoir d'un observateur à se prétendre extérieur au système qu'il observe et décrit. ?Humberto MATURANAsouligne ce rapport très particulier que les systèmes vivants entretiennent avec le monde extérieur, à partir d'expériences d'optiques faciles à reproduire:?« Nous ne percevons pas entre les erreurs et les non erreurs dans l'expérience de l'action, nous ne distinguons pas entre la perception et l'illusion dans l'expérience de cette situation. » * 7En ce qui concerne ce domaine précis, Joseph LeDoux a présenté durant le Forum de ?New York des travaux récents portant sur l'amygdale. Cette structure a un rôle critique dans le traitement de la peur. Les recherches de l'équipe de Le Doux ont permis d'identifier des réseaux cérébraux spécifiques dont la peur est le produit. D'autres émotions peuvent être produites par différents réseaux cérébraux, sans doute sans relation avec le système de la peur. La capacité de détecter le danger et d'y réagir immédiatement est attribuable à l'amygdale (du moins en partie, l'amygdale ayant d'autres contributions émotionnelles). L'amygdale interrompt l'action ou la pensée pour déclencher une réaction corporelle rapide, déterminante pour la survie. Même si cet exemple semble bien éloigné du contexte éducatif, la neuroscience de la peur a démontré plusieurs faits qui sont essentiels pour la compréhension du rôle de l'émotionnel dans l'éducation. Dans le contexte scolaire, cette fonction interruptive peut expliquer la tendance à la distraction. Le stress et la peur dans la salle de classe peu- vent obérer la capacité d'apprendre en réduisant la capacité à prêter attention à la tâche d'apprentissage en cours, en raison des exigences corporelles et émotionnelles impliquées par le système de la peur. * 8Cas rapporté par David Servan-Schreiber, voir le Rapport de New York, site web de l'OCDE. |
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