1.1.2.1 Les spiritueux : une législation
particulière
Pour la législation européenne, l'Armagnac
rentre dans la catégorie des spiritueux définis par le
règlement (CEE) n° 1576/89 du Conseil du 29 mai 1989
établissant les règles générales relatives à
la définition, à la désignation et à la
présentation des boissons spiritueuses, c'est-à-dire qui tirent
un degré alcoométrique supérieur à 15°.
Produit de consommation alimentaire, l'Armagnac demeure avant tout
considéré par le droit et le
17
consommateur comme une boisson alcoolisée. Cette
catégorie impose un régime fiscal, des contraintes commerciales,
des contrôles administratifs particuliers.
1.1.2.2 Quelques notions « macro » relatives
au marché des spiritueux
La concurrence dans le domaine des spiritueux répond
à plusieurs variables, trois apparaissent comme essentielles : la
stabilité de la consommation, l'interchangeabilité des produits,
la différence de prix.
-Evolution globale de la consommation d'alcool:
La consommation d'alcool par habitant dans le monde s'est
stabilisée ces vingt dernières années. Celle des
spiritueux subit le même sort à quelque 0,1 L d'AP. Ces chiffres
mondiaux masquent des disparités radicales entre les pays. Le taux
d'abstinence est très variable d'un pays à l'autre (de nombreux
pays de confession musulmane ont une consommation nulle voire marginale).

18
L'évolution de la consommation d'alcool pur par
habitant montre par exemple une évolution plus
singulière13, à l'image de celle de la France de 25 l
d'AP par habitant en 1960 à 15l d'AP par habitant en 2001.
-l'interchangeabilité des produits
Les habitudes de consommation connaissent une évolution
très lente entre les familles de produits. Nous pouvons donc supposer
que le transfert de consommation du vin au spiritueux en données
globales par exemple est marginal d'une année sur l'autre sur la
période de 1960 à 2001, il n'y a pas de brusques changement de
comportements. Ce ne sont pas des produits concurrentiels. Au contraire, les
transferts de consommation au sein d'une même famille connaissent une
probabilité plus importante puisqu'il s'agit de produit quasi-identique.
La concurrence est donc essentiellement entre les spiritueux. Les vins et les
spiritueux correspondent à deux moments de consommation.
L'évolution de la consommation de vin de table et vin de qualité
confirme cette logique.
-Le prix des spiritueux ne dépend que faiblement du
coût des matières premières
Il est intéressant de voir que l'Armagnac a un
surcoût de fabrication en raison d'une matière première, le
vin, extrêmement plus chère que ses concurrents dans le monde des
spiritueux14. Ainsi, le jus de canne à sucre, matière
première pour réaliser le rhum est vingt fois moins chère,
le malt (whisky) cinq...
Ce surcoût ne se retrouve qu'en partie au moment de
l'achat car la matière première ne représente qu'une
faible part du prix de revient d'une bouteille d'eaux-de-vie. Ainsi, selon une
estimation réalisée par le BNIA pour une bouteille classique de
compte 515, les matières premières ne participent
qu'à hauteur de 22% au coût de revient. Les 27% de frais de
conditionnement et 8% de commercialisation sont plutôt équivalents
aux autres produits (à l'exception de la main d'oeuvre si le spiritueux
provient d'un pays pauvre). Cette équivalence dans le prix se retrouve
par l'imposition, équivalente pour tous les spiritueux depuis
l'harmonisation de 1983 (43% du coût total pour une bouteille
d'Armagnac). La concurrence sur les prix ne peut expliquer à elle seule
le désavantage
13 BESSON Danielle, « boissons alcoolisées
: 40 ans de baisse de consommation », INSEE première,
n°966, mai 2004
14 Jean-Claude Darréon, Alain Gabriel, op. cit.
p.170 , tableau III 15
15 Observatoire économique de l'Armagnac,
« «note de conjoncture et d'informations de l'observatoire
économique de l'Armagnac », n°4, octobre 2002
19
concurrentiel de l'Armagnac, il ne souffre pas excessivement
du surcoût du vin à distiller. Néanmoins, le prix est un
élément essentiel du choix du consommateur. L'application du
« droit à la fabrication » imposée aux eaux-de-vie de
céréales tel le whisky est considéré par le droit
européen comme une taxe à effet équivalent d'un droit de
douane16. Sa généralisation à l'ensemble des
eaux-de-vie entraîne une chute de 35% des ventes d'Armagnac en 1983-1984
(« infligées aux Armagnacs »17) à nuancer
par les anticipations de l'année précédent l'application
de la nouvelle fiscalité.
|