2.1.1.2 Les limitations de la production
Les limitations de la production sont toujours difficiles
à mettre en place. Elles s'inscrivent dans des politiques globales
conduites dans le cadre de la Politique Agricole Commune appliquent des moyens
différents : reconversion des agriculteurs, changement de production
(primes à l'arrachage). L'objectif final de la filière Armagnac
est d'arriver à obtenir à terme une quantité annuelle de
produit distillé en rapport avec l'évolution de la consommation.
L'exemple de la viticulture du Bas-Armagnac landais, une des principales zones,
donne un exemple significatif de ce travail sur la partie viticole de la
filière69. La surface viticole landaise a diminué de
3420 à 2524 hectares, soit de 25%. Le Bas-Armagnac représente 72%
de cette surface en 2000. Il a connu une diminution similaire. Pendant cette
même période, la concentration des exploitations viticoles a
été moindre que dans les autres départements (seulement
70% des exploitations ont une superficie supérieure à 10
hectares). Les campagnes d'arrachage menées avec les primes
européennes selon des systèmes complexes de financement
(départ à la retraite, renouvellement du vignoble) ont obtenu des
résultats significatifs sur les volumes de vin produit. Le succès
des vins blancs de pays de Gascogne, déjà évoqué, a
aussi à rééquilibrer la quantité de volume
distillé.
Cette réduction a été également
fournie par un contrôle plus strict de la vocation des vignes à
l'Armagnac. Une grande part de la surface, plus de la moitié,
était en cépages
69 lettre de l'observatoire de
l'Armagnac, n°4, octobre 2OO2
51
double fin AOC Armagnac. Le vigneron avait le choix de vendre
son vin brut ou de le distiller. Pour limiter la quantité de vin
à distiller et permettre un développement des cépages
spécifiques pour l'Armagnac, le décret du 29 mai 2005 impose un
« parcellaire Armagnacais » : une identification préalable des
parcelles destinés à la distillation auprès de l'INAO et
une déclaration d'intention de destination des vins avant le 31 juillet.
Le viticulteur ne peut donc spéculer au dernier moment en fonction des
cours.
Ces mesures s'accompagnent d'incitations financières
assez complexes provenant des différents organismes étatiques et
européens. Le BNIA n'effectue que des actions normatives et ne
subventionne en aucun cas la production agricole.
2.1.1.3 Le problème des stocks
La conséquence de cette surproduction chronique
entraîne une surcharge des stocks. Or, il ne faut pas oublier qu'une
grande part de l'Armagnac sort sous forme d'eau-de-vie jeune (50% environ)
autant pour les fabrications et vrac que pour les ventes bouteilles. En 2005,
les ventes bouteilles à partir du compte 4 n'ont
représenté que l'équivalent de 5032 Hl AP. Si une partie
supplémentaire a pu être utilisée dans les fabrications ou
vendue en vrac, la quantité n'est jamais supérieure au 7 622 Hl
AP passé du compte 3 au compte 4 cette même année. Les
stocks de compte 4 et + atteignent 135000 Hl AP. La diminution des stocks est
donc due bien plus à l'angélique évaporation qu'à
l'augmentation des ventes ou une réduction draconienne de la production
d'eau-de-vie70. En six ans 25 000 Hl d'AP ont disparu faisant passer
de « douze ans de production en stock à entre neuf et dix ans
aujourd'hui »71.La filière Armagnac paye encore
aujourd'hui le fardeau des comportements individualistes et irrationnels d'un
point de vue collectif d'il y a vingt ans. Compte tenu des stocks, la politique
commerciale est claire : il faut vendre des eaux-de-vie vieilles. Le hors
d'âge, c'est-à-dire les assemblages de plus de dix ans, est le
produit cible. Les millésimes obtenus à partir des stocks
très variables selon les années sont moins intéressants,
dans cette perspective de diminution des stocks.
70 cf. tableau et histogramme (chiffres B.N.I.A.)
71 Sébastien Lacroix, cité dans «
bien dans son temps », Sud Ouest, 14 novembre 2006
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52
L'autre problème des stocks est leur coût
d'entretien et de transmission. L'investissement réalisé ne porte
ses fruits qu'à long terme. La faiblesse financière des
structures familiales du négoce entraîne la mise en
hypothèque des biens, voire des emprunts difficilement remboursables. A
cela s'ajoutent les problèmes fiscaux et des droits de succession ayant
pour conséquence l'impossible reprise des domaines ou négoces
familiaux.
Enfin, il faut préserver un renouvellement des stocks
pour garantir l'eau-de-vie du futur. Il serait bien dommage de ne plus avoir de
matière à vendre le jour où la situation commerciale sera
meilleure. Ces objectifs nécessitent une information continue des
producteurs sur la situation commerciale, les visées à long terme
et les stratégies appliquées. Ce rôle, aujourd'hui rempli
par le BNIA, a cruellement manqué aux acteurs dans les années
1980.
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