1.3.2.4 Un âge d'or prépare des
années de plomb
Les années 1970 ont permis un développement sans
précédent de la consommation d'Armagnac du fait d'un effet de
mode dû à de nombreux facteurs, notamment l'avantage fiscal dont
il bénéficiait. Il ne s'agissait pas d'un ancrage profond dans le
marché français, mais d'un développement d'un produit
générique adapté à une consommation de masse sans
une grande concurrence internationale. Les ventes des années 1960
correspondent à celles d'aujourd'hui. En 1969, 2,8 millions de
bouteilles étaient vendues avec déjà un million de
bouteilles à l'exportation. La forte croissance des années 1970
(+12%/an) s'est accompagné d'une explosion de la quantité de vin
distillé dont la filière subit encore le poids. Les
opérateurs trop optimistes sur la croissance de la consommation du
produit ont distillé des quantités adaptées à un
développement sans fin du marché. Les années de bonnes
récoltes, la distillation a produit des quantités énormes
d'Armagnac : 116 964 HlAP et 87154 Hl AP en 1973 et 1979 par exemple, alors que
jamais plus de 45 OOO Hl AP/an n'ont déjà été
vendus. La spéculation sur un produit est risquée. La conjoncture
s'est retournée. Il faut tout reconstruire pour retrouver les
bénéfices.
1.3.3 Les causes structurelles
Les causes structurelles sont propres au monde de l'Armagnac,
à son organisation et à son marché. Sa structure
particulière ne pouvait le rendre apte à supporter les
évolutions ou du moins elle n'a pas permis ou de faire les bons choix
pour poursuivre le développement économique des années
1970. Ces caractéristiques structurelles n'ont
56 « bilan des dix ans de loi Evin »,
communiqué de presse, ministère de l'emploi et de la
solidarité, mars 2001
43
pratiquement pas changé, elles appartiennent au
patrimoine économique de l'Armagnac. Les explications sont nombreuses et
nous verrons les principaux aspects sans être évidemment
exhaustif.
1.3.3.1 L'exportation ne compense pas le déclin
du marché français
L'Armagnac ne s'est pas vraiment implanté à
l'étranger. Il profite de circonstances particulières, souvent
dans le sillage du Cognac (exemple du Japon à la fin des années
1980). L'eau-de-vie charentaise est prisée par les nouveaux riches : les
Vénézuéliens dans les années 1950, les asiatiques
dans les années 1980, les minorités noires américaines et
les Russes depuis le milieu des 1990. Certes, les professionnels peuvent se
targuer de vendre leurs produits dans ces marchés émergents, tout
le monde s'y rend avec des ambitions de bénéfices rapides.
L'absence d'implantation donne des résultats le plus souvent à
court terme, mais il faut des groupes puissants pour pouvoir supporter des
marchés à forte variation et être prêts à
investir de nouveaux marchés à long terme. La chute des ventes de
près de 20% après la crise asiatique 1998 avait entamé les
efforts réalisés par les quatre grosses maisons
cognaçaises pour redéployer un marché asiatique. Les
ventes avaient déjà subi une baisse de 20% entre 1990 et 1997. Le
redémarrage, avec de grands efforts marketing pour ne pas laisser la
place aux concurrents, a permis au Cognac de retrouver son niveau de 1989 avec
des ventes record. La pérennité de ce marché n'en est pas
plus assurée57. Ce succès ne profite pas à
l'Armagnac comme le montre la comparaison des courbes des deux spiritueux
à l'exportation58.
Or l'Armagnac dépend encore pour plus de la
moitié de ses ventes du marché français. Celui-ci est en
déclin inexorable pour tous les segments des eaux-de-vie de vin,
même si la baisse est plus prononcée pour les eaux de vie jeunes.
Où les acteurs doivent-ils accentuer leurs efforts ?
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