1.3.2.2 le problème d'image
La représentation sociale du produit est essentielle pour
motiver l'achat.
L'ignorance du produit semble la première cause de
mévente. Beaucoup de consommateurs ignorent le produit et la
région d'origine. Le processus de fabrication du
51 sources : B.N.I.A. (2003)
40
produit et la base vinicole sont vaguement connus, mais plus
on s'écarte de la région de production, plus l'ignorance gagne.
Ensuite, la région est difficilement placée sur une carte de
France. Elle ne représente aucune entité administrative ou ville
importante, ni une destination touristique prisée. L'Armagnac de par sa
même terminaison orthographique que Cognac se rapproche de son grand
frère dans l'imaginaire du consommateur.
Une communication sur le produit permettrait de pallier cette
méconnaissance. Selon les enquêtes de perception du produit chez
les professionnels52, cette opinion se retrouve chez cavistes sur
les priorités d'action pour l'amélioration des ventes.
Le consommateur, peu sensible aux caractéristiques du
produit, peut se détourner vers d'autres spiritueux aisément
puisqu'il y retrouve soit l'alcool bon marché (première
catégorie) soit les éléments de distinction sociale qu'il
recherche (troisième catégorie). Cette clientèle
non-captive nécessite un imaginaire plus fort pour compenser l'absence
d'attachement aux caractéristiques du produit.
L'Armagnac et le digestif d'eau-de-vie de vin en
général demeurent un alcool masculin dans une
société française où les identités sexuelles
n'ont plus de frontières clairement identifiées. Il reste
associé à l'image d'une famille patriarcale. Sa consommation
répandue lors des banquets familiaux, comme les mariages, lui
confère un goût de douce nostalgie de la France d'avant. Il ne se
consomme pas seul mais dans un cadre de convivialité ritualisé.
La spontanéité ou la créativité, valeurs de la
société contemporaine ne sont pas celles de l'Armagnac. Le whisky
« on the rock » a réussi à percer en France grâce
à son image plus individuelle et moderne. Le cinéma hollywoodien
et une communication efficiente ont été des vecteurs
importants.
1.3.2.3 Les politiques d'action publique contre
l'alcool
« La politique étatique contre la consommation
d'alcool est responsable du déclin de l'Armagnac ! » ce leitmotiv
revient sans cesse dans la bouche des professionnels. Cette affirmation
victimaire peu argumentée, accompagné d'un sentiment d'injustice
et de bouc émissaire, nécessite un examen plus approfondi. Une
première évidence contraire à cette dénonciation :
si la baisse de la consommation d'alcool en France s'est réduite d'un
tiers, elle n'a pas affecté la famille des spiritueux (cf. infra).
L'Etat n'est
52 sources : B.N.I.A (2003)
41
donc pas l'unique coupable du déclin même si ses
politiques ne répondent pas à des objectifs favorables aux
opérateurs.
Nous distinguons trois types de politique étatique : la
lutte contre l'alcoolisme, la prévention routière et les
préoccupations de santé publique. Parfois, les actions publiques
ne distinguent pas forcément les trois catégories.
-La lutte contre l'alcoolisme est indiscutable pour tous les
professionnels, et depuis la fin du régime fiscal avantageux des
eaux-de-vie de vin, l'Armagnac n'est pas plus concerné qu'un autre
produit.
-Des professionnels stigmatisent les politiques de
prévention routière concernant l'alcool au volant. Les mises en
place d'un taux limite d'alcoolémie en 1970 à 1,2 g/litres et
d'un contrôle préventif en 1978 furent les prémisses de
cette politique. Son durcissement progressif a conduit à une limite de
0,5 g/L et des condamnations plus sévères53. La peur
du gendarme et la prise de conscience des conducteurs entraînent une plus
faible consommation d'alcool et la suppression du digestif. Le «
pousse-café » est le dernier alcool consommé avec une forte
teneur en alcool, donc susceptible d'augmenter le taux d'alcool dans le sang.
Les professionnels soutiennent que les taux d'alcoolémie sont trop bas,
arguant que les accidents corporels sont le fait de conducteurs avec une
alcoolisation forte (1,7 g/L) et de buveurs chroniques54.
-L'autre action générale de l'Etat concerne la
santé publique avec une volonté de modération de la
consommation d'alcool55. Cette volonté se manifeste sous
différentes formes :
Il s'agit d'abord d'une taxation importante (42% du prix d'une
bouteille d'Armagnac). Cette évolution supérieure à
l'augmentation des produits normaux a suivi celle du tabac jusqu'en 1992 puis
le taux a été stabilisé.
L'autre aspect de cette politique de santé publique est
une condamnation plus morale de la consommation d'alcool avec la loi Evin de
1991. Cette loi limite la communication pour les produits alcoolisés et
la consommation dans certains lieux comme les stades. Ces mesures ne sont pas
sans conséquences : « Dans ce contexte de diminution globale, les
Français ont modifié leurs comportements en réduisant
leur
53, «Faut-il abaisser le taux d'alcool
autorisé sur la route? », Conseil national de la
sécurité routière, mars 2004
54 idem
55 « 45 000 personnes meurent chaque année des effets
directs de l'alcool. Celui-ci est responsable de 90 % des cirrhoses du foie, du
tiers des cancers et représente la deuxième cause de retard
mental chez l'enfant et la première cause de démence avant
soixante ans. 20 % des hospitalisations en hôpital général
et 40 % des hospitalisations en psychiatrie sont imputables à l'alcool.
»
42
consommation de vin au profit des spiritueux et de la
bière et en déplaçant leur consommation en fin de semaine
(multiplication des ivresses répétitives) »56.
L'Armagnac devrait logiquement être favorisé par ce
déplacement de consommation. Il n'a pas plus d'handicaps qu'un autre
produit. Au contraire, on peut penser que la loi Evin a rétabli le poids
de la qualité intrinsèque du produit face à celui de la
publicité dans la décision de vente. Si cette loi ne «
diabolisent » pas la consommation d'alcool, elle favorise une consommation
responsable et saine. Cette loi peut devenir un atout pour un alcool de
qualité et d'une région où l'espérance de vie est
la plus longue de France.
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