1.3.1.2 La pertinence de cette typologie
Cette typologie « oublie » de nombreux facteurs ;
sexe, âge, origine géographique, catégorie
socioprofessionnelle. Nous pouvons critiquer la troisième
catégorie un peu fourre-tout traduisant à la fois : la
réalisation de la moitié des ventes dans le dernier trimestre de
l'année, comme pour beaucoup de produits alimentaires haut de gamme
(foie gras, champagne,...), la symbolique des millésimes pour les
anniversaires et l'achat « touristique » au chai. Les études
de motivations d'achat49 confirment cette typologie. En
général, l'acheteur a plus de 45 ans, de sexe masculin ; il
consomme l'Armagnac en digestif. L'utilisation pour la cuisine est
également déterminant. La première catégorie
concerne des consommateurs plus âgés, retraités, pour une
consommation moins solennelle avec des Armagnacs jeunes et peu chers. La
deuxième catégorie représente une population plus
connaisseuse du produit, attentive à la distinction sociale, urbaine et
45-65 ans. Entre ces deux acheteur-type, il existe un large éventail de
consommateurs.
1.3.2 Les causes conjoncturelles
Par le terme de causes conjoncturelles, nous comprenons des
causes extérieures au monde de l'Armagnac. Ces changements affectent le
produit ou ses ventes. Ce sont des phénomènes
socio-économiques dont nous ne chercherons pas à analyser les
causes mais
49 Sources BNIA, 2003
38
à voir les conséquences sur le produit. Les
phénomènes se superposent parfois, ils peuvent aussi s'opposer
rendant la grille de lecture encore plus abscons.
1.3.2.1 le changement des goûts et les nouveaux
modes de consommation -un glissement du quantitatif vers le qualitatif
Les Français ne consomment pas des boissons comme il y
a quarante ans50. Ils consacrent une part plus faible du budget
alimentaire aux boissons alcoolisées ( de 12,4 % à 8,9%) et ils
en consomment un tiers moins . Le vin de consommation courante en est la
principale victime, la consommation de vin s'est déplacé vers des
vins de qualité. Ce glissement qualitatif ne se retrouve que
partiellement dans les autres familles. Les spectaculaires croissances des
whiskies (7% de croissance par an en volume) et du champagne (multiplié
par 5 en quarante ans) se singularisent par rapport aux autres produits. Les
Cognacs ont aussi souffert que les Armagnacs de ce changement. Ce glissement
qualitatif ne concerne pas tous les Armagnacs et peut au contraire favoriser
les eaux-de-vie de haute qualité. Les whiskies haut-de-gamme
(premiums et superpremiums dans le jargon des limonadiers)
ont su fidéliser un public de néophytes devenus connaisseurs
comme en témoigne la création d'une revue
spécialisée (Whiskymag) et le dynamisme des amateurs de
whiskies sur la Toile avec une population jeune.
-le déclin des alcools forts purs
La haute teneur en alcool du produit écoeure une grande
partie de la population, en partie féminine (la moitié du
marché des consommateurs). Les produits alcoolisés sont
aujourd'hui plus doux, plus sucrés. Beaucoup des spiritueux se
consomment avec un liquide non alcoolisé, un « soft » (de
l'eau ou des jus de fruits) pour réduire la concentration d'alcool de la
boisson. La mode des cocktails dans les années 1980 a favoriser les
alcools blancs plus neutre en goût. Or, une consommation orthodoxe de
l'Armagnac commandant de boire pure l'eau-de-vie de raisin, communiquée
par les fabricants, n'a pas permis à d'autres types d'utilisation de se
développer.
50 Danielle Besson, INSEE, op. cit.
39
Le professionnels du marché ont eux, très
tôt pris conscience de ce changement des modes de consommation Cette
adaption à la demande des consommateurs se caractérise par
l'arrivée de nouveaux produits plus soft, très sucré,
à base d'alcool fort (malibu, smirnoff ice). La
création collective du Floc de Gascogne ou la mise sur le marché
de liqueurs à base d'Armagnac comme la Belle Sandrine ont
été des réponses pour s'adapter au marché de la
part des producteurs. L'impossibilité de financer une campagne
publicitaire à grande échelle et l'absence de
différenciation significative avec les autres produits expliquent en
partie leur place marginale sur le marché actuel. Elles n'ont pas en
aucun cas supplanté le produit original, l'Armagnac.
Le déclin du « pousse-café »
Les eaux-de-vie de vin se consomme traditionnellement pur,
parfois en accompagnement d'un café en fin de repas en France. La fin
des grands banquets, une cuisine plus rapide avec une durée de temps de
présence à table réduite peuvent être des
explications plausibles. Le digestif, pratique aux origines moyen-âgeuses
et à vocation curative apparaît aujourd'hui comme « ringarde
», et pas seulement à cause des politiques de lutte contre l'alcool
au volant. Les études de motivation d'achat51 de l'Armagnac
montrent que le mode de consommation est à 95% en digestif même
s'il n'est pas toujours exclusif -l'autre réponse majeure est «
pour la cuisine » »-. L'apéritif et les cocktails sont des
réponses marginales. Le Cognac connaît le même déclin
en France, ses ventes baissent de 2% par an. Nous pouvons considérer
cette même désaffection pour une consommation traditionnelle. Ce
changement de consommation implique-t-il forcément une mutation du
produit pour le réadapter au consommateur ou un travail marketing pour
renouveler l'image de la consommation sous cette forme traditionnelle ou sous
d'autres formes ? Les deux hypothèses se tiennent. Nous
étudierons les travaux réalisés par les professionnels sur
ces aspects dans la seconde partie de ce mémoire.
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