1.3 Les différentes explications d'une crise de
l'Armagnac
Lorsque nous évoquons une crise de l'Armagnac, nous
traduisons une baisse durable et quasi-ininterrompue des ventes depuis
l'année 1978. Une relative stabilisation apparaît ces cinq
dernières années46.
Nous traduisons aussi le malaise entretenu dans la
filière qui a conduit à des états généraux
sur l'Armagnac impliquant l'ensemble des acteurs de la filière. Essayer
d'expliquer les motifs de changement de comportement des consommateurs semble
un exercice périlleux, « des goûts et des couleurs »
chacun est libre de son choix. Il s'agit
46 cf. tableau supra
36
d'un ensemble de facteurs qui créent une
évolution des consommations. Une approche historique de l'histoire du
goût dans un temps long montre que ce changement a toujours existé
et qu'il existe une adaptabilité des sociétés à un
renouvellement des modes de consommation47. L'histoire de l'Armagnac
montre aussi une variation de la production liée aux aléas du
temps (phylloxera, guerres, mauvaises récoltes). La production
n'était-elle pas tombé à 1700 Hl AP en 1950, soit
près de dix fois moins qu'aujourd'hui ! Il n'existe donc pas toujours
une fatalité et une chute des ventes doit pouvoir s'expliquer pour
ensuite y remédier en apportant des modifications au produit et à
sa perception.
Dans une première sous partie, nous effectuerons une
typologie des acheteurs d'Armagnac (1.3.1). Puis, nous essaierons d'identifier
un ensemble de causes qui paraissent pertinentes sans être exhaustives
à l'origine de ce désaveu des consommateurs. Par souci de
clarté, nous les avons différenciées en deux types :
celles conjoncturelles et extérieres au monde de l'Armagnac(1.3.2) et,
au contraire, celles structurelles et propres à la filière
Armagnac (1.3.3).
1.3.1 Une tentative de typologie de l'acheteur
d'Armagnac
Avant d'essayer de comprendre pourquoi les acheteurs se sont
détournés du produit Armagnac, il semble essentiel d'essayer
d'identifier ces clientèles. Nous reprendrons les catégories de
Bernard Kayser puis nous en discuterons la pertinence.
1.3.1.1 La typologie de Bernard Kayser
Bernard Kayser identifie « à très grands
traits »48 trois types de clientèles pour le produit
Armagnac. Il se défend de toute subtilité et associe la
clientèle à « une image du produit ».
-La première catégorie concerne les
consommateurs qui boivent l'Armagnac « sans cérémonie »
dans les bars restaurants ou chez eux. Cet acheteur-type est peu soucieux
des
47 Notamment FLANDRIN J.-L., COBBI J.,
Tables d'hier, tables d'ailleurs, Odile Jacob, 1999
Jean-Louis Flandrin, « L'invention des grands vins
français et la mutation des valeurs oenologiques »,
Eighteenth-Century Life - Volume 23, Number 2, May 1999, pp. 24-33
ou
48 KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un
produit, un pays., op. cit., p.
37
différents aspects de la fabrication qui créent
des éléments de distinction entre les produits Armagnac. Il se
tourne vers les eaux-de-vie jeunes à des coûts modestes.
-La deuxième s'oppose à la première. Elle
distingue un consommateur connaisseur qui est attentif à tous les
éléments de distinction de l'Armagnac. Amateur de «
typicité et de raffinement », il perçoit (ou essaie de
percevoir) les nuances tant dans les caractéristiques du produit en
lui-même que dans la présentation et l'origine du produit. Il
entretient une relation avec le produit au-delà du contenu.
-La troisième catégorie est celle des
acheteurs-offreurs de cadeau qui voit dans le produit un élément
de distinction sans maîtriser les différentes nuances et
s'intéresse plus facilement aux « éléments
extérieurs des « qualités » des eaux-de-vie » :
terroir, « propriétaires », âge ou millésime.
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