La victime d'un harcèlement sexuel peut être
placée en arrêt de travail. Pendant ce temps, son contrat est
suspendu dans l'attente de sa réintégration. Si il a
été absent au moins 30 jours, sa réintégration est
subordonnée à un examen médical pratiqué par le
médecin du travail . Si l'arrêt de travail était de moins
de 30 jours, l'employeur devra informer le médecin du travail pour que
celui-ci apprécie l'opportunité d'organiser une visite
médicale. Il conviendra donc d'étudier le devenir du contrat de
travail en cas de réintégration ou d'impossibilité de
reclasser suite à un arrêt de travail (A).
Le salarié peut aussi, de son plein gré, choisir
de mettre fin à son contrat de travail en démissionnant (B), en
prenant acte de la rupture (C ) ou demander la résiliation judiciaire de
son contrat (D).
Tout arrêt de travail pour accident du travail d'au
moins 30 jours impose d'organiser une visite de reprise auprès du
médecin du travail (1) . En cas de reconnaissance d'une maladie
professionnelle liée au harcèlement sexuel, cette visite est
obligatoire et ceci, peu importe la durée de l'arrêt de
travail165. Le but de cet examen est de vérifier l'aptitude
du salarié à reprendre son poste de travail (2) ou d'envisager un
reclassement (3) qui, si il s'avère impossible, peut déboucher
sur une rupture du contrat de travail (4). Tant que cette visite n'a pas eu
lieu, le contrat de travail est réputé suspendu même si le
salarié a repris son poste et perçoit son
salaire166.
Concernant l'initiative de l'organisation de la visite, c'est
à l'employeur qu'elle incombe. Dès qu'il a connaissance d la fin
de l'arrêt de travail, il doit saisir le médecin du travail afin
de fixer une date d'examen et ce, même si le salarié refuse de
reprendre le travail167. Selon l'article R.4624-23 du Code du
travail, cette visite doit avoir lieu dans les 8 jours qui suivent la reprise
du travail par le salarié. L'employeur devra informer le salarié
de la date de cette visite par tout moyen.
En cas de carence de l'employeur, le salarié peut
prendre directement rendez-vous avec le médecin du travail et en
informer son employeur. A défaut d'information de l'employeur, cette
visite
166 ) Cass.Soc. 22 mars 1989, n° 86-43.655
L'employeur qui manque à son obligation d'organiser la
visite encourt des sanctions pénales prévues par l'article
L.4745-1 du Code du travail et peut être condamné à verser
des dommages et intérêts au salarié.
Si le salarié refuse de passer cette visite de reprise
sans motif légitime, l'employeur peut lui interdire de reprendre le
travail. Si le salarié persiste malgré les relances de
l'employeur, il commet une faute grave pouvant justifier son
licenciement169.
Le médecin du travail va, lors de cette visite, se
prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre le travail.
· Le salarié peut être
déclaré apte. Dans ce cas, il retrouve son
précédent emploi. Si il n'est plus disponible ou n'existe plus,
il doit être réintégré dans un emploi similaire
assorti d'une rémunération équivalente selon l'article
L.1226-8 du Code du travail, principe repris par la Chambre sociale le 25
février 1997170. L'emploi similaire est celui qui garanti un
poste de même niveau, sans impact négatif sur la
rémunération et la qualification du salarié 171.
Si le salarié refuse de reprendre le travail pour
lequel il a été déclaré apte , il commet un acte
d'insubordination. Si il persiste, il commet une faute grave pouvant justifier
un licenciement. Ceci semble courant pour les salarié victimes de
harcèlement sexuel qui appréhendent leur retour dans
l'entreprise. D'autres solutions s'offrent alors à eux.
· Le salarié peut être
déclaré apte avec réserves. Le salarié est
autorisé à reprendre son travail sous conditions. Le
médecin peut formuler des propositions individuelles
d'aménagement ou de transformation de poste172. En cas de
désaccord de l'employeur avec l'avis du médecin du travail, les
parties peuvent exercer un recours devant l'inspecteur du travail dans un
délai de deux mois173.
Si le salarié conteste la compatibilité de son
poste avec les recommandations du médecin du travail, l'employeur doit
saisir à nouveau ce dernier pour avis174.
Si l'employeur ne parvient pas à trouver un poste
compatible avec ces recommandations, il peut solliciter auprès du
médecin du travail une seconde visite en vue de constater l'inaptitude
du salarié.
168 ) Cass.Soc., 20 janvier 2010, N°08-44.240
169 ) Cass.Soc., 17 octobre 2000, n°98-46.334
170 ) Cass.Soc., 25 février 1997, n° 94-41.351
171 ) Cass.Soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152
172 ) Article L.4624-1 du Code du travail.
173 ) Articles L.4624-1 et R.4624-31 du Code du travail
174 ) Cass.Soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.629
68
Il ne peut cependant pas reclasser de sa propre initiative le
salarié sans tenir compte des préconisations
formulées175.
· Le salarié peut être
déclaré inapte. Dans ce cas, sauf en cas de danger
immédiat pour le salarié ou si, au cours des 30 jours
précédent cet examen , le salarié a
bénéficié d'une visite de pré-reprise, son
inaptitude médicale ne sera constatée qu'à l'issue d'une
seconde visite médicale.
Les deux examens seront espacés d'au moins deux
semaines. Bien souvent, lors de la première visite, le médecin du
travail fixe déjà la date de la seconde. Si ceci n'est pas fait,
l'employeur devra se charger de prendre ce rendez-vous.
Pendant cette période qui sépare les deux
examens le salarié doit rester à la disposition de son employeur
qui lui fournira du travail et le rémunérer normalement.
Si le médecin prononce finalement l'inaptitude du
salarié, il en informe les parties par écrit. Le salarié
qui travaillait encore doit cesser son activité et l'employeur doit
engager une procédure de reclassement. Cette décision peut
être contestée par le salarié et l'employeur dans un
délai de deux mois devant l'inspecteur du travail.
3) L'obligation de reclassement de
l'employeur
L'employeur peut donc être amené à
reclasser son salarié. L'employeur doit donc proposer un autre emploi et
ceci, peu importe que le salarié fusse sous contrat à
durée indéterminée176 ou
déterminée177. L'employeur ne peut jamais
échapper à son obligation de reclassement.
Lorsque l'inaptitude du salarié est d'origine
professionnelle notamment en raison des troubles psychiques liés au
harcèlement sexuel, les délégués du personnel
doivent être consultés. Cette consultation est postérieure
à la constatation régulière de l'inaptitude et
antérieure à la proposition de reclassement. Pour ce faire,
l'employeur devra fournir aux délégués un maximum
d'éléments afin qu'ils se prononcent en toute connaissance de
cause. Il peut être dispensé de cette obligation lorsqu'il
justifie de l'absence de délégués du personnel par un
procès-verbal de carence. En cas de licenciement pour inaptitude
d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement sans
consultation préalable des délégués du personnel ,
ce licenciement est réputé sans cause réelle et
sérieuse ce qui ouvre droit pour le salarié à des
indemnités178. Lorsque l'inaptitude est d'origine
professionnelle suite à un harcèlement sexuel notamment, et hors
réintégration, cette indemnité sera
175 ) Cass.Soc., 14 juin 2007, n°06-41.377
176 ) Articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail
177 ) Article L.1226-20 du Code du travail
178 ) Cass.Soc., 13 décembre 1995, n°92-44.490
69
alors égale aux 6 derniers mois de salaire si
l'intéressé a au moins 2 ans d'ancienneté et appartient
à une entreprise de 11 salariés et plus179. Ceci est
aussi applicable lorsque l'obligation de reclassement n'a pas été
respectée.
Cette consultation qui n'aurait pas eu lieu constitue aussi
un délit d'entrave aux fonctions des délégués du
personnel180.
Concernant le poste recherché par l'employeur, il doit
être approprié aux indications de l'avis du médecin du
travail et le plus ressemblant possible à l'emploi que le salarié
occupait précédemment. Après des actes de
harcèlement sexuel, le salarié peut être
véritablement fragilisé notamment par la prise de
médicaments du type antidépresseur. Il est alors possible de
recourir à des mutations, des transformations de poste ou des
aménagements du temps de travail selon les articles L.1226-2 et
L.1226-10 du Code du travail.
Le reclassement sera recherché parmi les postes
disponibles dans l'entreprise même ceux qui feraient l'objet d'un contrat
à durée déterminée181.
La recherche se fera alors dans l'entreprise ou dans les
entreprises du groupe parmi celles dont les activités, l'organisation ou
le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie
du personnel182.
Les propositions qui seront faites au salarié devront
être précises et notamment préciser la qualification, les
horaires et la rémunération183. La salarié sera
alors en droit d'accepter ou de refuser. Si il refuse, ceci ne constitue pas
une faute. L'employeur devra seulement reprendre les recherches et proposer
d'autres postes.
En cas d'absence de poste disponible, il pourra engager une
procédure de licenciement en raison de l'impossibilité de
reclassement184. Cependant, avant toute procédure de
licenciement, l'employeur doit informer le salarié de son
impossibilité de le reclasser. En cas de manquement à cette
obligation le salarié pourra percevoir des dommages et
intérêts réparant le préjudice
subi185.
4) L'éventuelle rupture du contrat
En cas de refus par le salarié ou d'impossibilité
de reclasser, l'employeur peut être amené à
179 ) Article 1235-3 alinéa 2 du Code du travail
180 ) Cass.Crim., 26 janvier 1993
181 ) Cass.Soc., 23 septembre 2009, n°08-44.060
182 ) Cass.Soc., 16 novembre 2011, n°10-19.518
183 ) Cass.Soc., 7 mars 2012, n°10-18.118
184 ) Cass.Soc., 26 janvier 2011, n°09-43.193
185 ) Cass.Soc., 9 mai 1990, n° 86-41.874
70
prononcer un licenciement ou la rupture anticipée du
contrat à durée déterminée.
Dans un contrat à durée
indéterminée, l'employeur doit respecter la procédure de
licenciement pour motif personnel prévue par les articles L.1232-1 et
suivants du Code du travail soit, convocation à un entretien
préalable, notification du licenciement plus de deux jours ouvrables
après l'entretien par lettre recommandée avec avis de
réception, assistance du salarié par une personne de son choix...
La lettre de licenciement devra mentionner l'inaptitude du salarié et
l'impossibilité de reclassement.
Si ce salarié est un salarié
protégé, il doit respecter la procédure spéciale
avec demande d'autorisation préalable à l'inspecteur du
travail186.
Concernant les indemnités, face à une
inaptitude d'origine professionnelle, l'employeur doit verser à son
salarié :
- une indemnité spéciale de
licenciement187
- une indemnité compensatrice d'un montant égal
à celui des salaires et avantages perçus s'il
avait travaillé pendant le préavis.
Ces indemnités ne seront pas dues si le refus du
salarié d'occuper un poste que l'employeur lui avait proposé est
abusif188. Dans ce cas, le salarié n'aura que
l'indemnité légale de licenciement.
Attention cependant au cas où l'employeur serait
à l'origine des faits de harcèlement sexuel. Dans ce cas
là, le licenciement prononcé par lui serait sans cause
réelle et sérieuse et ouvrirait droit à des
indemnités prévues par l'article L.1235-3 du Code du
travail189.
Dans un contrat à durée
déterminée, l'employeur peut rompre avant son
échéance ce contrat en cas d'impossibilité de reclassement
ou de refus du salarié190.
Aucune procédure n'est vraiment à respecter si
ce n'est que la formalisation de la rupture par écrit. Si le
salarié est un salarié protégé, l'employeur sera
tenu de respecter la procédure de licenciement spéciale avec
demande d'autorisation à l'inspecteur du travail.
Le salarié obtiendra tout de même dans le cas
d'une inaptitude liée à un harcèlement sexuel dans son
entreprise au double de l'indemnité légale de licenciement
puisque cette inaptitude est liée à un
186 ) Article L.2411-1 du Code du travail
187 ) L'article R.1234-2 du Code du travail prévoit que
cette indemnité ne peut être inférieure à
1/5ème de mois de salaire multiplié par le nombre d'années
d'ancienneté. S'y ajoutent 2/15ème de mois de salaire par
année au delà de 10 ans d'ancienneté.
188 ) Article L.1226-14, alinéa 2 du Code du travail
189 ) Supra
190 ) Article L.1226-20 du Code du travail
71
accident du travail ou à une maladie
professionnelle191. Cette indemnité peut être
proratisée si le salarié travaillait dans l'entreprise depuis
moins d'un an et s'ajoutera alors à l'indemnité de
précarité qui est en principe égale à 10% de la
rémunération due à
l'intéressé192.
B ) La démission du salarié
Parce que rester dans une entreprise où il a
été victime de harcèlement sexuel l'affecte toujours, le
salarié peut décider de démissionner.
Pour être valable la démission doit être
consentie librement par le salarié et être volontaire et
non-équivoque.
Ainsi, la volonté de démissionner ne peut pas
se présumer. Il faut donc que cette volonté soit expresse. Par
exemple, l'employeur ne pourra pas déduire de l'absence de son
salarié son envie de démissionner.
De plus, la démission ne peut pas être
équivoque. En effet, si le salarié dans sa lettre de
démission reproche à son employeur des faits, des manquements
à ses obligations contractuelles , ceci ne peut pas constituer une
démission. En effet, dans un arrêt de la Chambre sociale du 24
octobre 2001193, les juges ont décidé que la lettre de
démission adressée à l'employeur qui fait état de
griefs à son encontre, est équivoque. Ceci pourrait être
plausible dans le cas de faits de harcèlements sexuels qui motiveraient
une démission. Dans ce cas, la démission n'en est pas une et est
considérée comme une prise d'acte de la rupture. La «
démission » produit alors les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul pour le
salarié protégé.
Le salarié peut aussi remettre en cause sa
démission après sa notification dans un délai raisonnable.
Elle sera analysée, là aussi,, comme une prise d'acte et produira
les effets similaires. Il devra cependant rapporter la preuve que les faits
reprochés à l'employeur étaient antérieurs à
la rupture du contrat.
De tels comportements sont fréquents en cas de
harcèlement sexuel puisque le salarié fait état parfois
dans sa lettre de démission de ces faits délictuels qui
motiveraient sa décision de quitter l'entreprise.
Enfin, le consentement du salarié doit être
libre. Ceci découle de l'article 1109 du Code civil qui prévoit
que le consentement n'est pas valable si il est donné par dol, sous la
violence ou par erreur.
191 ) Article L.1226-20 du Code du travail
192 ) F.Lefebvre, Harcèlement et risques psychosociaux,
Ed.Francis Lefebvre, 2012
193 ) Cass.Soc., 24 octobre 2001, n° 99-45.579
72
A défaut de consentement valable, la démission
est alors nulle et devient un licenciement sans cause réelle et
sérieuse194. Ceci semble aussi très fréquent en
matière de harcèlement sexuel puisque l'employeur de mauvaise foi
peut être tenté de faire pression sur le salarié afin qu'il
quitte l'entreprise et que les faits de harcèlement sexuel ne
s'ébruitent pas. Le salarié en souffrance au travail peut
très bien se trouver dans un état psychique anormal et dans ce
cas, sa démission ne saurait être valable195.
Selon un arrêt de la Chambre sociale en date du 17 mars
2010196, le salarié doit choisir le terrain de contestation
sur lequel il va jouer. En effet, il ne peut pas invoquer un vice du
consentement et demander que cet acte de démission devienne une prise
d'acte en raison de griefs allégués.
Au niveau du formalisme, la démission n'est pas
soumise à la formation d'un écrit. Elle peut donc être
orale sans toutefois omettre l'expression de la volonté
non-équivoque du salarié. Il est tout de même
conseillé de faire un écrit qui constituera un moyen de
preuve.
Les conséquences de la démission sont la rupture
du contrat de travail et ce, sans accord préalable de l'employeur.
En cas de rétractation, cette dernière ne
produit aucun effet dès lors que la volonté de
démissionner a été établie et que l'employeur a
reçu la lettre de démission même si elle a eu lieu dans un
bref délai197. Seul l'employeur a le pouvoir d'accepter cette
rétractation et dès lors, le contrat de travail se poursuivra
normalement.
La démission n'ouvre droit à aucune
indemnisation pour le salarié. Néanmoins, si elle a
été contestée ou a fait l'objet de réserves, elle
peut être perçue comme un licenciement sans cause réelle et
sérieuse et les conséquences indemnitaires seront alors les
mêmes que pour une prise d'acte. Le salarié souhaitant
démissionner devra tout de même respecter un éventuel
préavis souvent présent dans les conventions collectives ou les
usages en vigueur dans l'entreprise.
Il se peut que le salarié touche des allocations
d'assurance chômage si, et seulement si, sa démission est
présumée légitime c'est à dire, intervenue à
la suite d'un acte délictueux dont le salarié affirme avoir
été victime lors de l'exécution de son contrat de travail
et si il a dépose une plainte auprès du Procureur de la
République. Ceci est tout à fait possible en matière de
harcèlement sexuel qui est un délit pénal et qui peut donc
justifier une telle plainte.
194 ) Cass.Soc., 10 novembre 1998 , N°96-44.299
195 ) Cass.Soc., 26 septembre 2006, n°05-40.752
196 ) Cass.Soc., 17 mars 2010, n°09-40.465
197 ) Cass.Soc., 13 juillet 1988, n° 85-45.798
73
C) La prise d'acte de la rupture
Le salarié peut aussi prendre acte de la rupture de
son contrat de travail ce qui aura pour effet de rompre immédiatement la
relation de travail. Ceci est possible lorsque l'employeur n'a pas
exécuté ses obligations en matière de prévention et
de protection contre les actes de harcèlement sexuel. Le salarié
victime peut alors considérer son contrat de travail comme rompu.
Aucun formalisme particulier n'est requis là non plus.
Il est conseillé de formuler un écrit afin qu'aucune
ambiguïté ne subsiste quant à la date de rupture. La prise
d'acte ne découle pas obligatoirement du salarié directement.
Elle peut être présentée par un conseil en son
nom198 à condition qu'elle s'adresse à l'employeur.
Ceci peut être intéressant lorsque la victime de
harcèlement sexuel fait appel à un conseil pour l'accompagner
dans ses démarche. Ceci peut être fort rassurant pour elle et d'un
réel soutien.
La prise d'acte entraîne la rupture du contrat de
travail.
Le salarié n'est pas tenu par un préavis
puisque la cessation du contrat est effective à la date de notification
de la prise d'acte. Dans le cas où cette prise d'acte est verbale, la
date de notification est celle où l'acte est notifié
verbalement.
Si le salarié a notifié sa décision par
un écrit par une lettre simple ou une lettre recommandée, il est
considéré que le contrat de travail est rompu à la date
d'envoi de ce courrier199.
Si l'employeur prononce un licenciement aux torts du
salarié postérieurement à la prise d'acte de la rupture,
ceci est sans incidence 200.
De plus, le salarié qui aurait pris acte de la rupture
de son contrat de travail ne pourra pas rétracter son acte valablement.
Dans ce cas, l'employeur pourra toutefois ne pas tenir compte de la prise
d'acte et poursuivre le contrat de travail.
La prise d'acte de la rupture suppose la saisine du juge qui
devra se prononcer sur la qualification de la rupture. Elle produira alors les
effets d'un licenciement si les manquements de l'employeur sont suffisamment
graves ou, les effets d'une démission dans le cas contraire.
En cas de reconnaissance d'une démission, aucune
indemnité de rupture ne sera allouée au salarié qui peut
être condamné à verser à son employeur une
indemnité compensatrice de préavis201
198 ) Cass.Soc., 4 avril 2007, n°05-42.847
199 ) Cass.soc.,4 avril 2006, n°04-44.540
200 ) Cass.Soc., 19 janvier 2005, n°02-41.113
201 ) Cass.Soc. 4 février 2009, n°07-44.142
74
et même des dommages et intérêts pour
rupture abusive.
En cas de reconnaissance d'un licenciement par les juges du
fond en raison de manquements graves de la part de l'employeur, cette prise
d'acte est considérée comme un licenciement sans cause
réelle et sérieuse ou, nul pour le salarié
protégé.
En matière de harcèlement sexuel ou même
moral, ces agissements justifient la rupture aux torts e l'employeur peu
important qu'il ait pris des mesures en vue de faire cesser les agissements
fautifs202 ou que l'auteur ait quitté
l'entreprise203. Le régime spécial de preuve en
matière de harcèlement trouve à s'appliquer ici : le
salarié doit seulement établir les faits de harcèlement
sexuel.
Le licenciement sans cause réelle et sérieuse
ouvre droit pour le salarié à l'indemnité de
préavis, l'indemnité de licenciement204 et même
des dommages et intérêts pour licenciement
abusif205.
Cependant, en matière de harcèlement sexuel ou
moral, le Code du travail prévoit que toute rupture du contrat de
travail en raison de faits de harcèlement est nulle. La Cour de
cassation semble fort hésitante en la matière. En effet, dans un
arrêt elle a décidé que la rupture devait produire les
effets d'un licenciement sans cause réelle et
sérieuse206 et dans une autre affaire que la prise d'acte
était assimilée à un licenciement nul207. Cette
nullité entraînerait alors la possibilité pour le
salarié de demander sa réintégration dans l'entreprise
mais ceci semble peu probable si il a été victime de
harcèlement sexuel.
D ) La résiliation judiciaire du contrat
Ici, le salarié victime de harcèlement sexuel
peut demander au Conseil de prud'hommes de prononcer la rupture du contrat de
travail. Il devra fonder sa demande sur les éventuels manquements de
l'employeur à son obligation de prévenir les actes de
harcèlement sexuel et de faire cesser cette situation.
Pendant le déroulement de cette procédure, le
contrat de travail se poursuit selon des conditions normales. Cependant,
l'employeur peut prononcer un licenciement entre l'introduction de la demande
et la solution donnée. Dans ce cas particulier, le juge devra rechercher
dans un premier temps si la demande de résiliation était
justifiée et si elle ne l'est pas, il pourra se prononcer sur le
202 ) Cass.Soc. 3 février 2010, n°08-44.019
203 ) Cass.Soc.26 septembre 2012, n°11-21.003
204 ) Supra
205 ) Cass.Soc., 28 septembre 2011, n°09-67.510
206 ) Cass.Soc., 3 février 2010, n°08-44.019
207 ) Cass.Soc., 28 septembre 2011, n°10-18.520
75
licenciement notifié par l'employeur208. Le
salarié peut tout de même demander au juge de statuer à
titre principal, sur le bien-fondé de son licenciement, sans examiner
préalablement la demande de résiliation209.
Les juges du fond seront aussi amenés à
rechercher si les manquements invoqués par le salarié lors de la
demande de résiliation sont d'une gravité suffisante pour
justifier cette rupture du contrat de travail. Ils disposent donc d'un pouvoir
souverain sauf en matière de harcèlement moral ou sexuel. En
effet, dans ce cas un tel agissement justifie bien évidemment la
résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.
En se basant seulement sur le manquement à
l'obligation de sécurité de résultat210 dont
l'employeur est tenu, la victime de harcèlement sexuel est fondée
à demander la résiliation de son contrat aux torts de l'employeur
qui aurait manqué à son obligation211 et ce, sauf si
l'auteur du harcèlement a quitté l'entreprise. En matière
de prise d'acte, la solution est toute contraire sur ce dernier point.
Si le juge prononce la résiliation judiciaire, elle
prend effet au jour de la décision qui la prononce212.
Cette résiliation produit les effets d'un licenciement
sans cause réelle et sérieuse213. L'employeur devra
donc verser une indemnité compensatrice de préavis214,
une indemnité de congés payés 215et des
dommages et intérêts pour licenciement abusif. Le salarié
aura aussi droit aux allocations de chômage.
En cas de rejet de la demande par les juges, le contrat de
travail se poursuit et l'employeur ne pourra prononcer le licenciement de son
salarié en prenant pour motif cette demande.
208 ) Cass.Soc., 16 février 2005, n°02-46.649
209 ) Cass.Soc., 26 septembre 2012, n°11-14.742
210 ) Supra
211 ) Cass.Soc., 21 février 2007, n°05-41.741
212 ) Cass.Soc., 14 octobre 2009, n° 07-45.257
213 ) Cass.Soc., 20 janvier 1998, n°95-43.350
214 ) Cass.Soc., 28 avril 2011, n°09-40.708
215 ) Cass.Soc., 2 décembre 2003 , n°01-46.229