Section 2) Les responsabilités pouvant
être engagées
Devant le Conseil de prud'hommes et la juridiction
pénale, plusieurs responsabilités peuvent être
engagées et ce, séparément ou conjointement. La victime
d'un harcèlement sexuel peut obtenir la réparation de son
préjudice en réclamant des dommages et intérêts
auprès de l'auteur du harcèlement et/ou de l'employeur puisque
l'engagement d'une de ces responsabilité n'exonère pas l'autre.
Ainsi, la responsabilité du salarié auteur du harcèlement
sexuel peut être engagée (A) , ainsi que celle de l'employeur (B)
mais non pas celle de l'entreprise, personne morale (C).
132 ) Cass. Soc., 11 février 2009, n°06-45.897
133 ) Article L.1332-2 du Code du travail
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A) La responsabilité du salarié auteur
du harcèlement
Est ici visée la situation lors de laquelle l'auteur du
harcèlement est un salarié et non pas l'employeur. Il peut
s'agir, à titre d'exemples, du harcèlement sexuel
opéré par un supérieur hiérarchique sur un
salarié de l'entreprise ou encore d'un salarié qui
harcèlerait son collègue.
Étant donné qu'aucun contrat ne lie alors la
victime et son harceleur, il semblerait que la responsabilité civile
délictuelle puisse être mise en oeuvre. L'article 1382 du Code
civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause
à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ». Il importe donc peu que
la faute soit intentionnelle ou non puisque la responsabilité de
l'auteur pourra tout de même être engagée en raison du
préjudice qu'il a causé.
Ensuite, les articles L.4122-1 et L.1152-1 du Code du travail
ont trouvé à s'appliquer afin de retenir la responsabilité
du salarié auteur dans un arrêt de la Chambre sociale en date du
21 juin 2006 134. Cette décision a admis qu' « engage sa
responsabilité personnelle à l'égard de ses
subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des
agissements répétés de harcèlement moral. ».
En appliquant ces articles du Code du travail et non pas l'article 1382 du Code
civil, les juges ont été contraints de se baser sur le
caractère intentionnel de la faute. Il semble qu'une solution similaire
aurait pu être retenue en matière de harcèlement sexuel.
La victime pourra donc engager la responsabilité civile
du salarié harceleur ainsi que sa responsabilité pénale
puisque dans cette matière chacun est responsable de son propre fait.
De plus, le salarié harceleur pourra aussi très
bien recevoir une sanction disciplinaire de la part de son
employeur135.
B) La responsabilité de l'employeur
La responsabilité de l'employeur peut être
engagée sur le principe de la responsabilité contractuelle dans
la mesure où l'article L.1221-1 du Code du travail dispose que «
le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun
». Il convient de noter qu'en matière de
responsabilité, le régime contractuel prime sur le régime
délictuel et de ce fait, en cas d'inexécution contractuelle,
seule la responsabilité contractuelle sera engagée.
L'employeur est responsables des obligations contractuelles
dont il est tenu par le biai du contrat de travail le liant à son
salarié. En matière de harcèlement sexuel et de risques
psychosociaux de manière général, l'employeur pourra donc
voir sa responsabilité engagée sur le fondement de
134 ) Cass.Soc., 21 juin 2006, n°05-43.920
135 ) Supra
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l'exécution de bonne foi du contrat et sur l'obligation
de sécurité de résultat. L'exécution de bonne foi
du contrat repose sur l'existence de conditions de travail convenables et
l'obligation de sécurité de résultat repose sur la
protection de la santé physique et mentale des salariés.
En cas de harcèlement sexuel, la responsabilité
civile de l'employeur est nécessairement engagée même si il
n'est pas l'auteur des faits fautifs et ce, en vertu de son obligation de
sécurité de résultat. L'absence de faute de l'employeur
n'empêche pas sa condamnation à verser des dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi par la
victime 136 et ce, même si il avait pris des mesures pour
faire cesser le harcèlement 137 .
Un arrêt important de la Chambre sociale du 6 juin 2012
a décidé que l'obligation pour l'employeur de prendre des mesures
de prévention du harcèlement et l'interdiction du
harcèlement à l'encontre de certains salariés sont des
obligations distinctes et que de ce fait, la méconnaissance de chacune
de ces obligations peut ouvrir droit à des réparations
spécifiques, à condition que le salarié justifie de
préjudices distincts. Autrement dit, la double indemnisation n'est pas
automatique.
Enfin, la responsabilité de l'employeur peut être
retenue lorsque le harceleur n'est pas un salarié de l'entreprise mais
une personne extérieure pouvant exercer une autorité de fait sur
les salariés . Tel est le cas d'un formateur extérieur qui
viendrait former les salariés de l'entreprise.
C) La responsabilité de l'entreprise
écartée
L'entreprise peut être mise en cause sous certaines
conditions. Les infractions pénales commises par une personne physique
ayant la qualité d'organe ou de représentant d'une personne
morale engagent la responsabilité pénale de cette personne morale
si ces infractions ont été commises pour son
compte138.
Le représentant de la personne morale est le chef
d'entreprise mais aussi le salarié qui dispose de certains pouvoirs qui
lui ont été délégués139.
En théorie, toutes les infractions peuvent engager la
responsabilité de la personne morale si les conditions sont
réunies.
Cependant, en pratique, les choses sont quelques peu plus
complexes. En effet, certaines infractions telles que le harcèlement
sexuel ou même l'agression physique, ne devraient pas être
considérées comme commises pour le compte de l'entreprise. Il n'y
a en effet, pour ces infractions,
136 ) Cass.Soc., 21 juin 2006, n°05-43.903
137 ) Cass.Soc., 7 juin 2011, n° 09-69.903
138 ) Article 121-2 du Code pénal
139 ) Cass.Crim., 15 mai 2007, n°05-87.260
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aucun intérêt pour l'entreprise .
Néanmoins, cette responsabilité peut aussi
être mise en oeuvre lorsque sont prises des mesures discriminatoires
à l'encontre de la victime ou du témoin de harcèlement
sexuel pour ce qui nous intéresse ici.
Afin de compléter ces propos, il peut être utile
de rajouter que concernant le harcèlement moral, la mise en jeu de la
responsabilité de la personne morale semble envisageable notamment
lorsque ce harcèlement est la conséquences de méthodes de
gestion puisque réalisées pour le compte de l'entreprise .
De plus, la responsabilité pénale de
l'entreprise, personne morale, peut se cumuler avec celle de la personne
physique qui aurait commis l'infraction pour son compte au sens de l'article
121-1 du Code pénal. Ce principe connaît tout de même une
exception : si la personne physique est auteur d'un dommage lié à
une faute d'imprudence de négligence ou de manquement à une
obligation de sécurité, seule la responsabilité de la
personne morale sera engagée. Ceci semble tout de même peu
applicable en matière de harcèlement sexuel puisque même si
il peut s'agir d'un manquement à une obligation de
sécurité , la responsabilité de la personne morale ne
saurait être engagée car, comme dit plus haut, le
harcèlement sexuel ne semble pas entrer dans les conditions de l'article
121-2 du Code pénal.
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