PARTIE II ) Les mesures de protection
postérieures aux
actes de harcèlement sexuel
Par le biai de l'alerte du salarié, du témoin ou
des institutions représentatives du personnel86 , des actes
de harcèlement sexuel peuvent être signalés et donc
réprimés. Cependant, il convient avant toute décision que
ces faits soient effectifs ; ils doivent pour cela être analysés.
L'employeur aura alors la tâche d'analyser les causes de la survenance de
tels agissements, de les caractériser correctement et de ne surtout pas
écarter la qualification de harcèlement sexuel qui peut, aux
premiers abords, surprendre et effrayer.
L'ANI du 26 mars 201087 sur le harcèlement
et la violence au travail prévoit une procédure pouvant
être mise en place afin d'identifier, de comprendre et de traiter les
phénomènes de harcèlement et de violence dans
l'entreprise. Elle prévoit donc le respect de l'anonymat des parties, un
traitement de la situation dans les plus brefs délais, le traitement
équitable des parties, le recueil d'informations suffisamment
précises et concrètes ainsi qu'une discrétion sans
faille88.
Une fois les faits caractérisés , il conviendra
de prendre des mesures de répression (Chapitre I) puisqu'il en va de la
logique que tout acte répréhensible doit être
sanctionné puis, il conviendra aussi de s'intéresser au devenir
du salarié victime de ces faits délictueux (Chapitre II).
42
86 ) Supra
87 ) Supra
88 ) Article 4.2 de l'ANI du 26 mars 2010 / Annexe 1
43
Chapitre I ) La répression des agissements de
harcèlement sexuel
Une fois, le délit de harcèlement sexuel
constaté ou même rapporté , la victime souhaitera
forcément que « justice soit faite » et entendra obtenir une
réparation pécuniaire même si aucune somme d'argent ne peut
véritablement ni réparer, ni effacer le préjudice subi
notamment d'un point de vue psychologique. Il aurait pu être envisageable
de mettre en place une procédure de médiation entre la victime et
son harceleur de manière à permettre la poursuite du contrat de
travail du salarié dans des conditions plus sereines mais, ce moyen est
uniquement applicable aux cas de harcèlement moral . En effet, les
autres risques psychosociaux ne sont pas visés par les textes et ne
peuvent donc pas faire l'objet d'une telle procédure de faveur. C'est
donc le cas du harcèlement sexuel qui ne peut faire l'objet que de
contentieux ou entraîner des mesures disciplinaires (Section 1) avec la
mise en jeu de responsabilités diverses (Section 2) .
Section 1) Les procédures de répression
La victime de harcèlement sexuel ou de
réalisation de risques psychosociaux en général peut
engager une action judiciaire devant les juridictions civiles et/ou
pénales. L'action civile se fera devant le Conseil de prud'hommes (A) et
l'action pénale devant le tribunal correctionnel (B) . Ces deux
procédures ont toutes deux des portées différentes. Tandis
que la première a pour but la réparation du dommage, la
deuxième, quant à elle, a pour but la condamnation de la personne
qui se serait rendue coupable d'agissements répréhensibles et
l'attribution de dommages et intérêts pour la victime .
De plus, hors du contentieux, la répression peut
être mise en mouvement avec une procédure disciplinaire à
l'encontre de l'auteur des faits de harcèlement sexuel par l'employeur
en vertu de son pouvoir disciplinaire (C ).
A ) Le recours devant le Conseil de
prud'hommes
Le Conseil de prud'hommes est compétent pour
connaître de tous les litiges nés à l'occasion du contrat
de travail89. Il peut donc faire cesser les agissements fautifs dont
fait partie le harcèlement sexuel et octroyer des
dommages-intérêts90.
89 ) Article L.1411-1 du Code du travail
90 ) Cass. Soc., 18 juin 2002, n° 00-44.483
44
D'ailleurs, il existe des règles spécifiques
concernant les actions en justice en matière de harcèlement.
Ainsi, les règles de preuve sont aménagées et les
syndicats peuvent mener une action en faveur de la victime . Ces règles
ne régissent que le harcèlement et non pas les autres risques
psychosociaux qui, eux, restent soumis aux règles de droit commun telles
que la charge de la preuve qui pèse sur le demandeur91, par
exemple.
Concernant l'initiative du recours, l'action en justice est
ouverte à tout salarié qui s'estime victime d'un
harcèlement sexuel , qu'il l'ait subi ou qu'il ait refusé de le
subir ou le salarié victime de discriminations suite à ces actes
ou suite au témoignage qu'il aurait apporté. De plus, tout
candidat à un emploi, à un stage ou à une période
de formation dans l'entreprise peut intenter une action devant le Conseil de
prud'hommes92.
Cette action peut être introduite dans les 5 ans qui
suivent les agissements délictueux selon l'article 2224 du Code civil.
Le point de départ de ce délai court à compter du dernier
acte de harcèlement de l'auteur présumé93.
Ensuite, cette action peut attraire la personne de l'employeur
en raison notamment de sa responsabilité civile engagée au
moindre risque psychosocial réalisé, même si il n'en est
par l'auteur. L'action peut aussi attraire l'auteur présumé du
harcèlement peu importe qu'il soit un salarié puisque le Conseil
de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges entre deux
salariés94. Enfin, l'action peut aussi être faite
à la fois, à l'encontre de l'employeur et d'un salarié.
Ensuite, concernant la particularité du régime
de règlement du contentieux concernant des faits de harcèlement,
les organisations syndicales ont leur rôle à jouer.
En effet, les organisations syndicales représentatives
dans l'entreprise peuvent exercer en justice des actions relatives à un
harcèlement moral ou sexuel. Cependant, il faudra qu'elles aient un
accord écrit de la victime. Cette dernière pourra toujours
intervenir à l'instance engagée par le syndicat ou même y
mettre fin95.
Mais, si le salarié ne donne pas son accord, est-il
possible que le syndicat engage une action en justice dans
l'intérêt collectif de la profession ? Ceci est, de manière
générale, possible et réservé à tout
syndicat professionnel qui exercera alors une action devant la juridiction de
son choix. Il faudra cependant que les faits portent un préjudice direct
ou même indirect à l'intérêt collectif de la
profession représentée. Or, petite subtilité, une telle
action a été refusée en matière de viol et de
91 ) Article 1315 du Code civil
92 ) Article L .1154-1 du Code du travail
93 ) TFPUE, 8 février 2001 , affaire 59/09
94 ) Article L.1411-3 du Code du travail
95 ) Article L.1154-2 du Code du travail
45
harcèlement sexuel et ce, parce que les faits fautifs
ne portaient pas atteinte à l'intérêt collectif de la
profession96. Ce mode dérogatoire ne semble donc pas
applicable au harcèlement sexuel étudié ici.
Puis, concernant la charge de la preuve, un régime
particulier au harcèlement a été instauré. Trois
temps composent ce régime.
L'article L.1154-1 du Code du travail prévoit dans un
premier temps qu'en cas de litige relatif à un harcèlement
sexuel, c'est au plaignant d'établir les faits qui permettent de
présumer l'existence d'un harcèlement.
Ensuite, il incombera ensuite à la partie
défenderesse (soit l'employeur et/ou le salarié
présumé harceleur) de prouver que ces agissements ne sont pas
constitutifs d'un harcèlement sexuel et que si des décisions ont
été prises , qu'elles sont justifiées par des
éléments objectifs étrangers à tout
harcèlement97.
Enfin, le juge formera sa conviction après avoir
ordonné toutes les mesures d'instruction utiles en cas de besoin.
L'innovation tient ici en ce que la charge de la preuve du
harcèlement ne pèse pas sur le salarié victime puisque ce
dernier n'est tenu que de rapporter des faits qui permettraient de
présumer l'existence d'un harcèlement sexuel. De ce fait, le juge
ne peut pas demander au salarié de rapporter la preuve d'un lien de
causalité entre les agissements et d'éventuels problèmes
de santé98. Selon un arrêt de la Chambre sociale en
date du 19 octobre 2011, il appartient aux juges du fond de dire si tous les
faits présentés par le salarié, dès lors qu'ils
sont établis, et seulement ceux-là, pris dans leur ensemble sont
de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement
moral (en l'espèce), puis de vérifier si les
éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que
les agissements litigieux sont étrangers à tout
harcèlement. Les dires du salarié victime ont donc une place de
premier choix ici puisque seules des allégations motivées de
l'employeur ou du salarié présumé harceleur peuvent les
renverser , le tout sous le regard appréciatif du juge.
Enfin, seuls la victime, le témoin et le syndicat
(lorsqu'il exerce son action de substitution) peuvent se prévaloir de
cet aménagement de la charge de la preuve et ce, seulement face à
un cas de harcèlement.
Au niveau des éléments de preuve, ils doivent
être précis et circonstanciés99. De simples
allégations ne sont pas valables. Il faut donc des
éléments objectifs tels que des témoignages de
96 ) Cass. Crim., 23 janvier 2002, n° 01-83.559
97 ) Cass.Soc., 24 septembre 2008 et 22 mars 2011
98 ) Cass.soc., 30 avril 2009, n°07-43.219
99 ) CA Toulouse, 16 mars 2000 , n°98-3965
46
collègues, de tiers, des certificats médicaux...
En matière de harcèlement sexuel, des témoignages
recueillis au cours d'une enquête pénale auprès de
salariés et de clients de l'entreprise attestant que le comportement et
l'attitude du dirigeant étaient souvent déplacés ou, en
tout cas, ressentis comme tels par le personnel et la clientèle
féminins ont été considérés comme
présumant l'existence d'un harcèlement sexuel100. Une
même présomption a été retenue pour des SMS
adressés par l'employeur à sa salariée.
Cependant, selon un arrêt de la Cour d'appel de Paris du
13 décembre 2007 (n°06-7969) le salarié n'a produit aucun
élément permettant de présumer de l'existence d'un
harcèlement sexuel lorsqu'il produit seulement ses propres courriers et
réclamations.
Il est donc aisé de remarquer que les juges
désirent des éléments véritablement concrets et
objectifs. Le juge doit tenir compte de l'ensemble des éléments
évoqués et ne pas examiner isolément chaque fait
101. Le risque à examiner chaque fait de manière
isolée est d'écarter un à un les éléments
comme non probants alors qu'ensemble, une fois ajoutés les uns aux
autres ils forment un tout caractérisant un harcèlement.
La réparation du préjudice peut se faire par
l'octroi de dommages et intérêts auprès de l'employeur
et/ou du salarié harceleur. Des indemnités peuvent donc
être versées par ces deux personnes car la reconnaissance de la
responsabilité civile du salarié auteur du harcèlement
n'exonère pas l'employeur de sa propre responsabilité. Aucune de
leurs responsabilités n'est exclusive l'une de l'autre. Ces
responsabilités seront étudiés
ultérieurement102.
B) Le recours devant la juridiction pénale
Dans le cadre du procès pénal, le harceleur peut
être condamné à une peine d'amende et d'emprisonnement. Il
convient toute fois de déterminer si les faits peuvent être
poursuivis (1) et comment engager les poursuites (2).
1) Les faits justifiant l'action
pénale
Les faits justifiant une action pénale doivent
être prévus dans un text : l'infraction doit être
définie légalement . Une telle exigence s'explique par le fait
que le harceleur devait être en mesure de savoir que les actes qu'il a
commis étaient prohibés et susceptibles d' engager sa
responsabilité pénale. Il est possible de citer à titre
d'exemple les injures, les diffamations, les menaces de
100) CA Paris, 28 septembre 2011, n°10-4073
101) Cass.soc., 7 juin 2011, n°09-69.903
102) Infra Titre II, Chapitre I, Section II
47
commettre un crime ou un délit, les
harcèlements, les blessures ou homicide involontaires, les
discriminations...
Concernant, le harcèlement sexuel , cette notion a
été très controversée.
En effet, une décision de la Chambre criminelle du 29
février 2012 a considéré que présentait un
caractère sérieux au regard de la légalité des
délits et des peines, la QPC portant sur l'article 222-33 du Code
pénal103 en ce que la définition du harcèlement
sexuel pourrait être considérée comme insuffisamment claire
et précise, dès lors que le législateur s'est abstenu de
définir le ou les actes qui doivent être regardés,au sens
de cette qualification, comme constitutifs de harcèlement sexuel.
Le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a
délivré une décision QPC constatant que les dispositions
de l'article 222-33 du Code pénal étaient contraires à la
Constitution comme méconnaissant le principe de légalité
des délits et des peines, en ce qu'elles permettent que le délit
de harcèlement sexuel soit punissable sans que les
éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment
définis. Ainsi, le texte a été abrogé à
compter du jour de la publication de la décision soit, le 5 mai 2012.
Les affaires qui n'étaient alors pas jugées
définitivement104 se sont heurtées à cette
abrogation.
Le Ministère de la Justice a invité les
magistrats à ne plus appliquer les règles de droit du travail
relatives au harcèlement sexuel au risque qu'elles fassent elles aussi
l'objet d'une QPC, soient abrogées et mettent en péril la
sécurité juridique déjà mise à
mal105. Un vide juridique cuisant régnait alors et afin de le
combler tant bien que mal , le Ministère de la justice a tenté de
le compenser par des mesures106 :
- les juridictions d'instruction ou de jugement qui avaient
été saisies de poursuites pour harcèlement sexuel,
avant la décision QPC, pouvaient requalifier les faits lorsque ceci
était possible en délit de violence, de harcèlement moral,
d'agression sexuelle.
- Les victimes qui ne pouvaient voir les faits
requalifiés avaient le droit, sur le fondement de l'article 1382, de
saisir le juges civil afin d'être indemnisées.
- La victime pouvait , lorsqu'elle avait déjà
saisi la juridiction répressive pour des faits de harcèlement
sexuel, demander directement à la juridiction des
dommages-intérêts réparant son préjudice et les
remboursement de ses frais de procédure non pris en charge par
l'État 107.
Les poursuites et les condamnations pour délit de
harcèlement sexuel ont alors été impossibles
103) L'article 222-33 du Code pénal était alors
rédigé ainsi : « Le fait de harceler autrui dans le but
d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et
de 15 000€ d'amende »
104) Toutes celles dont les voies de recours n'étaient
pas encore expirées.
105) Circ. Crim 10.780 du 10 mai 2012
106) Circ. Crim 2012-15 du 7 août 2012
107) Cette faculté est prévue par l'article 12 de
la loi 2012-954 du 6 août 2012 et permet à la victime de gagner du
temps et de ne pas engager de nouveaux frais pour la saisine du juge civil.
48
entre le 5 mai 2012 et le 8 août 2012, date
d'entrée en vigueur du nouvel article 222-33 du Code pénal ,
définissant de manière plus précise ce délit.
Parfois, un même comportement peut être
réprimé par plusieurs textes qui entrent alors en conflit. Il
convient alors de déterminer lequel sera applicable.
A titre d'exemple, il est possible de considérer
l'interdiction de sanctionner ou de licencier un salarié qui aurait
refusé de subir des faits de harcèlement sexuel. L'article
L.1153-2 du Code du travail et l'article 225-1-1 du Code pénal entrent
en conflit. Le Code du travail prévoit alors une amende de 3 750€
et un emprisonnement d'un an tandis que le Code pénal prévoit une
amende de 45 000€ et un emprisonnement maximal de trois ans. Selon une
circulaire du 7 août 2012, la sanction la plus sévère est
appliquée. C'est donc la sanction prévue par le Code pénal
qui sera appliquée ici.
2) La procédure
Dans un premier temps , il est possible de déposer une
plainte simple. De manière générale celle ci s'effectue au
bureau de police ou de gendarmerie le plus proche. Après enquête,
cette plainte est remise au Procureur de la République qui
décidera de la suite à donner108. Cette plainte peut
aussi être adressée par la victime directement au Procureur, par
écrit et ce, en vertu des articles 40 et 40-1 du Code de
procédure pénale.
Puis, il est possible de porter plainte avec constitution de
partie civile. Celle-ci est faite par écrit devant le juge d'instruction
compétent et ne concerne que les crimes et les délits. La
contravention est exclue. En matière de délit, cette plainte
n'est recevable qu'après le dépôt d'une plainte simple que
le Procureur aurait classé sans suite ou laissé sans
réponse durant plus de trois mois109.
De plus, la victime peut également faire citer
directement l'auteur présumé du délit devant la
juridiction pénale. La victime devra alors faire établir un acte
d'huissier l'invitant à se présenter devant cette
juridiction110.
Il semble utile de rajouter que la juridiction
compétente est le tribunal correctionnel en matière de
délits tels que le harcèlement sexuel. Ce tribunal
compétent est celui du lieu où l'infraction a été
constatée ou commise ou du lieu de résidence de la personne
poursuivie. En matière de délits, est
108) Poursuites pénales, mesure alternative (sauf la
médiation puisqu'elle est non-applicable en matière de
harcèlement sexuel) ou classement sans suite.
109) Articles 85 et suivants du Code de procédure
pénale
110) Articles 390 et suivants du Code de procédure
pénale pour les délits / Articles 550 et suivants du Code de
procédure pénale pour les contraventions.
49
également compétent le tribunal du lieu
d'arrestation ou de détention111.
De plus, l'action publique se prescrit par 3 ans pour les
délits tels que le harcèlement sexuel. Cette prescription peut
être interrompue en cas de poursuite ou d'instruction112 comme
une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe.
Cependant, une plainte simple adressée au Procureur ne constitue pas un
acte de poursuite de de ce fait, n'interrompt pas le cours de la
prescription113.
Par la suite, le juge pénal ,dans son intime
conviction, pourra , au vu des preuves, décider si la personne
poursuivie est coupable de l'infraction. En matière pénale,
l'aménagement des règles de preuve en faveur des personnes
victimes d'un harcèlement114 est
inapplicable115.
L'infraction peut être établie par tout mode de
preuve. Cependant, ces preuves doivent avoir été discutées
contradictoirement devant lui.
Ensuite, petite particularité du recours au
pénal, les preuves produites par les parties, obtenues de manière
déloyale ou illicite, ne sont pas écartées. La Chambre
criminelle de la Cour de cassation affirme qu'aucune disposition légale
ne permet au juge répressif d'écarter pour ce seul motif un moyen
de preuve et qu'il lui appartient seulement d'en apprécier la valeur
probante après débat contradictoire 116. Un
enregistrement d'images ou de conversations, effectué à l'insu de
l'employeur ou du salarié auteur peut donc être recevable.
Enfin, étant donné que la décision
pénale s'impose au juge civil, la juridiction civile saisie d'une
demande en réparation du dommage causé par une infraction devra
surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge
répressif.
C) Le recours à une mesure
disciplinaire
En vertu de son obligation de sécurité de
résultat, l'employeur se doit de mettre fin à toute situation
engendrant des cas de souffrance au travail. Il peut donc sanctionner l'auteur
des faits et le licencier (2).
Tout d'abord, seul un comportement fautif peut faire l'objet
d'une sanction disciplinaire mise en oeuvre par l'employeur (1). C'est donc le
cas du comportement qui porte atteinte à la santé physiques et
morale des salariés.
111) Articles 381, 382, 521 et 522 du Code de procédure
pénale
112) Article 7 du Code de procédure pénale
113) Cass. Soc., 11 juillet 2012 , n° 11-87.583
114) Article L.1154-1 du Code du travail , Supra
115) Cons. Const. 12 janvier 2002, n° 2001-455 DC
116) Cass. Crim., 11 juin 2002 , n°01-85.559
1) 50
Les faits fautifs
L'employeur demeure libre concernant le choix de la sanction
mais elle doit tout de même être proportionnelle à la faute
commise sous peine d'annulation par le juge. De plus, lorsqu'un
règlement intérieur est en vigueur dans l'entreprise, l'employeur
ne peut pas prononcer d'autres sanctions que celles qui y sont
prévues117. Les sanctions pécuniaires sont interdites
par l'article L.1331-2 du Code du travail.
La loi dispose que tout salarié ayant
procédé à des actes de harcèlement sexuel est
passible d'une sanction disciplinaire118.
La Cour de Cassation considère que les faits de
harcèlement sexuel commis par un salarié sont de nature à
rendre impossible le maintien de leur auteur dans l'entreprise et constitue
nécessairement une faute grave119. Il y a donc ici une
véritable protection du salarié victime et une véritable
sévérité envers un salarié présumé
harceleur. Sa présence dans l'entreprise est rendue impossible ; il
n'est même pas possible de simplement séparer les deux
salariés120.
Une fois que le harcèlement sexuel est établi,
l'employeur est fondé à licencier l'auteur de ces agissements
après lui avoir notifié une mise à pied conservatoire , au
besoin. Cependant, il n'est pas obligé de prononcer une sanction d'une
telle dureté. Il peut aussi choisir de prononcer une mutation
disciplinaire121, une rétrogradation122 ou une
mise à pied disciplinaire123. Le juge n'a alors pas son mot
à dire concernant la sanction et ne peut ni aggraver la sanction
donnée , ni ordonner le licenciement de l'auteur 124.
L'employeur engagera tout de même sa responsabilité pour
manquement à son obligation de prévention du harcèlement
s'il ne prend pas les mesures adaptés visant à faire cesser ces
faits et si il a permis que de tels comportements persistent.
2) La sanction disciplinaire
Afin de sanctionner un salarié, l'employeur doit
respecter des règles en matière disciplinaire. Selon l'article
L.1332-4 du Code du travail, la procédure disciplinaire doit être
engagée dans les deux mois qui suivent la date à laquelle
l'employeur a eu connaissance des faits délictueux. Si
117Cass. Soc., 26 octobre 2010 , n°09-42.740
118) Article L.1153-6 du Code du travail
119) Cass. Soc., 5 mars 2002, n°00-40.417 et 24 septembre
2008, n°06-46.517
120 ) Cass. Soc., 24 octobre 2012, n° 11-20.085
121 ) CA Douai, 30 juin 2009, n°09-356
122 ) CA Metz, 27 mai 1997 , n° 96-3038
123 ) Cass. Soc., 2 février 2011 , n°09-42.824
124 ) Cass. Soc., 1er juillet 2009 , n°07-44.482
51
l'employeur tarde à prononcer sa sanction , il ne pourra
plus se prévaloir de la faute grave125. L'engagement de la
procédure peut être engagé de deux manières
différentes :
- le prononcé d'une mise à pied conservatoire en
cas de faute grave126
- la convocation à un entretien préalable 127
L'employeur sera alors tenu de vérifier
l'effectivité et la gravité des faits lorsqu'ils sont
portés à sa connaissance. Il n'a pas à attendre une
éventuelle saisine du Conseil de prud'hommes ou de la juridiction
pénale128.
Cependant, une fois le délai de deux mois passé
, l'employeur n'a en principe aucun moyen d'agir de manière
disciplinaire concernant le fait prescrit et ce, sauf si un nouveau fait fautif
est constaté , à condition que les deux fautes découlent
d'un comportement similaire.
Concernant, l'entretien préalable, il est obligatoire
sauf si la sanction prévue est un avertissement ou une sanction de
même nature qui n'a pas d'incidence sur la présence dans
l'entreprise, la fonction, la rémunération, la carrière du
salarié selon l'article L.1332-2 du Code du travail.
Le salarié est convoqué à cet entretien
par une lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre
recommandée avec accusé de réception. Ladite lettre
indiquera alors l'objet de la convocation, la date, le lieu, l'heure de
l'entretien et la possibilité de se faire assister par une personne de
son choix appartenant au personnel de l'entreprise. En l'absence d'institutions
représentatives du personnel, il faudra mentionner la faculté de
se faire assister par un conseiller de son choix inscrit sur une liste
départementale129 et le lieu où trouver cette
liste130. De plus, si le licenciement disciplinaire est
envisagé, il faudra l'indiquer dans la lettre de convocation.
L'entretien se tiendra alors dans les deux mois qui suivent la
convocation et si la sanction envisagée est un licenciement, l'entretien
ne pourra se tenir moins de cinq jours ouvrables après la
présentation de la convocation131.
Lors de cet entretien, l'employeur doit expliquer le motif de
la sanction prévue et laisser le salarié s'expliquer. Ce qu'il
pourrait dire lors de l'entretien ne peut constituer une cause de licenciement,
sauf abus.
125 ) Cass. Soc., 24 novembre 2010 , n°09-40 .928
126 ) Cass.Soc., 15 avril 1996, n°93-40.113
127 ) Cass. Soc., 5 février 1997, n°94-44.538
128 ) F.Lefebrve , Harcèlement et risques psychosociaux,
Ed. Francis Lefebvre , 2012
129 ) Cass.Soc., 19 juillet 1995 , n°91-44.832
130 ) Cass.Soc., 20 juin 2000, n°98-41.386
131 ) Article L.1232-2, alinéa 3 du Code du travail
52
Concernant la notification de la sanction, elle doit
préciser les motifs de cette décision.
Lorsque la sanction consiste en une modification du contrat de
travail, l'employeur doit recueillir l'avis du salarié qui peut refuser
ou accepter. En cas de refus, le salarié peut alors voir une autre
sanction prononcée contre lui comme un licenciement pour faute grave si
les faits le justifient132.
La sanction est notifiée par lettre recommandée
avec accusé de réception et est adressée au salarié
plus de deux jours ouvrables après la date de l'entretien selon les
articles L.1332-2 et L.1232-6 du Code du travail. La sanction disciplinaire
doit être notifiée dans le délai maximum d'un mois
après la date de l'entretien même si le salarié ne s'est
pas présenté133.
Enfin, un éclairage succinct doit être
apporté dans le cas particulier de la sanction à l'encontre des
salariés protégés. Le salarié
protégé, en cas de faute grave, peut se voir notifié une
mise à pied dans l'attente d'une décision définitive
à son encontre.
Le Comité d'entreprise peut être consulté
afin d'émettre un avis si le licenciement concerne un
délégué du personnel ou un membre du comité
d'entreprise, y compris un représentant syndical. Le Comité
d'entreprise devra alors recevoir des informations précises afin de se
prononcer en toute connaissance de cause.
Ensuite, après cet avis, l'employeur doit saisir
l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement dans les 15 jours qui
suivent l'avis du Comité d'entreprise. Après enquête, il
devra rendre sa décision dans un délai de 15 jours, 8 jours en
cas de mise à pied conservatoire.
Cette décision peut faire l'objet d'un recours
hiérarchique devant le Ministre chargé du travail dans un
délai de deux mois à compter de la notification de l'inspecteur
ou un recours devant la juridiction administrative.
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