Section 2 ) Les mesures de prévention prises par
l'employeur
L'employeur étant tenu d'une obligation de
prévention liée à une obligation de sécurité
de résultat vis à vis de ses salariés, ces
dernières doivent être matérialisées.
Ce n'est pas dans le Code du Travail que l'employeur trouvera
un guide des actions de prévention adaptés aux risques
psychosociaux. Au mieux , il disposera de l'article L.4121-2 du Code du Travail
et de son évaluation des risques (A) ou encore les articles L.1321-1 et
-2 du même code à propos du règlement intérieur
(B).
En revanche, la lecture des ANI sur le stress au
travail37 et sur le harcèlement et la violence au
33 ) Cass.soc., 10 mai 2001,n°99-40.059
34 ) Cass.soc., 4 avril 2012, n°11-10.570
35 ) Supra
36 ) L'article L.4122-1 du Code du travail dispose que «
Conformément aux instructions qui lui sont données par
l'employeur, dans les conditions prévues au règlement
intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il
incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa
formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa
sécurité ainsi que de celles des autres personnes
concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier
lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des
équipements de travail, des moyens de protection, des substances et
préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature
des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur
le principe de la responsabilité de l'employeur. »
37 ) Accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le
stress au travail , étendu par un arrêté du 23 avril
2009
20
travail38 semblent plus utiles. Ils guident
l'employeur en prônant l'élaboration d'une charte
éthique
( C ) , ainsi qu'une sensibilisation et une formation
adéquate des responsables hiérarchiques et des salariés
(D), sans oublier que les salariés peuvent bénéficier d'un
droit d'alerte (E).
De plus, l'ANI du 19 juin 201339 pose un principe
intéressant qui est celui de la possible mise en oeuvre d'une
démarche QVT (qualité de vie au travail) (F).
A) L'évaluation des risques
Il s'agit d'un document unique créé par un
décret du 5 novembre 200140 en vue de rendre obligatoire ,
pour toutes les entreprises et associations de plus d'un salarié,
l'évaluation des risques professionnels. A l'origine, ce document n'a
pas été créé pour les risques psychosociaux.
Cependant, ceux ci doivent y trouver leur place bien que ce fusse
délicat. En effet, il s'agit de dresser une cartographie des risques de
l'entreprise , de reconnaître l'existence de ces risques et ainsi, le
travail de prévention en amont semble déjà
commencé.
Pour satisfaire pleinement à son obligation ,
l'employeur doit évaluer et identifier précisément les
risques encourus en matière de harcèlement. Ce principe est
posé par les articles L.4121-2 et L.4121-3 du Code du travail. Il doit
donc prendre en compte les risques psychosociaux ce qui lui permettra d'adapter
ses mesures de prévention aux réalités de son
entreprise.
Au niveau géographique, l'évaluation des risques
doit se faire au niveau de chaque unité de travail de l'entreprise ou
bien de l'établissement. Ceci est prévu par l'article R..4121-1
du Code du travail. Cette notion paraissant floue, c'est par une circulaire du
18 avril 200241 qu'elle a été précisée.
La notion doit donc être comprise dans un sens très large et ce,
afin d'englober des situations très diverses en ce qui concerne
l'organisation du travail. Il peut donc s'agir d'un seul poste de travail ou
bien de plusieurs postes occupés par les travailleurs ou bien
présentant les mêmes caractéristiques. L'étendue est
donc volontairement très large.
Afin d'évaluer les risques , l'employeur devra tenir
compte des activités de l'établissement mais aussi de
l'aménagement des lieux de travail. Il ne devra pas se contenter de
faire état des risques avérés mais il devra prendre en
compte tous les éléments qui seraient susceptibles de
révéler un
38 ) Accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le
harcèlement et la violence au travail
39 ) Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 relatif
à la qualité de vie au travail
40 ) Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant
création d'un document relatif à l'évaluation des risques
pour la santé et la sécurité des travailleurs
41 ) Circulaire DRT n° 6 du 18/04/02 pris pour l'application
du décret n° 2001-1016 portant création d'un document
relatif à l'évaluation des risques pour la santé et la
sécurité des travailleurs
21
dysfonctionnement ; il devra se servir d'indices (taux
élevé d'absentéisme, actes de violences, suicides, baisse
de productivité...). L'employeur devra aussi prendre en compte les
remarques et observations faites par les institutions représentatives du
personnel (IRP).
De plus, l'employeur se devra de prendre en compte les
caractéristiques des salariés et des emplois occupés.
Certaines personnes en raison de leur poste peuvent être plus
exposées à des risques psychosociaux que d'autres.
Cependant, le travail de l'employeur ne s'arrête pas
là. En plus d'identifier une situation de risque, il devra encore
analyser et identifier les causes .
Ensuite, cette évaluation doit répondre à
un certain formalisme. En effet, une fois l'étude menée, les
résultats sont retranscrits dans un document nommé «
document unique » (DU) ou « Document unique d'évaluation des
risques » (DUER) selon l'article R.4121-1 du Code du travail. Ce document
sera composé d'un inventaire des risques identifiés dans chaque
unité de travail. Il est mis à jour au moins une fois par an. Il
peut aussi être mis à jour dès qu'un aménagement
important modifiant les conditions de travail , de santé et de
sécurité voit le jour ou encore lorsqu'une information
supplémentaire est recueillie. Sujet à des mises à jour
fréquentes, ce document permet donc de tenir compte de l'apparition de
nouveaux risques jusque là ignorés et par la suite de modifier
les actions de prévention mises en oeuvre afin de les adapter.
L'article L.4121-3 du Code du travail admet une
dérogation à la fréquence de révision du document
unique en disposant que dans les entreprises de moins de 11 salariés, la
mise à jour pourra être moins fréquente sous réserve
que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé
et de la sécurité des travailleurs.
Concernant son utilité , le DU permet d'informer le
personnel des risques encourus dans l'entreprise. Ce document est tenu à
disposition du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des
Conditions de Travail (CHSCT), des délégués du personnel,
du médecin du travail, des agents des services de prévention des
organismes de sécurité sociale42, du médecin
inspecteur du travail et de l'inspecteur du travail. Un arrêt de la
Chambre criminelle du 25 octobre 2011 (n°10-82.133) a même
imposé à l'employeur de communiquer à l'ensemble des
salariés les informations relatives aux risques encourus et aux mesures
de prévention correspondantes, répertoriés dans le DU.
Autre utilité, ce document doit être
utilisé dans l'établissement du rapport et du programme de
prévention présenté chaque année au CHSCT (article
R.4121-3 du Code du travail).
42 ) Article R.4121-4 du Code du travail
22
Concernant d'éventuelles sanctions, le fait pour
l'employeur de ne pas transcrire ou mettre à jour les résultats
de l'évaluation des risques peut être puni d'une amende de 1 500
€ selon l'article R. 4741-1 du Code du travail.
Ensuite, si l'employeur refuse de mettre le DU à
disposition des IRP il se rend coupable d'un délit
d'entrave43 et si il refuse de le mettre à disposition de
l'inspecteur du travail , il s'agira d'un obstacle à
contrôle44.
Toutefois, procéder à l'évaluation des
risques peut s'avérer compliqué pour l'employeur qui agirait
seul. Afin de l'aider dans cette tâche, il peut donc faire appel à
des institutions présentes dans l'entreprise (représentants du
personnel et assistant de prévention) et à des institutions
externes (inspection du travail ou organismes spécialisés) dont
le rôle sera étudié ultérieurement.45
B) Le règlement intérieur
L'employeur dispose d'une grande liberté concernant le
choix des moyens de prévention des risques psychosociaux et donc de
harcèlement sexuel. En revanche, le règlement intérieur
est une obligation qui s'impose à lui.
Le règlement intérieur est obligatoire quand au
moins 20 salariés sont occupés habituellement dans
l'entreprise46. Il permet de déterminer les conditions
d'exécution du travail , les obligations des salariés en
matière d'hygiène et de sécurité ainsi que les
règles de discipline47 .
Les articles L.1321-1 et L.1321-2 du Code du travail
précisent les clauses proscrites48 ainsi que celles qui sont
obligatoires et parmi ces dernières figurent celles relatives au
harcèlement moral mais aussi sexuel49.
Ainsi donc , doivent être inscrits dans ce
règlement intérieur les articles L.1153-1 à L.1153-6 du
Code du travail, relatifs au harcèlement sexuel. Les dispositions
relatives aux actions en justice liées au harcèlement
50 ainsi que les dispositions sur les sanctions pénales
liées aux discrimination en raison d'un harcèlement 51
doivent y figurer également .
43 ) Article L.2328-1 du Code du travail pour le CE / article
L.4742-1 du Code du travail pour le CHSCT / article L.2316-1 du code du travail
pour les délégués du personnel / article L.2146-1 du Code
du travail pour le droit syndical.
44 ) Article L.8114-1 du Code du travail.
45 ) Titre I, Chapitre II
46 ) Article L.1311-2 du Code du travail
47 ) Article L.1321-1 du Code du travail
48 ) Article L.1321-3 du Code du travail
49 ) Article L.1321-2, 2° du Code du travail
50 ) Articles L.1154-1 et L.1154-2 du Code du travail
51 ) Article L.1155-2 du Code du travail
23
En cas de modification ou de retrait de clause, les
formalités de mise en place du règlement intérieur
s'imposent. Si ces règles ne sont pas respectées, la modification
du règlement intérieur reste sans effet selon un arrêt de
la Chambre sociale du 4 juin 1969 (n°68-40.377). Ce fut notamment le cas
lorsque les articles du Code du travail furent modifiés par la loi du 6
août 2012 et par celle du 4 août 2014.
Ainsi , le projet de règlement intérieur est
soumis au CHSCT qui délivrera un avis sur les matières le
concernant. Ensuite, le Comité d'entreprise (CE) donne le sien ou ,
à défaut, les délégués du
personnel52.
Enfin, une fois que le règlement intérieur est
établi il est affiché « à une place convenable et
aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux
et à la porte des locaux où se fait l'embauche.
»53. Il est donc affiché dans deux endroits,
simultanément et ce, afin d'informer au mieux le personnel notamment en
ce qui concerne les faits de harcèlement moral ou bien sexuel.
Si le règlement n'est pas affiché, l'employeur
personne physique encourt une amende de 750 € et l'employeur personne
morale une amende de 3 750 € . Il s'agit de contraventions de la
quatrième classe à effet dissuasif afin de protéger au
mieux les droits des salariés.
Bien que le règlement intérieur soit une
obligation, d'autres documents peuvent être facultatifs. Il s'agit
notamment du cas de la charte éthique.
C ) La charte éthique
La charte éthique peut aussi être appelée
charte de bonne conduite. Il s'agit d'un document qui fixe un ensemble de
valeurs et de règles comportementales qu'une entreprise respecte et
souhaite faire respecter par ses salariés, dirigeants et parfois
même ses fournisseurs.
Cette charte vise à compléter les lois et
règlements ainsi qu'à sensibiliser les sujets de l'entreprise
afin de les pousser à avoir un comportement respectueux, convenable,
représentant au mieux la morale et l'image de l'entreprise .
Elle n'a pas de portée juridique et constitue seulement
un outil de communication avec les salariés. De plus, la circulaire DGT
(Direction Générale du Travail) 22 du 19 novembre 2008
considère que les dispositions de la charte peuvent être
considérées comme des adjonctions au règlement
intérieur et donc soumises au même régime que ce dernier.
La Cour d'Appel de Versailles a considéré dans un arrêt du
14 novembre 2007 (n°07-405)54 que la qualification
52 ) Article L.1321-4 du Code du travail
53 ) Article R. 1321-1 du Code du travail
54 ) La solution a été reprise par le Tribunal de
Grande Instance de Nanterre le 19 octobre 2007 (n°06-6460)
24
d'adjonction au règlement intérieur doit
être retenue dès lors que les dispositions de la charte
éthique relèvent essentiellement de la discipline et que leur
violation donne lieu à sanctions. Ainsi donc, cette qualification est
donc limitée selon la jurisprudence.
Concernant sa création, la charte de bonne conduite
peut être instituée par voie de convention ou d'accord collectif.
Cependant, le plus souvent il s'agit d'une décision unilatérale
de l'employeur prise en vertu de son pouvoir de direction.
Dans le cas où elle comporterait des dispositions
relevant du champ du règlement intérieur, elle doit être
soumise à l'avis des représentants du personnel puis
communiquée à l'inspecteur du travail accompagnée de
l'avis des représentants du personnel. Ensuite, elle devra être
affichée de la même manière que le règlement
intérieur soit, « à une place convenable et
aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux
et à la porte des locaux où se fait l'embauche. » .
En revanche, il n'y a pas de transmission obligatoire à
l'inspecteur du travail si elle ne comporte pas de dispositions relevant du
règlement intérieur ou si elle est élaborée dans
une entreprise employant moins de 20 salariés et ne comportant pas de
règlement. Toutefois, dans une telle situation , l'employeur pourra
prendre connaissance du règlement et ce, en raison de sa
compétence de contrôle de l'application de la législation
du travail. Il pourra alors établir des observations écrites si
certaines dispositions ne sont pas en adéquation avec ces normes .
Pour exemple , la Charte éthique EDF55 fixe
dans un premier temps les objectifs du groupe
en s'engageant notamment à :
- Assurer la sécurité et protéger les
personnes concernées par son activité, ainsi que la
sûreté
de ses installation et de ses ouvrages .
- Développer la compétence de ses salariés ,
reconnaître leur contribution, veiller à la qualité
de leur vie au travail et entretenir un dialogue constructif avec
eux et leurs représentants.
- Prévenir et traiter dans la vie au travail toute
situation d'injustice et de discrimination , ainsi
que toute situation de contrainte, de violence ou de
harcèlement.
- Être à l'écoute des parties prenantes de
son activité
- Garantir le droit d'alerte .
Par la suite , elle fixe les engagements de ses salariés
qui devront entre autres :
- Respecter les personnes et leurs droits , et s'interdire tout
comportement d'intolérance, de
discrimination ou de violence physique ou morale .
55 ) Annexe 3
25
- Travailler en se conformant aux règles de
sécurité et de protection de la santé.
De plus, le groupe EDF s'engage à respecter les Droits de
l'Homme ainsi que le Droit du travail .
D ) L'information et la formation des acteurs de
l'entreprise
· Informer constitue le commencement de la
prévention des actes de harcèlement sexuel. Il s'agit de
sensibiliser les sujets de l'entreprise sur ces phénomènes
perturbateurs et sur leurs conséquences. Une personne qui sait ce qu'est
un risque psychosocial pourra détecter plus simplement les
différents actes constitutifs et alerter au plus tôt sa
hiérarchie.
Pour débuter il y a bien évidemment l'affichage
des textes par l'employeur (règlement intérieur et charte
éthique) mais aussi de possibles sessions de formation sur ces
sujets.
Selon l'article L.4141-1 du Code du travail, l'employeur doit
délivrer aux salariés lors de l'embauche et aussi chaque fois que
nécessaire , une information relative aux risques liées à
leur santé et à leur sécurité.
Concernant l'affichage de textes , les employés
doivent avoir accès au règlement intérieur qui comporte
des dispositions relatives au harcèlement sexuel notamment. Au
même endroit doit se trouver l'avis indiquant les modalités
d'accès au document unique d'évaluation des risques
professionnels 56.
Ensuite, l'article L.1153-5 du Code du travail prévoit
que l'article 222-33 du Code pénal relatif au harcèlement sexuel
doit être affiché dans le lieu de travail et dans les locaux ou
à la porte des locaux où se fait l'embauche. Ceci permet donc
d'informer les salariés sur le fait que le harcèlement est un
délit sévèrement puni. Cependant, chose surprenante,
l'employeur n'encourt aucune sanction si il manque à cette obligation
d'affichage de l'article 222-33 du Code pénal.
De plus , certaines coordonnées doivent aussi être
affichées selon l'article D.4711-1 du Code
du travail telles que celles :
- du médecin du travail
- de l'inspection du travail compétente ainsi que de
l'inspecteur compétent
- des services de secours
Le manquement à cette obligation est puni d'une amende
prévue pour les contraventions de
4ème classe et est appliquée autant de fois qu'il
y a de personnes employées dans les conditions
56 ) Supra
26
susceptibles d'être sanctionnées57.
Enfin, pour aider l'employeur à remplir cette
obligation, le gouvernement a mis en place des affichettes pouvant être
utilisées afin d'informer les salariés 58.
· La formation quant à elle ne manque pas
d'importance. Il s'agit aussi d'un bon moyen de prévention des risques
psychosociaux.
Des formations peuvent seulement viser une certaine
catégorie du personnel comme par exemple le personnel des ressources
humaines qui a pour mission de définir et de piloter la mise en oeuvre
de la politique de prévention, de traiter des alertes.
Elles peuvent aussi cibler l'ensemble des salariés afin
de les aider à gérer plus facilement leur stress ou à
développer des capacités psychologiques telles que le
contrôle des émotions ou l'adoption d'attitudes mentales
efficaces. Ceci est d'ailleurs très en vogue actuellement dans les
grandes entreprises.
La formation des managers n'est pas à sous-estimer. En
effet , selon le rapport Nasse et Légeron de 200859 , la
formation des managers doit « inclure une dimension humaine de la gestion
des entreprises en mettant l'accent sur l'impact psychologique et les effets
sur la santé non seulement des organisations de travail mais aussi des
méthodes de management des hommes ».
Ils bénéficient d'une proximité certaine
avec les salariés et sont ainsi les mieux placés pour
détecter des signes témoignant d'un harcèlement sexuel .
De plus, étant gestionnaires , certaines méthodes de gestion
peuvent être facteurs de stress ou même de harcèlement , ils
doivent donc être préparés afin d'accéder aux
objectifs demandés par la hiérarchie tout en respectant la
santé mentale des salariés dont ils sont responsables.
De nombreux organismes dispensent de telles formations
relatives au management, à l'accompagnement des salariés en
souffrances, à la détection des cas de souffrance ... Ces
formations entrent dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Elles s'effectuent donc pendant l'horaire habituel de travail et donnent lieu
au versement normal de la rémunération du
salarié60. Le coût des actions de formation est
à la charge de l'employeur . Mais, si il occupe au moins 10
salariés, il pourra ,sous conditions, imputer le coût des ces
formations sur la participation-
57 ) Article R.4741-3 du Code du travail
58 ) Annexe 4
59 ) Nasse Ph. Et Légeron P-Y., Rapport sur la
détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au
travail, mars 2008
60 ) Article L.6321-2 du Code du travail
27
formation continue ou bien, si il adhère à un
fond d'assurance formation, en demander la prise en charge ou le remboursement
à cet organisme. En revanche, si il y a moins de 10 salariés,
l'employeur ne pourra que demander la prise en charge du coût de ces
formation auprès de l'organisme collecteur.
Enfin, les membres du CHSCT ou, à défaut de
CHSCT, les délégués du personnel assurant les attributions
de ce dernier pourront bénéficier, dès leur
première désignation, d'une formation d'au moins 3
(établissements de moins de 300 salariés) ou 5 jours
(établissements de plus de 300 salariés)61 ayant pour
objet de développer leur aptitude à déceler et à
mesurer les risques professionnels . Cette formation doit être
renouvelée quand ils ont exercés leur mandat pendant 4 ans
consécutifs ou non62.
Concernant les organismes formateurs, l'employeur pourra se
tourner vers l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des
conditions de travail ), l'INRS ( Institut national de recherche et de
sécurité pour la prévention des accidents du travail et
des maladies professionnelles) ou encore le RFFST ( Réseau francophone
de formation en santé au travail).
E) Le droit d'alerte des salariés
Il s'agit d'un dispositif spécifique permettant
à l'employeur d'être prévenu de l'émergence dans
l'entreprise d'un risque psychosocial faisant courir un danger immédiat
à la personne qui en est victime. Ceci est très utilisé
dans les situations de harcèlement et de violence envers un
salarié.
L'intérêt de mettre en place un tel dispositif
est de pouvoir repérer et faire cesser une situation qui pourraient
avoir des effets néfastes sur la santé et la
sécurité des travailleurs. De plus, ces effets pourraient avoir
pour conséquence d'affecter la quantité et la qualité du
travail.
Le législateur a donc mis en place l'article L.4131-1
du Code du Travail qui dispose que « le travailleur alerte
immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un
motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent
pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité
qu'il constate dans les systèmes de protection ».
Dans son rapport, La responsabilité du
salarié en matière de santé et prévention des
risques
61 ) Article L.4614-15 du Code du travail
62 ) Article L.4614-14 du Code du travail
28
professionnels 63, A.Coeuret démontre
que plutôt que de délivrer un droit aux salariés, le texte
institue ,en vérité, une véritable obligation. Cette
disposition faisait d'ailleurs l'objet d'un article 13.2 dans la
directive-cadre du 12 juin 198964 ce qui prouve toute sa
portée obligatoire.
Par ailleurs, l'alerte, bien que devant être
initiée par la victime , peut être initiée par autrui. Ceci
est appréciable dans la situation où un salarié serait au
courant d'agissements répréhensibles sur la personne d'un
collègue de travail. Cependant aucune disposition législative ne
prévoit une quelconque procédure relative à un tel cas de
figure.
Seul l'article 4 § 1 de l'ANI sur le harcèlement
et la violence au travail65 prévoit que « lorsqu'une
situation de harcèlement ou de violence est repérée ou
risque de se produire, le salarié peut recourir à la
procédure d'alerte prévue en cas d'atteinte au droit des
personnes ». Cette disposition semble minime face aux risques qu'un
harcèlement sexuel peut engendrer. Un réel vide juridique
subsiste donc ici. Seule la protection du salarié qui témoigne
semble établie par l'article L.1153-3 du Code du
travail66.
Ainsi donc, il semble judicieux pour l'employeur de mettre en
place un dispositif spécial concernant ce droit d'alerte. Ceci peut
être mis en place par le biai d'une charte de prévention des
harcèlements. C'est notamment le système choisi par la
Société Air France qui a mis en place tout d'abord un processus
informel avec une phase d'écoute et de résolution du
problème en lien avec des acteurs tels que le responsable des ressources
humaines , le médecin du travail, l'assistante sociale.
Cependant si ce dispositif informel n'est pas venu à
bout du problème, un recours devant la commission locale composée
d'un responsable des ressources humaines, d'un médecin du travail, d'une
assistante sociale, d'un représentant du personnel au CHSCT et d'un
cadre peut être formé.
La commission devra alors établir des mesures
motivées et veiller à leur bonne application.
Concernant les précautions à prendre avant
d'instituer un dispositif spécifique d'alerte, l'employeur doit garder
à l'esprit que ceci doit rester un complément des
prérogatives des représentants du personnel notamment celles du
CHSCT ou des délégués du personnel67.
Il conviendra aussi de se tenir à une obligation de
discrétion et de confidentialité pendant cette
63 ) Coeuret A., La responsabilité du salarié en
matière de santé et prévention des risques professionnels,
Rapp.C.cass 2002
64 ) Supra
65 ) Supra
66 ) L'article L.1153-3 du Code du travail dispose que
«Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut
être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure
discriminatoire pour avoir témoigné de harcèlement sexuel
ou pour les avoir relatés. »
67 ) Infra Titre I, Chapitre II
29
procédure. Ainsi, la protection des données
personnelles occupera une place primordiale . Il est important de rappeler ceci
notamment dans le cas où la procédure d'alerte pourrait
être mise en oeuvre à l'aide d'une adresse électronique
censée recueillir tout signalement. De telles données seront donc
protégées par la loi « Informatique et libertés
» du 6 janvier 1978 modifiée maintes fois et dernièrement
par la loi du 17 mars 2014. Concernant les dispositifs d'alerte en
matière de discrimination et de harcèlement , le traitement
automatisé des données doit être autorisé par la
CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Les
demandes d'autorisation étant traitées au cas par cas, il est
conseillé à l'employeur de contacter directement la CNIL.
Enfin, dernier élément subjectif mais non des
moindres, ce dispositif d'alerte devra véritablement favoriser la
sincérité des acteurs de la mise en oeuvre dudit dispositif. En
effet, une dénonciation erronée et volontairement
mensongère pourra justifier une sanction disciplinaire et même un
licenciement et, dans les cas les plus extrêmes, être
considérée comme une diffamation ou une dénonciation
calomnieuse punies pénalement par les articles R.621-1 et 226-10 du Code
pénal .
F) La mise en place de la démarche QVT
C'est donc par un ANI du 19 juin 2013 qu'un cadre
général dans lequel entre la QVT a été
proposé notamment par le réseau ANACT (Agence nationale pour
l'amélioration des conditions de travail).
Le but est de promouvoir « les conditions dans lesquelles
les salariés exercent leur travail et leur capacité à
s'exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci. » Ces
éléments déterminent la perception de la qualité de
vie au travail qui en résulte .
Mettre en place une démarche QVT n'est pas obligatoire
mais demeure tout de même intéressant dans la mesure où la
qualité de vie au travail est intimement liée avec la
qualité des prestations fournies et donc de la bonne marche de
l'entreprise. C'est donc par le biai de formations du personnel et de
questionnaires sur la qualité de vie des travailleurs que peut se faire
une première approche. Une phase d'expérimentation peut ensuite
permettre d'explorer une nouvelle manière de travailler, un nouveau
fonctionnement qui intègrent performance et conditions d'emploi et de
travail en tirant des conclusions des résultats des enquêtes
menées dans l'entreprise.
La démarche étant nouvelle ; peu de
démarches QVT ont été initiées depuis l'ANI de
2013. Cependant cette démarche expérimentale pourrait bien se
développer largement étant donné la place de plus en plus
omniprésente des conditions de vie au travail et de la prévention
des risques psychosociaux.
30
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