PARTIE I - Les mécanismes de protection
antérieurs
aux actes de harcèlement sexuel
Avant que ne soit découvert et établi un acte de
harcèlement sexuel, l'employeur est tenu d'une obligation de
prévention (Chapitre I).
En effet, il doit veiller à la sécurité
de ses salariés et ces actes délictuels de harcèlement
sexuel peuvent profondément toucher les victimes et causer de
véritables atteintes à leur santé qu'elle soit physique et
psychiques mais aussi à leur sécurité.
L'employeur n'est cependant pas le seul acteur de la
prévention . Il est assisté par des institutions internes
à l'entreprise mais aussi par des institutions externes
spécialisées (Chapitre II).
La prévention tient une place très importante
dans la vie d'une entreprise puisqu'elle permet de sensibiliser les
différents sujets et parfois d'éviter le pire et toutes les
conséquences néfastes qui en découleraient tant pour
l'employeur que son salarié.
Pour bien travailler, il faut se sentir bien au sein de son
entreprise et le proverbe « Mieux vaut prévenir que guérir
» n'a jamais trouvé place plus pertinente.
12
Chapitre I - L'obligation de prévention pesant
sur l'employeur
Afin de protéger au mieux ses salariés ,
l'employeur est tenu d'une obligation générale de
sécurité. Cette obligation est prévue dans la
quatrième partie du Code du travail intitulée « Santé
et sécurité au travail » regroupant des dispositions alliant
droit de la santé et de la sécurité, dispositions à
vocation essentiellement préventive selon Messieurs M.-T
Aubert-Monpeyssen et P.-Y Verkindt12.
De plus, l'employeur est aussi soumis à une obligation
plus spécifique de prévention des actes de harcèlement
sexuel prévue quant à elle par les articles L.1153-1 et suivants
du Code du travail. Cette obligation de prévention est donc une
obligation légale puisque prévue par les textes (Section 1) .
De plus, afin de matérialiser cette obligation,
l'employeur doit adopter des mesures de prévention nécessaires
(Section 2).
Section 1 - L'obligation légale de
prévention de l'employeur
L'employeur est chargé d'une obligation de
prévention prévue par les textes (A) et qui constitue une
véritable obligation de sécurité de résultat
pouvant engager sa responsabilité sans faute (B).
A) La base textuelle de l'obligation de
prévention
Tout d'abord, la directive-cadre européenne 89/391/CDD
du 12 juin 198913 a été transposée en droit
français par la loi du 31 décembre 199114. Ainsi,
l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité prévue
par l' article L.4121-1 qui dispose que « L'employeur prend les
mesures nécessaires pour assurer la sécurité et
protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques
professionnels , ·
2° Des actions d'information et de formation
, ·
3° La mise en place d'une organisation et de moyens
adaptés.
12 ) Verkindt P.-Y., Les troubles psychosociaux dans l'entreprise
in L'année de droit social, Lamy, coll.Axe Droit, 2010
13 ) Dir.Cons.CE n° 89/391, 12 juin 1989, JOCE 29 juin,
n°L.183, modifiée par Dir. Parl. Et Cons. CE n° 2007/30, 20
juin 2007, JOUE 27 juin, n° L.165
14 ) Loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le
code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la
prévention des risques professionnels et portant transposition de
directives européennes relatives à la santé et à la
sécurité du travail
13
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures
pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à
l'amélioration des situations existantes. ».
Ainsi donc, l'employeur se doit de prendre des mesures , doit
mettre en oeuvre des moyens dans le but d'assurer la sécurité et
la protection de la santé physique mais aussi mentale de ses
salariés.
Cette obligation de sécurité a été
le fruit de débats houleux dès le moment où la Cour de
cassation a considéré dans une série d'arrêts en
date du 28 février 2002 (n° 99-18.389) que l'employeur était
tenu d'une obligation de sécurité « en vertu du contrat de
travail le liant à son salarié »15. La Chambre
sociale a alors suivi ce raisonnement de maintes fois , suivie de près
par la deuxième chambre civile concernant notamment les accidents du
travail et les maladies professionnelles. L'Assemblée
plénière est venue s'aligner dans cette optique par un
arrêt du 24 juin 2005 (n°03-30.038).
Mais, la Chambre sociale a par la suite rectifié son
idée en considérant tout simplement que l'employeur était
« tenu envers ses salariés ». Elle ne donne plus la cause de
cette obligation, que serait le contrat de travail, ce que se refuse encore
à faire la deuxième chambre civile.
Donc, cette obligation est-elle imposée par la loi ou
bien découle-t-elle du régime du contrat de travail ? Afin de
répondre à cette interrogation, il convient de rappeler que
l'employeur assume cette obligation certes à l'égard de ses
salarié16 ou de « son personnel »17 mais
aussi à l'égard des autres travailleurs qui se trouvent sous son
autorité. La logique veut donc que cette obligation de
sécurité ne dépende pas du contrat de travail mais soit
une obligation légale à part entière.
De plus, il semble utile de rajouter que la notion d'employeur
est prise dans un sens très large . En effet, la notion d'employeur a
supplanté celle de « chef d'établissement ». Il se
trouve que cette dernière semblait mal adaptée car il ne fallait
pas considérer que dans le cas d'une entreprise comprenant plusieurs
établissements distincts, seuls les chefs d'établissement
étaient responsables et ce, seulement à l'échelle de leur
établissement. C'est ainsi que le nouveau code du Travail a
préféré user de la notion d'employeur, beaucoup plus
adaptée. Les dispositions du Code du travail relatives à la
santé et à la sécurité visent les employeurs du
secteur privé mais aussi les établissements publics qu'ils soient
à caractère administratif, à caractère industriel
et commercial, les établissements de santé sociaux et
médico-sociaux ainsi que les ateliers des établissements publics
dispensant un enseignement technique ou professionnel. C'est donc en touchant
une majorité d'employeurs, que les dispositions décuplent leur
efficacité et leur effectivité.
15 ) P. Sargos, L'évolution du concept de
sécurité au travail et ses conséquences en matière
de responsabilité, JCP 2003, Doct.104
16 ) Cass.soc. 17 mai 2006 ; 21 juin 2006
17 ) Cass.soc. 5 mars 2008, n°06-45888
14
Ensuite , l'article L.4121-2 du Code du travail se rapproche
davantage d'une obligation de prévention à proprement parler .
Il prévoit que « L'employeur met en oeuvre les
mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des
principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques , ·
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être
évités , ·
3° Combattre les risques à la source
, ·
4° Adapter le travail à l'homme, en
particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le
choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de
production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail
cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé
, ·
5° Tenir compte de l'état d'évolution de
la technique , ·
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est
pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux , ·
7° Planifier la prévention en y
intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,
l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et
l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au
harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont
définis aux articles L.1152-1 et L.1153-1 , ·
8° Prendre des mesures de protection collective en
leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
, ·
9° Donner les instructions appropriées aux
travailleurs. ».
Ici, l'obligation de prévention de l'employeur est
visiblement encadrée et les champs d'application sont
délimités. Parmi cette énumération, est clairement
visé le harcèlement sexuel dans la mesure où l'employeur
doit planifier la prévention en intégrant dans celle-ci les
risques liés au harcèlement sexuel. Cette disposition
n'était pas présente dans le texte d'origine 18 et a
été rajoutée par la loi du 6 août 201219
relative au harcèlement sexuel et son article 7, emportant modification
de plusieurs dispositions du Code du travail.
L'employeur doit aussi dans le cadre de cet article
procéder à une évaluation des risques 20.
Puis, texte bien plus spécifique concernant le
harcèlement sexuel , l'article L. 1153-5 du
18 ) L'ancien article L.4121-2 , 7° du Code du travail
disposait alors « (...) 7° Planifier la prévention en y
intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,
l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et
l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au
harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L.
1152-1 »
19 ) Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au
harcèlement sexuel
20 ) Infra Titre I, Chapitre I, Section 2 a)
15
Code du travail prévoit que « L'employeur
prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les
faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les
sanctionner.
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou
à la porte des locaux où se fait l'embauche, les personnes
mentionnées à l'article L. 1153-2 sont informées par tout
moyen du texte de l'article 222-33 du code pénal21 .
».
Cet article a subi de nombreuses modifications au fil des lois
portant sur les risques psychosociaux au travail.
En effet, tout d'abord, la loi du 6 août 2012
publiée au Journal officiel du 7 août 2012 et entrée en
vigueur le 8 août 2012 a eu pour objectif principal de rétablir
dans le code pénal l'incrimination de harcèlement sexuel
prévue par l'article 222-33 de ce code, qui avait été
abrogée par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 4
mai 2012 22 en raison de l'imprécision de sa
rédaction. Cette loi est aussi venue modifier l'article L.1153-5 du Code
du travail en prévoyant que « L'employeur prend toutes
dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de
harcèlement sexuel.
Le texte de l'article 222-33 du code pénal est
affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à
la porte des locaux où se fait l'embauche. ».
Puis ,la loi du 4 août 201423 est venue
apporter des précisions en énumérant les personnes devant
être informées . Il s'agit de celles
énumérées par l'article L.1153-2 du Code du travail soit,
les salariés et les candidats à un recrutement, à un stage
ou à une période de formation en entreprise. De plus, elle
précise l'obligation de l'employeur qui doit prévenir les faits
de harcèlement sexuel mais aussi y mettre un terme et les sanctionner.
Son obligation est donc élargie et ne touche plus de manière
restrictive la prévention.
21 ) L'article 222-33 du Code pénal dispose : « I. -
Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de
façon répétée, des propos ou comportements à
connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en
raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit
créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou
offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le
fait, même non répété, d'user de toute forme de
pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature
sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou
au profit d'un tiers.
III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de
deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
Ces peines sont portées à trois ans
d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui
confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique ou à un état de grossesse,
est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité ou dépendance résultant de la
précarité de sa situation économique
ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité
d'auteur ou de complice. »
22 ) Décision QPC n° 2012-240
23) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour
l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
16
Enfin, un accord national interprofessionnel (ANI) a
été conclu en avril 2007 par l'organisation patronale Business
Europe Business , l'Union Européenne de l'artisanat et des PME (UEAPME),
le CEEP (Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des
services publics ) et la CES (Confédération européenne des
syndicats) sur le harcèlement et la violence au travail. La
transposition de cet accord au niveau national est l'occasion, pour les
partenaires sociaux français, de s'emparer de ces problématiques
et parfois d'aller plus loin que les dispositions prévues à
l'échelle européenne. Syndicats et patronat sont ainsi parvenus
à un accord sur le harcèlement et la violence au travail le 26
mars 201024. Complétant la démarche lancée par
l'accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet
2008, il permet de transposer l'accord-cadre européen sur ce même
thème. Il définit les notions de harcèlement et de
violence au travail, et propose un cadre pour leur identification, leur
prévention et leur gestion. Il a pour but d'améliorer la
sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des
employeurs, des salariés et de leurs représentants à
l'égard du harcèlement et de la violence au travail afin de mieux
prévenir ces phénomènes, les réduire, voire les
éliminer et d' apporter aux employeurs, aux salariés et à
leurs représentants un cadre concret pour l'identification, la
prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et
de violence au travail.
Cet ANI s'apparente davantage à un code de bonne
conduite qu'à un accord imposant des mesures contraignantes à
l'égard des employeurs. Ces derniers restent libres dans leurs moyens de
prévention et de gestion des faits délictueux 25.
B ) Une obligation de sécurité de
résultat
D'après ces normes , il appartient donc à
l'employeur de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir
les risques psychosociaux dans son entreprise et plus précisément
en ce qui nous intéresse , les risques de harcèlement sexuel.
Cette exigence est très stricte car il est tenu d'une
obligation de sécurité de résultat, obligation contenue
dans l'article L.4121-2 du Code du travail. Si le risque se réalise,
l'employeur aura donc manqué à cette obligation sauf si il
invoque un cas de force majeure26. Il n'a donc pas de droit à
l'erreur.
C'est la jurisprudence qui lui a imposé une obligation
de résultat et non pas une obligation de moyen. Il ne suffit donc pas
qu'il prenne des mesures nécessaires pour assurer la santé et la
sécurité
24 ) Annexe 2
25 ) Infra Titre I, Chapitre I, Section 2
26 )Situation imprévisible, insurmontable et
extérieure.
17
des salariés. Il doit absolument empêcher la
réalisation du risque. En effet, le simple constat qu'un dommage est
survenu et que le résultat n'a pas été atteint , suffit
à engager sa responsabilité, peu importe qu'il n'ait commis
aucune faute 27et, peu importent les mesures prises
ultérieurement pour faire cesser la situation28.
L'arrêt le plus marquant en la matière est celui
de la chambre sociale du 3 février 201029. Dans cette
affaire, une salariée victime de harcèlement moral puis sexuel
prend acte de la rupture de son contrat de travail. Afin de dire que la prise
d'acte de la rupture du contrat de travail de la salariée a produit les
effets d'une démission, les juges de la Cour d'Appel retiennent que
l'employeur n'encourt une obligation de sécurité de
résultat que dans l'hypothèse où, ne pouvant ignorer le
danger auquel était exposée la salariée, il n'a pas pris
les mesures nécessaires pour la protéger .Or, ces juges
considèrent que l'employeur aurait satisfait à son obligation car
il aurait pris des mesures afin que la salariée victime et son harceleur
ne se croisent plus dans l'entreprise. Cependant, suite à leur
rencontre, qualifiée par la Cour d'Appel de « fortuite » la
salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
La Cour de Cassation vient donc casser l'arrêt de la
Cour d'appel en considérant que « l'employeur tenu d'une obligation
de sécurité de résultat en matière de protection de
la santé et de la sécurité des travailleurs, manque
à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de
travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par
l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris
des mesures en vue de faire cesser ces agissements. ». Ainsi donc, c'est
en raison de faits reprochés à son employeur que la
salarié aurait pris acte de la rupture de son contrat de travail , de ce
fait la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse car les faits invoqués justifiaient
bien la prise d'acte.
D'une sévérité et d'une dureté
extrêmes, la Cour de Cassation consacre dans cette décision
l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur
l'employeur . Cette décision est bel et bien en adéquation avec
la jurisprudence antérieure et notamment des arrêts du 21 juin
2006 (n° 05-43.914 à 05-43.919) qui rattachaient alors les
dispositions relatives au harcèlement à l'obligation de
sécurité de résultat.
Il y a donc une responsabilité sans faute qui est
reconnue pour l'employeur. Il doit répondre à la fois des
conséquences du harcèlement et prendre les mesures de
prévention qui s'imposent ; la sanction du harcèlement
étant la rupture du contrat de travail à ses torts et ce,
même si il avait pris des mesures adéquates. La jurisprudence de
la Cour de cassation semble pérenne puisqu'un arrêt de
27 ) Cass.soc, 21 juin 2006, n°05-43.914 à
05-43.919
28 ) Cass.soc.,3 février 2010 , n°08-41412 et 7 juin
2011 , n° 09-69903
29 ) Cass.soc., 3 février 2010, n° 08-40.144
18
la chambre sociale en date du 26 septembre 2012 (n°
11-21003 ) et un autre du 18 février 2014 ( n° 12-17.557)
délivrent la même solution.
De plus, il n'y a pas besoin d'établir que l'employeur
n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer de manière
effective la sécurité et la santé des salariés. Il
suffit juste de démontrer que le résultat n'a pas
été atteint pour qu'il en découle que la prise d'acte est
justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse30. Il y a donc ici un réel
désir de protection du salarié.
Il semble utile de rajouter aussi que le même
raisonnement est retenu en cas de demande de résiliation judiciaire du
contrat de travail. En revanche, la Cour de Cassation considère que la
résiliation ne se justifie pas lorsque les faits invoqués ont
cessé au moment où les juges statuent 31.
Ensuite, de manière générale la
tolérance d'un employeur ou son inaction sont de nature à
tempérer la nature de la faute commise par une salarié. Ceci est
le cas en cas de tolérance d'un employeur vis à vis des horaires
fantaisistes d'un de ses salariés dans un arrêt de la Chambre
sociale du 13 juillet 1989 (n°86-43.113) ou de l'usage du
téléphone portable à des fins privées , pratique
largement tolérée dans l'entreprise dans un arrêt de la
Chambre sociale du 1er février 2011 (n°0942.786). Dans ces deux
exemples, le licenciement pour faute grave ne saurait être
justifié et ce, en raison de la tolérance et de l'inertie trop
longtemps constatée de l'employeur.
Toutefois, ce n'est pas le cas en présence d'une
situation de harcèlement au travail. En effet, en cas de
harcèlement au travail, la tolérance de l'employeur doit rester
sans effet sur le degré de la faute commise. La justification d'un tel
raisonnement tient en l'article L.4121-1 du Code du travail et son obligation
de sécurité de résultat.
Il ne saurait être admis que le manquement d'un
employeur à son obligation aboutisse à sanctionner moins
fermement l'auteur des faits sachant que la jurisprudence considère
traditionnellement qu'il s'agit d'une faute grave. Dans un arrêt du 1er
décembre 2011(n° 10-18.920) , la Chambre sociale a donc
décidé que le fait que l'employeur n'ait pas sanctionné
par le passé le salarié pour des faits identiques
n'empêchait pas le licenciement pour faute grave du harceleur.
Cependant, bien que l'employeur puisse voir sa
responsabilité engagée même sans faute il peut tout de
même s'exonérer de sa responsabilité par un seul et unique
moyen : démontrer l'existence d'une cause extérieure
présentant les caractères de la force majeure. Il devra alors
établir le caractère irrésistible et imprévisible
de l'événement. Cependant, elle est très peu retenue en
droit du travail32.
30 ) Cass.Soc., 12 janvier 2011 , n° 09-41139
31 ) Cass.soc., 22 mars 2006 n°03-44.750
32 ) Lefebvre F., Harcèlement et risques psychosociaux,
Ed. Francis Lefebvre, 2012
19
Elle ne peut pas être admise lorsque les agissements
sont le fait de tiers à l'entreprise si ils exercent une autorité
de fait ou de droit sur le personnel. L'employeur doit alors répondre de
mauvais traitements et insultes infligés à un salarié par
l'épouse du gérant 33 ou encore de l'agression d'un
salarié par son conjoint 34.
Enfin, il peut sembler utile de rajouter ici très
succinctement que le travailleur est lui aussi tenu d'une obligation de
sécurité affirmée d'ailleurs par la directive cadre du 12
juin 198935 , obligation secondaire voire complémentaire de
celle de son employeur. Le travailleur ne bénéficie donc pas
d'une immunité ou d'une irresponsabilité en matière de
santé et de sécurité au travail. Le Code du travail
prévoit alors qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin
de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle des
autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail et
ce , en fonction notamment de la formation ou des consignes
reçues36. De plus, la responsabilité du travailleur
n'exclut pas celle de l'employeur selon le dernier alinéa de l'article
L.4122-1 du Code du travail ; un même accident, un même
harcèlement sexuel peut donc entraîner la responsabilité de
chacun.
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