Le juge fiscal camerounais( Télécharger le fichier original )par Janvier FERMOSE Université de Ngaoundéré - Master 2012 |
II-Le cadre conceptuel de l'étude.D'emblée, il n'est pas aisé de définir le concept de « juge » car, il est intimement lié à celui de juridiction. Le professeur Georges Wiederkehr en son temps se posait déjà la question dans une étude inspirée « Qu'est-ce qu'un juge »17. Au sens générique, « le juge désigne tous les organes qui exercent la fonction judiciaire. Mais la notion s'appréhende globalement a deux niveaux : au niveau constitutionnel, elle désigne un pouvoir ou, du moins une « autorité » ; au niveau administratif, elle désigne une organisation »18. De manière restrictive, le terme « juge » désigne un « magistrat de l'ordre judiciaire professionnel ou non »19. De façon extensive, le « juge » est soit « une personne qui exerce la fonction de juger ou un tiers qui tranche entre ceux qu'un conflit oppose »20, soit « toute juridiction de quelque nature, degré, ou ordre qu'elle soit »21. Sous cette idée, la notion de juge serait comparativement synonyme de « juridique » donc interchangeable. l'objet et tente d'obtenir la réparation d'erreur et les bénéfices d'un droit résultant d'une loi ou d'un règlement relatifs aux impôts directs (Impôt sur Revenu des Personnes Physiques, Impôt sur les Sociétés, impôt sur le chiffre d'affaire, les contributions communales directes) ou aux impôts indirects (les droits d'enregistrement et de timbre, les droits de douanes, etc.). NNANGA (S. H.), Cours de Droit et contentieux fiscaux, Licence 3, Université de Ngaoundéré, 2009-2010, 72p.
Aux dires du Professeur René Chapus22, la détermination d'une institution juridictionnelle relève des critères à la fois matériel et formel. Selon le critère matériel, est juridiction tout organe ou organisme chargé de régler un litige. Alors que selon le critère formel, on parle de juridiction lorsque l'autorité en cause est dotée de tout pouvoir de juger ou d'un pouvoir propre de décision et si seulement, cette autorité a un caractère juridictionnel. Pour sa part, le professeur Roger Bonnard retient trois critères cumulatifs de la fonction juridictionnelle : « D'abord le critère matériel qui est la question de droit au sujet de laquelle la juridiction saisie doit se prononcer, ensuite le critère organique qui relève la différence d'organisation entre les organes juridictionnels et les organes administratifs, enfin les organes juridictionnels agissent suivant des formes et procédures qui leur sont propres, articulées autour du principe du contradictoire »23.Bien plus, le juge dispose, à cet effet, de deux pouvoirs : D'abord la jurisdictio qui reconnaît au juge saisi d'une contestation qui s'élève sur un cas concret, le pouvoir d'y mettre un terme en constatant le droit qui est applicable à la situation litigieuse, et en ordonnant les mesures propres à en assurer le respect. Ensuite, l'imperium désignant les diverses manifestations du pouvoir de commandement qui est dévolu au juge24. Sous ces considérations, si la fonction de juger est l'une des trois fonctions de l'Etat à côté de la fonction législative et exécutive25, elle semble inséparable des notions de « juge » et de contestation. Car le juge ne peut être saisi qu'en cas d'opposition d'intérêts ou de thèses juridiques entre deux sujets de droit. C'est pourquoi Carré de Malberg écrit « la fonction juridictionnelle est appelée à s'exercer toutes les fois qu'il existe une contestation pour laquelle il faut procéder soit à une application, soit à une interprétation de la loi »26. Aussi convient-il de fixer le contenu du mot « fiscal ».
Dans une acception large, l'adjectif « fiscal » désigne « ce qui se rapporte à l'impôt, à la fiscalité »27ou ce qui marque « l'appartenance au fisc de ce qu'il qualifie »28. C'est dire qu'en réalité, le qualificatif « fiscal » détermine tout phénomène qui concerne ou qui à trait, peu ou prou à l'impôt. De là, découle la nécessité de définir le substantif « impôt ». Au sens commun, l'impôt évoque « une contribution exigée pour assurer le fonctionnement de l'Etat et des collectivités locales29 ou une « prestation pécuniaire perçue d'autorité sur les citoyens sans consentement pour financer les charges publiques »30. Dans la doctrine, l'acception juridique de l'impôt est très fluctuante au regard des divergences qui pèsent sur la conception et la nature de ce prélèvement obligatoire. En effet, tandis que certains auteurs contestent l'impôt dans son principe, d'autres l'approuvent ou le célèbrent. Ainsi, Pierre Joseph Proudhon31et Thierry Lambert 32ont cru devoir établir une distinction dans la conception de l'impôt selon que ce dernier était mis en oeuvre avant ou après le moyen âge. Pour ces auteurs, à l'ère de l'Europe médiévale, celle des régimes féodaux, les impôts étaient assimilés « à des confiscations, ou plutôt à un mécanisme d'exploitation »,33 d'où la théorie de l' « impôt confiscation ». La période postrévolutionnaire34est marquée par l'émergence des conceptions plus libérales de l'impôt telles que les théories de « l'impôt-assurance », « impôt-échange » et de « l'impôt-solidarité » ou « impôt-communautaire », développées par Emile de Girardin. En sus, probablement controversée est la définition de Gaston Jèze qui définit l'impôt comme « une prestation de valeur pécuniaire exigée des individus d'après des règles fixes, en vue de couvrir les charges publiques d'intérêt général et, uniquement en raison du fait que les individus qui doivent les payer sont membres d'une communauté politique organisée »35.
Aussi moins édifiante semble les définitions des professeurs Jacques Grosclaude et Philippe Marchessou pour qui, « l'impôt est un prélèvement à caractère obligatoire et sans contrepartie, perçue au profit d'une collectivité publique »36. Au regard des définitions proposées par ces auteurs, la distinction étanche entre l'impôt et les autres prélèvements obligatoires comme les redevances, les taxes ou les cotisations sociales, réside dans sa double définition ou fonction budgétaire et instrumentale. En effet, alors que la taxe est un prélèvement obligatoire perçu à l'occasion de la prestation d'un service rendu, la redevance, en revanche, se distingue par l'exigence du critère de l'équivalence entre le prix payé et la prestation fournie par l'Etat. Il n'est pas sans intérêt de relever que la cotisation sociale se résume nettement autour de l'idée de paiement effectué en vue de bénéficier de la sécurité sociale offerte par l'Etat. Bien que la doctrine française apporte une nette distinction entre les impositions et les cotisations obligatoires37, la diversité des prélèvements obligatoires semble avoir imposé au constituant français la nécessité de les regrouper autour de la qualification « impositions de toutes natures ». En revanche, la jurisprudence fiscale camerounaise semble adopter une conception large et extensive de l'impôt, autant les droits de douane, autant les cotisations sociales38 perçues par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale sont admis comme des impôts. D'origine doctrinale, l'expression « juge de l'impôt » désigne « la juridiction qui est compétente en principe, pour trancher les litiges relatifs à un impôt déterminé »39ou « ne désigne pas une catégorie particulière de juridictions spéciales mais des juridictions ordinaires des deux ordres(...) statuant, selon les règles de procédures particulières en contentieux fiscal »40. Aussi le professeur Robert Hertzog écrit « au regard de la diversité des juges du contentieux fiscal41 » que « toutes les juridictions sont à un titre plus ou moins marqué, fiscal »42. En effet, la traditionnelle dualité organique fonde la répartition des
compétences juridictionnelles entre le juge administratif et le juge judiciaire de l'impôt d'une part, et l'explication se fonde sur l'absence d'une unité matérielle du contentieux fiscal d'autre part. Au Cameroun comme en France, le contentieux juridictionnel fiscal porte matériellement sur l'assiette et le recouvrement ou encore le contentieux de l'annulation et le contentieux de pleine juridiction. Organiquement du fait du caractère transversal du droit fiscal, il fait intervenir les mêmes juges : juge administratif, juge judiciaire, juge constitutionnel et dans une certaine mesure le juge communautaire. Cela a conduit le Professeur Hertzog à observer que le « juge fiscal est partout »43. C'est dire en fait que si le juge fiscal « n'est pas tout, il peut être en tout et partout ».Aussi, compte tenu de l'absence d'une juridiction fiscale autonome, spécialisée en matière fiscale comme c'est le cas en Grèce44, le juge fiscal peut se définir selon les critères de l'unité d'objet et de fonction. Par le critère de l'objet, cela signifie que le juge fiscal est celui dont la saisine a pour objet les litiges fiscaux, c'est-à-dire les contestations relatives à l'assiette et au recouvrement de l'impôt. Par le critère de la fonction, le juge fiscal est celui dont l'office consiste à vérifier l'interprétation exacte des normes fiscales, à la lumière du droit constitutionnel, du droit administratif, du droit budgétaire et même du droit commercial. Ces deux critères retiendront notre attention suivant la délimitation qui sera faite de l'étude ainsi envisagée dont l'objet mérite d'être précisé. |
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