IV-2- La progéniture
Les progénitures ont été longtemps
considérées comme source de protection sociale pour les personnes
âgées. En effet, en l'absence de système de pension et de
protection sociale, les enfants sont perçus comme une
sécurité sociale par les personnes âgées : plus
vous avez d'enfants, plus, on prendra soins de vous et plus vous pouvez
espérez de confort au crépuscule de votre vie. (Ruth Evans,
p.40).
Leur réussite demande alors des investissements, des
implications des parents dans leur éducation et leur devenir. Elle
constitue un appui psychosocial. Cette idée est consolidée selon
les expressions d'El Hadj M. Dosso, 87 ans :
« J'ai mis tous ses enfants à
l'école, et après l'école je les ai trouvés des
métiers, afin que chacun d'eux puisse se prendre en charge, pour faire
face à la réalité de la vie quotidienne. Ma politique a
été bien menée. Aujourd'hui mes enfants ayant
réussi s'occupent de moi. »
L'éducation par l'école permet à
l'individu de faire face à toutes les situations de la vie
quotidienne ; elle constitue un apprentissage qui est un processus de
socialisation, qui peut se définir comme : « le
processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au
cours de sa vie, les éléments socioculturels de son milieu, les
intègre à la structure de sa personnalité sous l'influence
d'expérience et d'agents sociaux significatifs et par là d'adapte
à l'environnement social où elle doit vivre. » (Rocher,
1974, p.103). En effet, l'école permet l'accès aux emplois qui
restent une grande source de revenu, de monnaie. (D'Almeida-Topor, 1992).
Cette vision du monde a permis à
l'enquêté (Dosso, 87 ans) de leur trouver des métiers
pour leur autonomie financière qui garanti une assise sociale. En effet,
cette indépendance économique est coproductrice de
longévité. Dans cette logique, la progéniture qui a
reçu une éducation permettra de se prendre en charge et de venir
en aide aux personnes âgées, car avec l'âge certaines
d'entre elles ont perdu leur pouvoir économique. La progéniture
va moduler la longévité certes mais va plus améliorer la
qualité de vie des personnes âgées. Fort de cette
réalité les enquêtés ont mis prioritairement en
avant-garde, l'éducation de leur progéniture. Même si
l'enfant participe au conditionnement du vieillissement, la transcendance en
est le fortificateur, c'est qui ressort des propos de Bamba, 69 ans :
« C'est Dieu qui prépare la retraite de
l'homme. Une bonne éducation des enfants peut nous servir. Ils peuvent
garantir nos vieux jours. »
Les enfants constituent une ressource déterminante pour
les personnes âgées, dans la société africaine et en
islam. C'est pourquoi, à leur jeune âge, il faut accorder beaucoup
d'importance à leur éducation. Ils sont une ressource sûre
pour l'avenir.
Les personnes âgées conscientes de ce fait, ont
du respect pour les enfants et les jeunes, au même titre que les jeunes
ont du respect pour les personnes âgées.
Le rapport des enfants aux parents est un rapport de
complémentarité. L'enfant constitue une source d'espoir pour les
personnes âgées dans le processus du vieillissement. Ce facteur
leur apporte un équilibre psychosocial, lequel équilibre garanti
un vieillissement harmonieux et lutte efficacement contre le vieillissement
précoce. Toutefois, la gestion de la progéniture peut-être,
des fois, contradictoire car elle constitue, un poids social pour les
enquêtés qui entraine le vieillissement précoce.
IV-3 Le poids social
Tableau XXI : Répartition des
enquêtés selon le nombre de
progéniture
Nombre d'enfants
|
VA
|
VR
|
0-10
|
140
|
50,91%
|
10-20
|
80
|
29,09%
|
20-30
|
55
|
20 %
|
30-40
|
00
|
00%
|
40-50
|
00
|
00%
|
Total
|
275
|
100%
|
Source : Les données de notre
enquête de 2009 sur la démographie de la progéniture
Les enquêtés rencontrés au cours de notre
enquête, soit 80 % ont un nombre d'enfants compris entre 0-20
enfants.
A un degré moindre 20 % des enquêtés ont
de 20-30 enfants.
Dans la conception islamique, il est recommandé de se
marier et faire des enfants c'est-à-dire que l'islam socialise l'acte
sexuel à travers le mariage. En effet, le mariage est un facteur de
construction sociale et identitaire qui responsabilise l'individu dans la
société. Il est un atout non seulement de distinction, mais aussi
de stabilité du ménage de l'individu. Toutefois, il convient de
remarquer que même si la situation matrimoniale ne procure forcement la
présence de progéniture, donne une marque de
responsabilité.
L'approche islamique a construit une image plus que reluisante
aux personnes âgées. En effet, au moment de leur incapacité
physique, économique, la religion islamique recommande à la
progéniture de les prendre en charge. La progéniture est
l'espoir des personnes âgées et elle doit pouvoir apporter de
l'aide, une prise en charge aux personnes âgées. L'enfant
constitue un trésor, une richesse qui doit prendre en charge les parents
pendant leurs vieux jours. (A.Sabine, op.cit, p.45-45). Mais la
complexité du temps lié à l'urbanisation, à
l'individualisme, au manque d'emploi ; les enfants n'arrivent plus
à prendre en charge convenablement leurs géniteurs ou
génitrices. La complexité du phénomène
entraîne une contradiction dans les rapports de sociabilité.
L'enfant qui était source de richesse et de pérennisation de la
cellule familiale dans les sociétés africaines, est devenu une
`autre' charge pour la famille. En effet, le phénomène de
l'urbanisation a phagocyté les acquis de la solidarité. Les
progénitures avec leur nombre élevé sont devenues des
poids sociaux à la charge des personnes âgées ou
déjà retraitées et dont les pensions ou les ressources ne
sont plus conséquentes.
Ce processus a causé la désintégration
progressive du système de la famille étendue, et ont ainsi
anéanti son rôle d'institution de sécurité sociale.
Les enquêtés sont désormais vulnérables, certains
enfants ne se sentent plus obligés de soutenir leurs parents. Les vieux
jours ne sont vécus dans la tranquillité.
La société évolue dans ses contradictions
entraînant un dysfonctionnement du système social. L'enfant, dans
la société antique, n'était pas sujet à
problème. De nos jours, la situation très difficile dans laquelle
évolue la société, a complexifié les rapports de
sociabilité. Cela a une incidence sur le vieillissement et la
longévité des enquêtés. La pression sociale, les
incompréhensions, les tensions, les disputes au sein de la cellule
familiale sont un facteur indicateur de troubles psychologiques qui peuvent
raccourcir la vie de l'individu, traduit dans les faits par les
difficultés à joindre les deux bouts et à prendre en
charge convenablement toutes les progénitures. Ces facteurs dans leur
manifestation entraînent chute et mort des enquêtés.
Les charges sociales sont une source de réduction de la
longévité et du vieillissement. La plupart des personnes
âgées sont des retraités et continuent une double prise en
charge. En milieu urbain, les conditions de vie sont difficiles à cause
de la cherté de la vie. Le manque de moyen matériel peut
contrarier le processus du vieillissement. Tous ces facteurs contrarient le
processus de la longévité et du vieillissement, qui peut
entraîner le vieillissement précoce. Ce regret est
mentionné dans les propos de Coulibaly :
« Je suis retraité avec en
ma charge 06 enfants dont aucun n'est autonome économiquement.
Toutefois, ce qui me maintient dans la durée est que je me suis
bâti deux logements. »
Cette situation est interprétée en
termes de regret par l'enquêté. Ce regret est lié au manque
de réussite de ses enfants, car il n'a pas d'appui social à part
ses propres réalisations. Le logement est un appui social qui
l'équilibre et stabilise. Mais ne suffit pas à
l'enquêté car ses ambitions étaient qu'il ait un soutien
qui viendrait de ses enfants pour garanti ses vieux-jours.
Messesso, 70 ans, va dans le même sens mais accole son
soucis à la cherté de la vie, la prise en charge des autres
membres de la famille élargie et à la non autonomie de ses autres
enfants qu'il continue de prendre en charge :
« J'ai 02 femmes et 12 enfants dont 07 sont
autonomes économiquement. Face au poids des charges, je suis
désespéré, car il est difficile de vivre aisément
en Afrique ou la famille est élargie et ou le contexte
économique est difficile qui procure de maigres salaires. Dans ces
conditions, je n'ai pas pu préparer ma retraite. ».
Il convient de rappeler qu'en Afrique et surtout en
milieu urbain, la famille élargie présente un poids pour les
bourses de tous ceux qui exercent une activité professionnelle.
(A.Sabine, op.cit, p.52). Cette gestion difficile à un impact sur le
processus du vieillissement et de la longévité de nos
enquêtés.
L'on assiste à un processus contrarié, parce
qu'en même temps l'enfant est source d'harmonie familiale conditionnant
le vieillissement, on trouve qu'il est source de problème psychologique
et même de différend dans les foyers. Fama, 64 ans, lance un cri
de coeur face à la condition difficile dans laquelle il se
trouve :
« J'ai 12 enfants avec 03 femmes et 05
enfants autonomes. Je trouve que c'est difficile de vivre sans moyens
financiers. Il me faut faire des sacrifices pour assurer la popote à la
famille. Sans moyens cela peut créer un désaccord dans la
famille. Sa présence physique est symbolisée par une cour et une
plantation. ».
Les charges sociales constituent de véritables
marqueurs d'angoisse et de stress. En effet, les enquêtés sont
confrontés aux nombreux problèmes liés à la famille
élargie et le nombre élevé de progéniture qui leur
ont pas permis de jouir pleinement de leur vieillesse. Ils ne profitent pas des
privilèges de la longévité car vivent dans l'angoisse, le
souci. Or, ces facteurs affectent l'espérance de vie et ne peut
consolider le processus du vieillissement. En effet, les vieux jours ne sont
pas vécus dans la tranquillité d'où la contradiction du
processus du vieillissement et de la longévité de nos
enquêtés. L'étude de la Nouvelle Angleterre sur les
centenaires a trouvé que les gens qui vivent vieux ont des
« personnalités résistantes au stress ».
(Perls, et Al. 1999). Aussi, le stress chronique compte t-il jusque 80 % dans
le déclenchement de maladies telles que le cancer, les maladies de coeur
et les problèmes de dos. (Phyllis et Al. 2000, p.647).
L'angoisse et le stress entremêlés au poids
social est un facteur qui tue et précipite le vieillissement
précoce des personnes âgées.
Les contradictions ou les mutations que connaissent les
milieux urbains et ruraux, liées au chômage, à la
cherté de la vie, cachent toute possibilité de soutien aux
personnes âgées, toutefois, les enfants continuent d'être de
potentielles charges aux mains des personnes âgées.
Mais, si l'islam prône la prise en charge et le respect
des personnes âgées, il reconnaît les effets du temps sur
l'individu, car il ne sera plus capable avec l'âge d'accomplir et de
s'acquitter de certaines taches qui reviennent qu'au plus jeune. Au-delà
des effets du temps, la dynamique de la société y crée des
dysfonctionnements au sein du système social. Ils seront liés
aux effets de la modernisation. Par exemple certains vieux ne sont pas
écoutés par leurs progénitures, parce que en perte de
vitalité et d'autonomie. Ils ont perdu le pouvoir de prise de
décision. (Nana Apt, op.cit. p.3). L'éducation a conduit à
un renversement des rôles : les jeunes sont les mieux formés,
ils ont de l'argent. Ils n'ont pas besoin de leurs grands-parents pour trouver
une épouse ou payer une dot. Le pouvoir des personnes âgées
s'en trouve érodé.
Les contradictions liées au temps où tout change
et tout évolue ; le rôle et le statut des personnes
âgées dans nos sociétés modernes est-en train de
s'effriter. Dans ce contexte la longévité ne garantit pas le
vieillissement, car il y a perte de privilège sociaux et de
qualité de vie.
Même si l'islam n'autorise pas la limitation du nombre
de progéniture, mais, il faut faire des enfants à la limite de
ses moyens. L'enfant, est un investissement qui a besoin de toutes les
protections possibles pour réussir.
Leur réussite peut réduire la pression, le
stress que les enquêtés ont à gérer leurs foyers
avec l'avancé en âge.
Comment maintenir les personnes âgées dans la
durée à travers leur choix alimentaire ?
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