I-5-1-2 Représentation de la vieillesse dans les
sociétés non-occidentale
Selon une communication faite par Touré A. (1984) sur
« Le vieux et la vieille. Une situation et rôle des
personnes âgées en Côte d'Ivoire », montre qu'en
Afrique, vieillir c'est s'assagir et la sagesse implique respect de la plupart
de ceux, qui par leur jeune âge, n'ont pas encore acquis assez
d'expérience. En effet, la vieillesse confère de
privilèges tels que droit d'aînesse, droit à la parole et
respectabilité qui sont autant de pouvoirs : être plus vieux
qu'un tel, c'est pouvoir lui en imposer ; par exemple demander à
celui qui a un ou deux ans de moins que soi, de faire telle ou telle chose
alors qu'on pourrait le faire soi-même.
Dès lors, on comprend l'acharnement des Africains
à se déclarer plus vieux qu'ils ne sont en réalité
et de se référer ainsi au droit d'aînesse ; sauf
lorsqu'un âge avancé ferme la porte à certains
avantages : par exemple, pour bénéficier du droit
d'inscription dans une école, on réduira son âge deux ou
cinq ans par l'établissement de jugements supplétifs en l'absence
d'acte de naissance. Que du haut de la pyramide socio-politique d'alors (1984),
l'ancien président de la république (feu Félix
Houphouët-Boigny), surnommé le sage de l'Afrique à la fois
pour son grand âge (79 ans en 1984) et son intelligence à diriger
son peuple.
Cette communication a permis à l'analyse du rôle
et de la place des vieillards dans la société africaine. Cette
représentation qui est faite n'est pas contraire à l'approche que
les personnes âgées d'obédiences musulmanes en font.
Les anthropologues remarquent l'importance des
privilèges dont jouissent les personnes âgées dans les
sociétés traditionnelles actuelles : pour l'Asie du Sud-est,
Georges Condominas (1983) notait : « le privilège de la
vieillesse se trouve sur tous les plans. Le vieillard, entouré
d'affection, a droit à des tas de faveurs. On trouve normal qu'il
profite de ce qui lui reste de force pour obtenir des satisfactions de
tous...si le vieillard est ainsi entouré de prévenances, ce n'est
pas par devoir de protéger un être affaibli, mais parce que le
bonheur irradie et profite à l'entourage de l'homme ainsi
favorisé. Atteindre le grand âge est considéré comme
un bonheur dont on se réjouit, surtout si le vieillard a une nombreuse
descendance. C'est alors un homme comblé surtout en Afrique ! On ne
peut pas, comme le souligne l'auteur, le mettre à l'écart, comme
chez eux en occident, l'éloigner dans les maisons de retraite, il reste
au milieu des siens, car il est la preuve manifeste de la réussite du
groupe. »
Cette étude a permis de montrer les privilèges
de la vieillesse qui détermine la place indéniable des personnes
âgées dans la société africaine. C'est, d'ailleurs,
cette représentation qui fait objet d'analyse dans notre
étude.
Selon Schwartz, A. (1968), dans Tradition et changement dans
la société Guéré, souligne que, c'est
seulement à la personne âgée qu'il est
réservé le droit de faire les libations lors des
cérémonies rituelles. Aussi, le culte des morts ou culte des
génies qui concourent au maintien de la société et
à son harmonie, est également réservé aux personnes
âgées. Ainsi le doyen d'âge a donc un rôle de
sécurité. Il est intermédiaire entre les morts, les
génies et les familles.
Grattié pour sa part approfondie davantage les
fonctions des personnes âgées en se référant
à Hampaté Ba, lesquelles fonctions font objet sans détours
dans notre étude.
Grattié L. (1988), montre que la société
africaine traditionnelle est basée sur un pouvoir gérontocratique
très marqué. Le vieux est considéré comme un
personnage sacré dont le destin est de rejoindre l'aéropage des
divinités ou des ancêtres. Ils ont également un rôle
religieux médico-magique, ce qui fait leur force tant dans les
sociétés traditionnelles que modernes africaines. Sa connaissance
des us et coutumes, de sa tradition confère à la personne
âgée un rôle juridique intermédiaire entre le monde
des ancêtres, des esprits et le monde des vivants.
L'auteur définit les différents rôles
assignés aux personnes âgées dans la société
africaine. A travers ces fonctions, on représente les personnes
âgées comme des êtres transcendants, des dieux, des juges,
des sages. Cela été important à l'analyse de notre
étude.
Dans une communication faite par Dédy S. (2005), sur le
thème « Comment tirer profit de l'expérience des
cadres à la retraite pour le développement
national », il insiste sur la place plus qu'importante de la
personne âgée dans nos sociétés traditionnelles
africaines : « la personne âgée est un
trésor pour la société toute entière en raison de
l'ensemble de son vécu et principalement de ses
expériences. ».
Cette communication a permis la conception théorique
et pratique de notre étude.
Tous ces écrits précités ont fait
l'apologie du rôle, de la place et des privilèges des personnes
âgées dans la société africaine. Toutefois, les
écrits ci-dessous viennent contredire ces privilèges et la place
des personnes âgées dans la société africaine. Cela
relativement à la mutation que connaissent les
sociétés.
En effet, Nana Apt (1999), présidente de la
Société africaine de Gérontologie, lors d'une
Communication sur le thème « Les personnes âgées
n'obtiennent pas leur juste part de l'aide au développement »,
souligne que la société africaine apparaît comme une sorte
de gérontocratie où les vieillards jouent un rôle
important, où ils sont respectés pour leur sagesse et où
la collectivité veille à leurs besoins.
Toutefois, cet immense trésor et d'expérience
seront érodés suite aux mutations sociales que connait la
société africaine.
Les jeunes avaient besoin d'eux pour se marier, pour des
cérémonies rituels, etc. Ils avaient le pouvoir
économique. Ils étaient les piliers de la famille, gardaient les
biens, l'argent et les ressources. Mais, les mutations subies par nos
sociétés rendent vulnérables et plus isolés les
personnes âgées. L'éducation a conduit à un
renversement des rôles : les jeunes sont les mieux formés,
ils ont de l'argent. Ils n'ont pas besoin de leurs grands-parents pour trouver
une épouse ou payer une dot. Le pouvoir des personnes âgées
s'en trouve érodé.
Evans,R. (1999) dépeint la réalité
changeante dans laquelle se trouvent les personnes âgées. Il
raconte ce fait : « II y a quelques années, un ami
tanzanien est venu lui rendre visite et à été
stupéfié d'entendre que sa vieille voisine de 92 ans vivait
totalement seule, sa fille ne lui rendait que de rares visites et aucun membre
de sa famille ne vivait à proximité pour l'aider. Cela
n'arriverait jamais en Afrique, a-t-il affirmé. Les familles s'occupent
des personnes âgées ». Pour lui, cela est dû aux
mutations socioculturelles intervenues dans nos sociétés
modernes.
H. Yambené, H. Mimché, Y. Zoa Zoa (2005)
abondant dans le même sens, indique que l'indigence des personnes
âgées est d'envergure. Au regard des données disponibles au
Ministère des Affaires Sociales du Cameroun, il ressort que les demandes
d'aide adressées par les personnes âgées
révèlent les problèmes suivants : la santé
physique et mentale, la salubrité, le manque d'alimentation saine et
variée, le mépris et le rejet, les préjugés,
l'isolement et la solitude, la difficulté d'accès à un
environnement physique et social tolérable, le manque d'intimité
et de vie privée, l'abandon, la violence verbale et physique, etc.
Myerhoff (1978), dans son étude montre que les Yahgan
de la Terre de Feu, vivant dans un milieu naturel particulièrement rude
et dont la technologie représente un extrême de simplicité,
traitant leurs vieillards avec respect et vont même jusqu'à les
porter sur leur dos lors des migrations, tandis que leurs voisins, les Ona,
préfèrent les abandonner à une mort certaine. Ces deux
populations habitent un même milieu naturel, des systèmes
économiques identiques, et des formes d'organisations sociopolitiques
comparables, et pourtant traitent les personnes âgées de
façon radicalement différente. La
« société primitive » est contradictoire et
ne peut y avoir de génération simpliste sur le vieillissement
dans la société humaine.
Cette étude pose aussi les jalons de la contradiction
dans la représentation de l'image et le rôle des personnes
âgées. C'est dire que les vieillards ne sont pas traités de
façon identique avec respect et considération. Ils font objet de
rejet, de méchanceté. Ce qui est confirmé dans notre
analyse.
L-V Thomas (1991) observait le prestige considérable
dont jouissaient les vieux dans les vingt-deux ethnies qu'il a pu
étudier en Afrique : « Expérience,
disponibilité, éloquence, savoir, sagesse, voilà ce qui
justifie l'image idyllique que le Négro-africain se fait du vieillard.
Et ceci malgré la réalité des vieux séniles,
égoïstes, tyranniques ou acariâtres, comme partout dans le
monde. C'est qu'une société de pure oralité a besoin de
ses vieux, symbole de sa continuité en tant que mémoire du groupe
et condition de sa reproduction. Alors, pour rendre plus supportable leur
pouvoir et aussi pour se valoriser en les valorisant, le groupe n'hésite
pas à les idéaliser. Puisqu'on ne peut rien faire sans les vieux,
autant leur accorder toutes les qualités. Et confondre leur somnolence
avec le recueillement de la médiation. »
Mais aujourd'hui avec le contexte socioculturel
favorisé par la pénétration du livre, de l'écrit,
l'oralité ne fait plus le poids devant le livre. Le pouvoir
gérontocratique se voit désormais démystifié et
même agressé. De même, l'apparition d'un type de
gouvernement démocratique, l'élimination progressive du
sacré dans la politique sont des facteurs à mettre fin à
la gérontocratie.
En somme vieillir en Afrique et dans les
sociétés, c'est avoir des privilèges, tels le droit
à la parole, droit d'ainesse, de respectabilité, de sagesse,
d'affection, de bonheur pour la société, qui a un droit de regard
de la part de la communauté.
Par ailleurs, les différents rôles
assignés aux personnes âgées sont qu'elles sont des
intermédiaires entre les morts et les vivants. Elles ont un rôle
de sécurité, un rôle religieux, médico-magique,
juridique et culturel..
Toutefois, avec la dynamique socioculturelle de la
société, le pouvoir gérontocratique est agressé par
la perte de leur privilège social.
La représentation sociale de la vieillesse dans ses
ramifications a touché la représentation occidentale et non
occidentale de la vieillesse. Elle renferme aussi des déterminants qui
contribuent au vieillissement et à la longévité. C'est
d'ailleurs l'idée que développe la seconde partie de notre revue
documentaire.I-5-2 Les déterminants du vieillissement et de la
longévité
Le vieillissement en tant que processus et conséquence
du temps qui passe est un phénomène obligatoire et
inéluctable. Il est complexe et multifactoriel.
Il concerne les facteurs sociaux et écologiques,
biologiques, physiques, mentaux, religieux, nutritionnels et
comportementaux.
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