Section 2 La lettre électronique,
équivalent de la lettre sur support
papier
Les articles 1369-7 et suivants du Code civil distinguent deux
types de lettres électroniques:la lettre électronique simple et
la lettre électronique recommandée.
Quoi qu'il en soit, l'expéditeur ne peut y recourir que
lorsque celle-ci a trait à la conclusion ou à l'exécution
du contrat. Justement, lorsqu'elle comporte une offre de contracter, il
39 Ordonnance n° 2005-674 du 16 juin 2005 relative à
l'accomplissement de certaines formalités contactuelles par la voie
électronique, JORF 18 Fév. 2005, texte n° 26
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y a tout lieu de penser qu'elle ne pourra déboucher sur
la conclusion d'un contrat électronique que si le destinataire formule
son acceptation par l'intermédiaire d'un moyen de communication
électronique.
En outre, l'article 1369-8 du Code civil qui consacre la
lettre recommandée électronique permet à
l'expéditeur d'opter pour « la lettre recommandée tout
électronique » ou « la lettre recommandée hybride
»40. Autrement dit, l'expéditeur peut exiger du
tiers41 -il peut s'agir de la poste ou d'un autre
établissement concurrent- chargé de l'envoi, qu'il remette au
destinataire le contenu de la lettre électronique imprimé sur un
support papier ou qu'il adresse cette lettre par la voie
électronique.
Au demeurant, on peut raisonnablement se demander si le
recours à une «lettre recommandée hybride » ne fait pas
obstacle à la qualification du contrat électronique. Ni
l'article
L 121-16 du Code de la consommation ni l'article 1369-3 du
code civil qui définissent respectivement le contrat à distance
et le contrat électronique nous permettent d'y répondre.
En tout état de cause, si la lettre électronique
doit respecter certaines conditions à peine d'invalidité , elle
offre certaines garanties de preuve entre les parties (I) et peut d'ailleurs
être datée avec certitude grâce à un
procédé électronique relativement complexe (II).
§1 De la lettre électronique simple à la
lettre recommandée électronique
A la lecture de l'article 1369-7 du Code civil, il n'existe
pas de condition particulière à la validité de la lettre
électronique simple42. Au contraire, l'article 1369-8 du Code
civil exige du courrier électronique recommandé qu'il soit «
acheminé par un tiers selon un procédé permettant
d'identifier le tiers, de désigner l'expéditeur, de garantir
l'identité du destinataire et d'établir si la lettre a
été remise ou non au destinataire ».
A priori, une telle formulation laisse à penser que les
exigences propres à l'identification de l'expéditeur et du
destinataire ne se distinguent pas de celles relatives à la
recevabilité d'un écrit électronique.
Or il n'en est rien. En effet, le décret d'application
du 5 février 2011 ne consacre aucune
40 Expressions employées par E.A Caprioli, « les
lettres recommandées électroniques », cahiers de droit de
l'entreprise, mai 2011, n° 3, p. 68
41 Lorsqu'il est chargé d'acheminer une lettre
recommandée électronique, il doit y apposer un ensemble
d'informations l'identifiant, dont le contenu est fixé à
l'article 1 du décret du 2 Février 2001
42 Mis à part son champ d'application restreint
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garantie particulière apte à assurer
l'identification des correspondants, ainsi, l'article 1er du décret
oblige seulement l'expéditeur à « indiquer » au tiers
chargé de l'acheminement du courrier : «- son nom et son
prénom ou sa raison sociale ainsi que son adresse de courrier
électronique et son adresse postale
- le nom et le prénom ou la raison sociale du
destinataire ainsi que son adresse postale de courrier électronique
».
Le système n'est donc pas sécurisé. Il ne
garantit en rien l'identité des correspondants et surtout, de
l'expéditeur. On peut saluer la souplesse de ce dispositif favorable
à l'expansion du commerce électronique. Néanmoins, on peut
s'interroger sur la capacité d'une lettre électronique
recommandée à constituer un écrit électronique au
sens des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil.
En effet, les exigences propres à l'identification de
l'expéditeur sont si souples qu'elles ne garantissent en rien l'origine
de la lettre et par conséquent, le respect de la condition
d'authentification de l'écrit électronique. On aurait pourtant pu
concevoir un système offrant de telles garanties et substituant à
l'exigence d'une signature électronique une simple vérification
d'identité43.
En l'absence d'un tel dispositif, on doit conseiller à
l'expéditeur de prendre toutes les mesures aptes à assurer son
identification, en faisant notamment usage d'une signature électronique
sécurisée au sens de l'article 1316-4 du Code civil.
En revanche, on pourrait aussi considérer que les
exigences propres à la lettre recommandée électronique se
substituent à celles propres à l'écrit
électronique. Ainsi, une lettre recommandée électronique
serait un écrit électronique au sens des articles 1316-1 et
1316-4 du Code civil.
Cette interprétation pourrait se concevoir. En effet,
l'esprit de la réforme était d'approfondir l'équivalence
de l'écrit sur support papier et de l'écrit électronique,
en consacrant un équivalent électronique à la lettre
papier lorsqu'elle est exigée pour la conclusion ou l'exécution
du contrat.
Néanmoins, une lettre recommandée papier n'est
pas nécessairement un écrit, par exemple, si la lettre ne
comporte pas de signature. On ne comprendrait pas pourquoi un traitement si
différent serait accordé à la lettre recommandée
lorsqu'elle est établie et envoyée par
43 Il est indispensable de garantir l'origine de l'écrit,
pour autant, une vérification de l'identité de
l'expéditeur d'un message par un tiers est apte à garantir
l'origine du message tout autant qu'une signature propre à l'auteur. Le
législateur aurait pu adapter la notion d'écrit
électronique au mécanisme de la lettre électronique.
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voie électronique.
Ces interrogations renvoient à un débat sur le
notion d'écrit électronique car les exigences qui lui sont
propres sont lourdes et peu compatibles avec le besoin de rapidité des
échanges. Un auteur dénonce à cet égard un «
échec de l'écrit électronique »44 dans la
mesure où rares sont les écrits établis et
échangés par la voie électronique répondant
à cette qualification. Il milite pour un assouplissement de la notion.
Un telle simplification serait d'autant plus attendue pour la lettre
recommandée électronique que la jurisprudence récente
n'apparaît pas réellement favorable à la
recevabilité de l'e-mail à titre d'écrit
électronique 45.
En outre, il existe une condition indispensable et
préalable à l'utilisation de la « lettre recommandée
tout électronique ». En effet, l'article 1369-8 alinéa 2
oblige l'expéditeur à obtenir l'accord du destinataire lorsque ce
dernier n'est pas un professionnel.
On peut dès lors se demander si cet accord peut
être contenu dans une clause générale figurant dans un
contrat précédent. Une interprétation restrictive de la
loi conduirait à exiger de l'expéditeur qu'il obtienne l'accord
du destinataire avant chaque envoi d'une lettre
recommandée46, on attend également un
éclaircissement sur ce point.
Enfin, le décret du 20 avril 2011 a mis en oeuvre les
conditions relatives à l'apposition d'une date d'expédition et de
réception de la lettre électronique par un procédé
électronique, ce qui peut revêtir un enjeu important pour les
parties au contrat.
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