§2 La consécration de l'acte authentique
électronique
L'instauration de l'acte authentique électronique
à l'article 1317 du Code civil avait suscité d'importantes
controverses doctrinales dans l'attente de la parution des décrets du 10
août 200536.
Notamment, les auteurs avaient redouté qu'un tel acte
puisse être établi à distance, sans la présence
physique simultanée des parties et du notaire chargé
d'instrumenter l'acte. En effet, selon M.Flour, la présence
réelle du notaire constitue « un élément substantiel.
Elle en est, à la lettre, indispensable. »37
M.Raynouard, confirme ce point de vue, selon lui, «
l'intervention du notaire n'est pas uniquement une garantie matérielle
du contenu de l'acte et du consentement manifesté par les parties ; le
notaire a un rôle fondamental de conseil, son intervention
entraînant un surplus de réflexion et assurant une prise de
conscience de l'acte conclu »38. Le décret du 10
août 2005 n'a pas porté réellement atteinte à cette
conception de l'authenticité.
En effet, selon l'article 16 du décret de 1971
modifié, il appartient au notaire d'instrumenter l'acte au moyen «
d'un système de traitement et de transmission de l'information »
agréé par le conseil supérieur du notariat, celui-ci doit
alors faire usage d'un procédé de signature électronique
conforme au décret du 30 mars 2001 pris en application de l'article
1316-4 du Code civil.
L'article 20 du décret donne au notaire instrumentaire
la possibilité d'instrumenter l'acte à distance,
néanmoins, les parties qui ne sont pas en sa présence doivent
livrer leur consentement ou leur déclaration par devant un autre notaire
qui participe à l'acte et y appose également sa signature.
Un telle disposition « sauve » la notion
d'authenticité dès lors que la présence d'un autre notaire
est indispensable à la constitution de l'acte authentique
électronique. Lorsque l'une des parties n'est pas présente devant
le notaire instrumentaire, la seule signature de ce dernier ne suffit pas
à conférer l'authenticité à l'acte.
Finalement, l'écrit électronique peut
revêtir la forme d'un acte authentique ou encore d'un
36 Voir notamment I. de Lamberterie (dir.), Les actes
authentiques électroniques. Réflexion juridique prospective,
Mission de recherche « droit et justice », La Documentation
française, 2002, passim ; M. Grimaldi et B. Reynis, «
L'acte authentique électronique », Défresnois,
2003, p. 1023.
37 J.Flour, « Sur une notion nouvelle de
l'authenticité », Rep Desfresnois 1972, n° 5, p.
981
38 A. Raynouard, « Sur une notion ancienne de
l'authenticité : l'apport de l'électronique »,
Rep.Desfresnois, 2003, n° 18, p 1117
23
acte sous seing privé. Quoiqu'il en soit il
obéit tout de même aux contraintes qui pèsent sur la preuve
littérale, qu'il s'agisse de celles relatives à la
pluralité d'originaux, l'existence d'une mention écrite par la
main même du signataire, ou encore la présence d'un notaire
lorsque l'acte est authentique.
Plus concrètement, cet écrit électronique
peut cette fois-ci revêtir la forme d'un email, d'un sms, d'un telex ou
encore même d'une page sur un écran d'ordinateur lorsque le
contrat est conclu directement en ligne sous réserve que les parties
aient respecté les conditions prescrites aux articles 1316-1 et 1316-4
du Code civil.
Aussi, l'ordonnance du 16 juin 200539 a
consacré une nouvelle modalité d'établissement et de
remise d'un écrit par voie électronique. En effet, cette
réforme a intronisé la figure de « la lettre
électronique » en tant qu'équivalent de la lettre sur
support papier.
Il s'agit pour les parties de pouvoir disposer des mêmes
garanties que lorsqu'elles échangent par la voie d'un courrier sur
support papier, ce qui était d'ailleurs l'objectif que l'article 26 de
la LCEN du 21 juin 2004 avait assigné au gouvernement à qui elle
avait confié la charge d'assurer « l'adaptation des dispositions
législatives subordonnant la conclusion, la validité ou les
effets de certains contrats à des formalités papier au contexte
électronique et ce par voie d'ordonnance ».
Si l'objectif était surtout d'introduire un
équivalent à la lettre sur support papier lorsqu'une telle
formalité était requise à peine de validité d'un
acte juridique, il n'en reste pas moins qu'une telle innovation emporte
certaines conséquences sur le terrain de la preuve du contrat
électronique.
|