PARTIE PRÉLIMINAIRE - QUELLE QUALIFICATION POUR
UNE OPÉRATION HYBRIDE ? ENTRE VENTE ET PRESTATION DE SERVICE
La qualification est la première étape à
tout raisonnement juridique dès lors qu'elle détermine le
régime juridique applicable. Cette étape est parfois
périlleuse lorsqu'elle met en évidence l'existence d'un contrat
à objet mixte, auquel l'application cumulative de régimes
juridiques distincts occasionnerait de nombreuses difficultés.
La prestation offerte par le site internet qui fait l'objet de
la présente étude nous semble pouvoir être concernée
par cette situation dès lors qu'elle mêle transfert de
propriété et prestation de service. En effet, le gestionnaire du
site web propose aux utilisateurs un service personnalisé en confiant
à un styliste le soin de déterminer le contenu de la malle
commandée par ces derniers, tout en transférant à
l'acheteur la propriété des vêtements qu'il a acquis en vue
seulement de les revendre.
Ainsi, il apparaît fondamental de qualifier la
prestation effectuée par le gestionnaire du site web et de comprendre
s'il faut retenir une qualification unitaire (section 2) ou au contraire
appliquer une qualification distributive (Section 1) en considérant
qu'aucune des deux prestations ne semble dominer l'autre. Seule la directive du
25 Octobre 2011 définissant la vente et la prestation de service, il
nous faudra raisonner sans définition expresse pour déterminer
une qualification au regard du Droit positif.
SECTION 1 : Qualification distributive
Plusieurs éléments nous permettent
d'établir une qualification distributive (§1), dont l'application
emporterait de nombreuses conséquences à l'égard notamment
de l'existence d'un droit de rétractation au bénéfice de
l'acheteur (§2).
§ 1 Les justifications d'une qualification
distributive
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L'article 1582 du Code civil dispose :
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La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige
à livrer une chose, et l'autre à la payer.
La formule consacrée par le Code civil ne met pas en
évidence la nécessité d'un transfert de
propriété. Pourtant, la vente est bien un contrat synallagmatique
à titre onéreux en vertu duquel le vendeur s'oblige à
transférer la propriété de la chose vendue et en
contrepartie de quoi l'acheteur s'oblige à la payer. En effet, le prix
n'est pas affecté à la livraison mais à la chose, ce qui
sous-entend que la vente emporte bien un transfert de propriété
au profit de l'acheteur.
La prestation de service, elle, n'est pas définie par
le Code civil qui ne consacre que la notion de louage d'ouvrage
considéré comme tout « contrat par lequel l'une des
parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix
convenu entre elles ».
Dès lors, il convient selon nous, de s'en remettre
à la classification tripartite des obligations consacrée par
l'article 1126 du Code civil aux termes duquel « tout contrat a pour
objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie
s'oblige à faire ou à ne pas faire ». Ainsi, dès
lors qu'une partie s'oblige à autre chose qu'à transférer
la propriété d'un bien, elle est irrémédiablement
débitrice d'une obligation de faire ou de ne pas faire. Lorsque le
créancier de l'obligation de faire s'engage à payer un prix en
contrepartie au débiteur, le contrat semble bien devoir correspondre
à la qualification de louage d'ouvrage.
A cet égard, il nous semble qu'en offrant aux
utilisateurs une prestation de conseil qui sera assurée par un styliste,
le gestionnaire se rend débiteur d'une obligation de faire, qui devra
faire l'objet d'un paiement. N'étant pas subordonné à ses
clients, il s'oblige à exécuter une prestation de service et non
un simple contrat de travail.
Ainsi, une qualification distributive pourrait être
envisagée en considérant que les utilisateurs concluent sur le
site à la fois pour acquérir la propriété des
vêtements et accessoires qu'ils ont achetés, mais également
pour bénéficier des conseils d'un styliste dans la mesure
où ces derniers ne peuvent choisir seuls.
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