CHAPITRE 2 : L'articulation du droit de
rétractation et de la faculté d'essai
Dès lors que nous avons démontré que le
droit de rétractation pouvait être réellement
indépendant de la faculté d'essai lorsque la vente était
conclue à distance, il reste à savoir comme articuler ces
droits.
En effet, deux hypothèses sont à envisager,
ainsi les parties peuvent faire de la réussite de l'essai une condition
résolutoire dont la réalisation vient former
rétroactivement et de manière définitive le contrat au
jour de sa conclusion. Au contraire, les parties peuvent préférer
faire de l'échec de l'essai une condition résolutoire venant
mettre rétroactivement fin au contrat qui a été conclu.
Même si l'article 1588 du Code civil laisse entendre que
la vente à l'essai est présumée être faite sous
condition suspensive, la possibilité que les parties ont d'y
déroger en stipulant une condition résolutoire s'explique dans la
genèse de l'article 1588.
Ainsi, Pothier pensait en son temps que le Droit romain
faisait de la vente à l'essai un contrat affecté d'une condition
résolutoire. Cette analyse était cependant erronée dans la
mesure où le Droit romain n'avait pas consacré une nature
juridique déterminée à la vente à l'essai, en
assignant, de plein droit, à la condition d'essai un effet plutôt
résolutoire que suspensif. Prenant connaissance de l'erreur qui avait
été commise par Pothier, les rédacteurs du Code civil ont
alors consacré un principe diamétralement inverse, mais seulement
à titre de présomption, afin de laisser aux parties la
possibilité d'y déroger.
Plusieurs raisons, quelque peu incertaines cependant, nous
incitent à préférer la condition résolutoire
à la condition suspensive (section 1). Aussi, dans un second temps, nous
verrons qu'il est nécessaire au vendeur de calquer les modalités
d'exercice du droit d'essai de l'acheteur sur celles du droit de
rétractation (section 2).
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SECTION 1 : Les raisons de la stipulation d'une
condition résolutoire
Même si l'article L 121-20 alinéa 2 du Code de la
consommation fait courir le délai de rétractation de l'acheteur
de 7 jours à compter de la réception du bien, on peut se demander
s'il n'est pas nécessaire que le contrat soit définitivement
formé avant que ce délai ne commence à courir, de sorte
qu'il y a lieu de s'interroger sur l'incidence du choix de la condition
résolutoire ou de la condition suspensive à cet égard
(§1).
Si le choix de la condition résolutoire ou suspensive
n'a pas de réelles conséquences du point de vue du point de
départ du délai de rétractation, et donc du point de vue
de la durée du délai effectif pendant lequel l'acheteur peut
retourner les biens qu'il a acquis, nous verrons que la question du transfert
des risques peut influencer ce choix (§2).
§ 1 L'inclusion du délai de rétractation
dans le délai d'essai
Le délai qui est laissé à l'acheteur pour
essayer le bien est déterminé par les parties ou par un usage
dans la vente à l'essai à la différence de celui qui est
laissé au cyber-acheteur qui est déterminé par la loi.
La question est cependant de savoir si le délai d'essai
et le délai de rétractation partagent le même point de
départ.
Ainsi, nous savons que le délai de rétractation
commence à courir pour 7 jours à compter de la réception
des biens dans le cadre d'une vente à distance selon l'article L 121-20
alinéa 2 du Code de la consommation.
Aussi, dans le cas où les parties auraient
stipulé une condition résolutoire aux termes de laquelle le
contrat est formé à la date de conclusion du contrat mais
anéanti de manière rétroactive si l'essai n'est pas
satisfaisant, il ne fait aucun doute que le délai de rétractation
commencerait à courir au même moment que le délai
d'essai.
Il y a donc tout lieu de penser qu'en l'espèce, le
délai d'essai étant de 10 jours, ce dernier se terminerait au
plus tard trois jours après le délai de rétractation de 7
jours
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dans la mesure où il aura commencé à
courir au même moment que le délai de rétractation : au
moment de la réception des biens.
Cependant, on peut se demander s'il en serait de même si
les parties avaient décidé de stipuler une condition suspensive
plutôt que résolutoire. En effet, dans ce cas, la réussite
de l'essai emportant la réalisation de la condition suspensive, c'est
cet évènement qui marque la formation définitive du
contrat qui a été conclu. Or, on peut se demander si le
délai de rétractation peut commencer à courir alors
même que le contrat n'est pas définitivement formé, et donc
si le délai de rétractation commence à courir au moment
seulement où la condition suspensive se réalise. Auquel cas, une
telle circonstance ferait peser une charge très lourde sur les
épaules du vendeur en laissant l'acheteur libre de cumuler 10 jours
d'essai et 7 jours pendant lesquels il pourrait se rétracter, ce qui
porterait à 17 jours le délai pendant lequel l'acheteur peut
retourner les biens qu'il a acquis. En effet, dans le pire des cas, la
condition suspensive ne se réaliserait qu'à l'expiration du
délai d'essai.
Ce raisonnement est cependant contraire à l'effet
rétroactif de la condition suspensive. En effet, la réalisation
de la condition suspensive a pour effet d'emporter la formation
définitive du contrat, de manière rétroactive, au jour de
sa conclusion.
Ainsi, à supposer qu'on considère qu'il est
nécessaire que le contrat soit définitivement formé avant
que le délai de rétractation ne commence à courir quand
bien même l'acheteur aurait reçu les biens qu'il a acquis, la
réalisation de la condition suspensive emporte de manière
rétroactive et donc purement fictive la formation définitive du
contrat au jour de sa conclusion. Selon ce raisonnement, il y a tout lieu de
penser que le délai de rétractation pourrait, au même titre
que si une condition résolutoire avait été
stipulée, être compris dans le délai d'essai.
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