SECTION 2 : La survivance du droit de
rétractation au cours de l'essai
Dès lors que le délai d'essai se superpose au
délai de rétractation, on peut se demander si le droit de
rétractation survit à l'essai réalisé par
l'acheteur. En effet, conformément à la directive du 20
décembre 199787, l'article L 121-20-2 3° et 4° du
Code de la consommation dispose que le droit de rétractation ne peut
être exercé, sauf si les parties en ont convenu autrement, pour
les contrats :
30 De fourniture de biens confectionnés
selon les spécifications du consommateur ou nettement
personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être
réexpédiés ou sont susceptibles de se
détériorer ou de se périmer rapidement ;
40 De fourniture d'enregistrements audio ou
vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu'ils ont été
descellés par le consommateur.
La première de ces exceptions est
interprétée de manière large par la jurisprudence. Ainsi,
à cet égard, le tribunal de Grande Instance de Bordeaux a
jugé que la clause des conditions générales de vente de
CDiscount excluant le droit de rétractation à l'égard
notamment de « l'ensemble des produits des rayons sous-vêtements
(homme et femme, lingerie, chaussettes, piercing et boucles d'oreilles ; ceci
par mesure d'hygiène) »88, était valable, en
considérant que l'hygiène pouvait être un motif valable
justifiant que
européen et du Conseil et abrogeant la directive
85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et
du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.
87 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du
Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en
matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4
juin 1997, p. 21.
88 TGI Bordeaux, 11 mars 2008, UFC Que Choisir c/ CDiscount
(n°3703/2006), Contrats Conc. Cons. 2008. Comm.
n° 69, note A.Debet.
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certains produits soient considérés comme
faisant partie de ceux qui de fait de leur nature, ne peuvent être
réexpédiés.
Quoique circonscrite au cas des sous-vêtements, ce qui
ne concerne pas le cas du vendeur dans notre espèce, dans la mesure
où ce dernier ne vend pas de tels objets, cette interprétation
extensive a été relayée par Directive du 25 Octobre 2011
qui consacre en son article 16 e) une telle exception concernant « la
fourniture de biens scellés ne pouvant être renvoyés pour
des raisons de protection de la santé ou d'hygiène et qui ont
été descellés par le consommateur après livraison
».
Une interprétation plus extensive encore de cette
disposition transposée fidèlement au sein du projet de loi
relatif à la consommation permettrait d'exclure l'existence d'un droit
de rétractation dans notre cas d'espèce. A défaut, il
semble que les vêtements autres qu'intimes puissent être
essayés sans que des raisons d'hygiène ne fassent obstacle
à leur renvoi.
En outre, l'exception prévue au 4° de l'article L
121-20-2 précité prévoit que le droit de
rétractation ne peut être exercé, lorsque les
enregistrements audio et vidéo ou logiciels informatiques ont
été descellés. Il semble donc que le Code de la
consommation prévoit des cas dans lesquels l'ouverture d'un colis ferait
obstacle à l'exercice du droit de rétractation de sorte qu'on
pourrait se demander si, de manière générale, le droit de
rétractation ne pourrait plus être exercé dès lors
qu'un bien a été essayé, commencé d'être
utilisé. Il ne fait aucun doute que directive du 25 Octobre 2011 conduit
à tenir un raisonnement totalement inverse. Ainsi, en effet, dans son
considérant 37, la directive indique que « le consommateur
devrait être autorisé à essayer et inspecter le bien qu'il
a acheté, dans la mesure nécessaire pour établir la
nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement ».
D'autre part, elle indique dans son considérant 42 que
« pour établir la nature, les caractéristiques et le bon
fonctionnement des biens, le consommateur devrait uniquement les manipuler et
les inspecter d'une manière qui lui serait également permise en
magasin. Par exemple, il devrait seulement essayer un vêtement et non pas
le porter. »
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C'est ainsi qu'il paraît difficile de considérer
que le fait d'essayer un bien fait disparaître le droit de
rétractation, dans la mesure où l'essai ne semble pas impliquer
plus que ce qui est prévu dans le considérant 42 de la directive
du 25 Octobre 2011. En effet, en revêtant les vêtements qu'il a
acquis, l'acheteur les essaye comme il lui serait permis de le faire dans une
boutique. La faculté d'essai qui lui est attribuée par le vendeur
dans le cadre de la vente à l'essai ne lui donne pas la
possibilité de le porter à l'extérieur de chez lui et
pendant une durée excédant celle qui est nécessaire pour
se faire un avis.
Par ailleurs, à supposer que le vendeur permette
à l'acheteur de porter le vêtement afin de se faire un avis sur
les vêtements et accessoires qu'il a acquis, le considérant 42 de
la directive prévoit que « certains consommateur exercent leur
droit de rétractation après avoir utilisé les biens dans
une mesure qui excède ce qui est nécessaire pour établir
la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement du bien. Dans
ce cas, le consommateur ne devrait pas perdre son droit de rétractation,
mais devrait répondre de toute dépréciation des biens.
»
Ainsi, il est bien malaisé de plaider la disparition du
droit de rétractation en cours d'exécution du contrat par la
réalisation de l'essai qui est permis à l'acheteur.
Même si ce principe est prévu par les
considérants de la directive uniquement, il n'en reste pas moins que
celle-ci en tire toutes les conséquence à l'article 14.2 aux
termes duquel « la responsabilité du consommateur n'est
engagée qu'à l'égard de la dépréciation des
biens résultant de manipulations des biens autres que celles
nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques
et le bon fonctionnement de ces biens ». Fidèlement
transposée par le projet de loi relatif à la consommation, cette
disposition fait clairement obstacle à la théorie de la
disparition du droit de rétractation en cas de manipulation du bien
excédant celle qui est permise pour que le consommateur se fasse un
avis.
Partant, il est nécessaire de considérer que le
Droit de rétractation se cumule avec le droit de l'acheteur d'essayer et
de retourner, en cas d'échec, les vêtements qu'il a acquis dans le
cadre de la présente espèce. Ainsi, l'autonomie du Droit de
rétractation vis-à-vis
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de la faculté d'essai est bien réelle de sorte
qu'il y a lieu de comprendre comment articuler au mieux ces droits pour ne pas
alourdir la charge qui pèse sur le vendeur.
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