§ 2 Le transfert des risques
La question du transfert des risques incite cependant à
choisir une condition résolutoire plutôt qu'une condition
suspensive.
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En effet, le transfert des risques a lieu, en Droit
français, conformément à l'article 1138 du Code civil, au
moment du transfert de propriété. C'est ainsi qu'au cas où
la malle ou une partie de son contenu serait perdu au cours du transport avant
que l'acheteur ne rentre effectivement en sa possession, il appartiendrait
à l'acheteur d'en assumer les conséquences car le transfert de
propriété a lieu au moment de la formation définitive du
contrat qui correspond en principe au moment de l'échange des
consentements.
Cependant, dans le cas où les parties auraient
stipulé une condition suspensive en considérant que le contrat ne
sera définitivement formé qu'au moment de la réussite de
l'essai, la formation définitive du contrat - qui serait certes
réputée correspondre au moment de sa conclusion, la
réalisation de la condition ayant un effet rétroactif - serait
suspendue à la réalisation de la condition.
Ainsi, il y aurait tout lieu de penser que celle-ci ne se
réaliserait pas au cas où la malle ou une partie de son contenu
aurait été perdu pendant le transport de sorte que, le contrat
n'ayant jamais été formé, l'acheteur n'aurait jamais
été propriétaire et ne devrait pas supporter les
conséquences d'un tel évènement.
C'est pourquoi il est préférable pour le vendeur
de stipuler une condition résolutoire afin que l'acheteur soit
propriétaire des biens qu'il a acquis, dès le moment de la
conclusion du contrat. Auquel cas, le transfert des risques s'opérerait
effectivement au moment de la conclusion du contrat de sorte que le vendeur ne
devrait pas assumer les conséquences de la perte de la chose.
Remarquons cependant que si un tel raisonnement se tient
à l'heure actuelle, il n'en sera peut-être plus de même
à l'avenir dans la mesure où la directive du 25 Octobre
201189 prévoit en son article 20 un mécanisme de
transfert dérogatoire lorsque la vente est conclue entre un consommateur
et un professionnel, ce qui est le cas en l'espèce. En effet, le
transfert des risques ne se réalise plus, auquel cas, au moment du
transfert de propriété, mais au moment du transfert de
possession, de sorte qu'il faudrait considérer que les risques seraient
de toute façon transmis à l'acheteur au moment de la
réception
89 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du
Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la
directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement
européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil
et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE
n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.
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des biens, quand bien même les parties auraient
stipulé une condition suspensive subordonnant la formation
définitive de leur contrat à sa réalisation, sauf à
considérer que le transfert de propriété reste une
condition préalable mais non suffisante au transfert des risques.
Ce mécanisme dérogatoire est fidèlement
transposé par le projet de loi relatif à la
consommation90 qui consacre les nouveaux articles L 138-4 et
suivants aux termes desquels :
Art. L. 138-4. - Tout risque de perte ou d'endommagement
des biens est transféré au consommateur au moment où ce
dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur
proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces
biens.
Art. L. 138-5. - Lorsque le consommateur confie la
livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par
le professionnel, le risque de perte ou d'endommagement du bien est
transféré au consommateur à la remise du bien au
transporteur.
Ainsi, le transfert des risques aurait lieu au moment de la
remise du bien entre les mains de l'acheteur ou encore entre les mains du
transporteur si ce dernier a été choisi par le consommateur
lui-même en refusant de choisir celui qui avait été
proposé par le professionnel.
Dans le cas qui fait l'objet de la présente
étude, l'acheteur devrait donc assumer la perte de la malle ou d'une
partie de son contenu en cours de transport s'il choisit un transporteur qu'il
considère comme étant plus compétent ou plus rapide que
celui que lui a proposé le vendeur. Il assumerait cependant les risques
au moment de la réception de la malle seulement s'il a fait appel au
transporteur qui lui a été proposé par le vendeur.
Il y a donc lieu de considérer qu'au cas où le
projet de loi relatif à la consommation entrerait en vigueur dans sa
version actuelle, aucune raison n'obligerait le vendeur à choisir de
stipuler une condition résolutoire plutôt qu'une condition
suspensive, à moins
90 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation,
enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale
le 2 mai 2013.
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cependant, qu'on considère que le transfert de
propriété reste une condition préalable mais non
suffisante au transfert des risques.
Remarquons d'ailleurs que les parties n'auraient pas la
possibilité de déroger au mécanisme consacré par le
projet de loi dans la mesure où ce dernier précise :
Art. L. 138-6. - Les dispositions du présent
chapitre sont d'ordre public.
Ainsi, comme nous venons de le voir, Le Droit actuel incite
à préférer la condition résolutoire à la
condition suspensive en raison surtout de la question du transfert des
risques.
Il est donc possible au vendeur de stipuler une clause aux
termes de laquelle il fait savoir à l'acheteur que son droit de
rétractation est compris dans son droit d'essai et qu'il y a lieu
d'imbriquer le délai de rétractation de 7 jours dans le
délai, plus long, de 10 jours pendant lequel le vendeur offre à
l'acheteur la possibilité d'essayer les vêtements et de les
retourner.
Cependant, on peut se demander de quelle façon il
appartient à l'acheteur d'exercer les droits qui lui sont offerts par le
contrat et par la loi.
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