En plus du déficit important d'informations
pertinentes de nombres de petites associations de migrants concernant les
interlocuteurs institutionnels chargés de piloter les politiques locales
de la ville et de l'intégration, les dispositifs publics existant et
l'octroi des ressources pour la conduite des actions, sévit aussi une
méconnaissance ou un déficit de crédit à l'endroit
des associations et structures professionnelles de migrants ayant
développé une ingénierie particulière dans le
montage et le suivi des projets d'insertion ou de développement, la
formation professionnelle, l'accompagnement en tous genres199. La
crise de confiance entre migrants peut accentuer ce
199 Citons en exemple le cas du Centre Appui Conseil Formation,
une des rares structures d'insertion économique et professionnelle des
publics en difficulté , immigrés et non-immigrés,
portée et administrée par des migrants. Né en 2001, les
activités du Centre se structure autour
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phénomène, une crise de confiance des migrants
subsahariens vis-à-vis de l'expertise de l'Africain. Les a priori
positifs ou négatifs qu'ont les uns vis-à-vis des autres,
répercutés par le bouche-à-oreille particulièrement
efficace du point de vue des échanges d'informations dans les relations
interpersonnelles, peuvent aider à l'identification et l'adhésion
à une structure professionnelle ou une association d'experts africains
ou au contraire susciter méfiance, réticence et discrédit
qui renforcent la méconnaissance et les préjugés y compris
au sein de la même communauté nationale ou
ethno-régionaliste. Un phénomène assez courant au sein de
la communauté subsaharienne et qui légitime la démarche
d'une association comme l'A2P Nord-Sud-Sud qui a fait de la lutte
contre les préjugés et stéréotypes au sein de la
communauté africaine du Grand Lyon son cheval de bataille; de même
que la promotion de la transculturalité et sa traduction en actes par la
pratique de l'ouverture et l'imbrication des associations subsahariennes toutes
origines confondues au sein d'un collectif du type Africa 50 ou le
Cosim. L'association s'appuie en effet sur le constat qu'en plus du
déficit de confiance:
« &les préjugés font que l'on
s'imagine l'autre comme un ennemi, un danger, alors à ce
moment-là, on ne cherche plus à le connaitre, on cherche
plutôt à lui barrer la route. Au lieu de travailler sur des
objectifs communs et la mise en place d'outils qui nous permettent
d'évaluer que nous tendons vers cet objectif commun, de manière
à renforcer la confiance, cette confiance qui n'est pas donnée
une fois pour toutes, qui est à construire et à reconstruire en
permanence ».
Un autre responsable associatif nous confiait dans la
même veine que: « l'expertise c'est important et pour valoriser
certaines choses il faut que les gens en face donnent du respect et de la
reconnaissance à l'expert sinon ça ne vaut rien »
La permanence des attitudes de défiance mutuelle,
accentuée par le facteur concurrentiel pour la captation des ressources
publiques et privées et l'acquisition du prestige social , met à
mal le processus de professionnalisation des associations dont dépendent
l'efficacité des actions, la visibilité et la
légitimité des associations dans leur s quêtes
partenariales.
Nous avons noté parallèlement la
difficulté que rencontraient certains acteurs associatifs à
identifier les organisations par thématiques ou champs d'intervention en
raison d'une invisibilité sur l'espace public de nombre d'entre elles:
absence de sites internet, coordonnées dans les annuaires associatifs
des mairies pas toujours à jour, période d'activités
très variables en fonction de la disponibilité des membres du
mouvement&