3. Déficit et Solutions de développement des
compétences
Les causes des lacunes en matière des
compétences au sein d'une organisation associative ou une entreprise, eu
égard aux activités à réaliser et des
résultats à atteindre, peuvent se rapporter selon les situations
à :
- la non-identification et la non-mobilisation des
acteurs individuels et collectifs qui en disposent, pour toutes
sortes de raisons;
177 Daniel Held et Jean-Marc Riss: « Le
développement des compétences au service de l'organisation
apprenante », Employeur Suisse, n°13, 1998. Les approches
évoquées sont:
- Approche basée sur les savoir-faire
- Approche basée sur les connaissances, le
savoir
- Approche basée sur les comportements
- Approche intégrant les savoir, savoir-faire et
savoir-être
- Approche basée sur les « compétences
cognitives »
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- l'écart important entre les niveaux des
compétences attendues et les compétences
disponibles;
- Le manque des savoirs: que l'on
peut exprimer par la formule « je n'ai jamais fait cela, ni même
abordé la question », ce que nous avons souvent entendu au
cours de notre enquête concernant les pratiques d'accueil et
d'intégration formelle des migrants par les associations des migrants
subsahariens ;
- Le comportement indispensable non acquis
eu égard au contexte économique, culturel et
social: difficulté d'adaptation aux règles et normes de
management, d'organisation, le déficit de la culture du contrat et de la
parole donnée, la non-maîtrise des procédures;
- Le déficit personnel plus
profond: la peur d'aborder les conflits par exemple ou de sortir
du connu, de sa zone de confort, la faible tendance à la prise de
risques, à l'élargissement de son horizon opérationnel,
partenarial, social ...)178
Aussi, dans l'optique de maîtriser son activité,
des mesures spécifiques et individualisées peuvent-elles
permettre de développer les compétences manquantes des acteurs
associatifs, au sein ou à l'extérieur du réseau, pour
chaque action ou groupe d'actions:
- Améliorer les savoirs
généraux, spécifiques et pratiques, la
connaissance: pour en revenir à notre étude, il
peut s'agir de donner accès aux acteurs, par la formation ou les
sessions d'information collectives, à l'ensemble des renseignements
(bien informationnel) dont il vaut mieux disposer pour agir plus
efficacement dans un contexte qui apparait fortement concurrentiel. Ce sont
entre autres données:
· Les dispositifs législatifs et
opérationnels des politiques d'intégration et d'insertion au
niveau national et leur déclinaison au niveau local,
· les publics, les champs d'intervention et zones
géographiques prioritaires au sein du périmètre
départemental d'action,
· les marchés des subventions publiques et
privées et former à la pratique d'une veille stratégique
(internet, presse, journal officiel, etc.) pour être au fait quand il y a
lieu de l'ouverture des marchés publics à tous les
échelons administratifs : commune, département, région,
État, Europe, fondations, mécénat, etc. ;
· les problématiques et profils
socio-économiques et culturels des publics cibles (migrants jeunes,
âgés, femmes, résidants des quartiers prioritaires de la
politique de la ville, etc.) ;
· les associations partenaires de l'État qui
constituent la concurrence au niveau local, régional et national;
· les méthodes et procédures efficientes
de réponse aux appels d'offres et appels à projet, de même
que les process de montage , suivi et évaluation et
optimisation de l'efficacité des projets d'insertion en direction des
migrants dans le Grand Lyon;
· L'identification des acteurs clés
(associations, entreprises, institutions, particuliers) pour construire des
partenariats stratégiques gagnant-gagnant sur le long terme.
- Développer et renforcer les savoir-faire
c'est-à-dire les méthodes appliquées pour la
gestion d'un projet, la maîtrise des procédures institutionnelles
et techniques, les recours aux expertises externes, les techniques de
management, d'encadrement;
- Améliorer et gérer au mieux les
savoir-être: les comportements individuels et collectifs,
la motivation des membres de la communauté, la valorisation des
ressources humaines, les « bonnes ou mauvaises raisons » qui poussent
à agir ou pas;
- Détecter et tirer parti du potentiel
intellectuel et personnel des acteurs au sein de l'organisation.
Ce point peut faire référence par exemple à la
manière d'aborder les sujets et leurs enjeux (concepts, analyses et
stratégie à mettre en oeuvre...) et les problèmes concrets
(adaptation aux situations nouvelles, équilibre personnel, valorisation,
image et estime de soi...)
178 Daniel Held et Jean-Marc Riss, idem.
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Ainsi, lorsque ces déficits sont comblés et le
degré de maîtrise de l'activité dépasse les
attentes, il peut en résulter « des « réserves
» de compétences, qui peuvent être utilisées pour
d'autres projets ou missions, ou pour former d'autres collaborateurs
»179.
Cependant, pour agir dans ce sens, encore faut-il que les
acteurs cibles des actions du développement des compétences le
veuillent. Le vouloir-agir est d'autant plus essentiel que les associations
subsahariennes du Grand Lyon ont adopté quasiment toutes un
modèle économique reposant essentiellement sur le
bénévolat. Parmi toutes celles que nous avons
enquêtées et ayant consulté différents supports
répertoriant les associations qui salarient dans le Rhône, seule
le COSIM salarie une très infime parti de son personnel.
Cela étant, le désir de combler un
déficit de compétences relatives à une activité
donnée ne peut émaner que du bénévole
lui-même si cette initiative entre en résonnance avec ses
objectifs professionnels ou personnels et si ceux-ci sont en adéquation
avec ceux de l'organisation. L'initiative peut aussi résulter d'une
action de l'organisation elle-même qui va amener le
bénévole à améliorer ses compétences par la
valorisation des atouts exprimés et non-exprimés, du potentiel
(ses capacités virtuelles) de ce dernier, ou encore en lui confiant des
responsabilités plus importantes.
Le développement des compétences individuelles
s'accompagne d'une amélioration des compétences de
l'équipe (salariés et/ou bénévoles) sur laquelle
repose l'organisation associative; l'équipe étant vue ici non
plus comme une somme de compétences individuelles disponibles, mais
comme une « dynamique créée par des individus, aux
profils variés, mobilisés par le fait de réussir ensemble
un projet, une mission». Et dans la perspective du
développement des compétences de l'équipe, HELD
et RISS déjà cités estiment qu'il faut:
« (&) obtenir l'adhésion de tous par
rapport à la mission et aux objectifs, valoriser au mieux les
complémentarités, par rapport à l'ensemble des
activités à remplir dans le cadre de l'équipe, clarifier
les règles du jeu, pour favoriser un feedback permanent, source de
progression pour chacun. Connaître les profils individuels de chacun
(compétences, potentiels et objectifs) se révèle alors
essentiel pour la dynamisation des équipes. La performance des
organisations en profitera directement ».
L'organisation elle-même n'échappe pas à
cet impératif du renforcement des compétences dès lors
qu'elle vise la performance, la pérennité et la participation de
toutes les parties. En orientant l'organisation vers une politique de
développement permanent des compétences, les migrants feraient
alors de l'association un espace de construction et de génération
du capital humain en même temps que de la construction et la
reconnaissance identitaires. En somme l'acquisition des compétences
supplémentaires est un avantage collatéral, un effet intentionnel
qui va apporter à la structure associative des ressources
complémentaires pour l'atteinte de ses objectifs. C'est par cet
investissement massif et permanent sur le développement humain qu'une
organisation dite « apprenante » définit les conditions de la
performance.
En résumé, la mobilisation des
compétences des migrants en vue contribuer à la construction de
l'agir social et économique des immigrés en France et donc
d'accompagner le processus pour une intégration réussie, implique
de prendre en compte les Hommes, les Moyens de l'action et le Contexte de
l'action, tryptique qui rejoint la triple dimension qui fonde l' « agir
» : le savoir-agir, le vouloir-agir et le pouvoir-agir.
Les associations des migrants subsahariens du Grand Lyon
sont-elles motivées agir dans le sens de leur pleine participation aux
actions publiques et privées d'accompagnement des immigrés
à l'insertion socio-économique ? Si oui, disposent-elles des
savoir-faire opérationnels pour ce faire? Dans quelle mesure
peuvent-elles agir en matière par exemple des mobilisations des
ressources financières, relationnelles, cognitives, institutionnelles,
culturelles dont pourraient disposer leurs pairs au niveau local ? Et comment
agissent-elles en ce sens précisément.
179 Daniel Held et Jean-Marc Riss, idem.
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